La star de la pop s’inscrit dans la continuité de grandes icônes qui l’ont précédée. L’exposition met en lumière le rôle fondateur qu’elle a joué dans la création d’une culture moderne et d’une génération, notamment celle d’Internet.
Souvent critiquée, voire méprisée, la personnalité de Britney Spears a pourtant infusé la société contemporaine. Ses look, ses chorégraphies, ses chansons, devenus cultes, ont inspiré des générations, jusqu’à devenir, à l’ère d’Internet, virales. Mais que vient faire un milieu aussi élitiste que l’art dans cet héritage populaire ? Quels liens pouvons-nous tisser entre « Britney » et la création contemporaine ?
À Paris, la galerie Les filles du calvaire (rue Chapon Paris 3ème) accueille jusqu’au 21 septembre 2024, l’exposition « Failures » (failles, échec ou fissures en anglais), qui ne sonne pas tant comme une revendication, sinon une prise de pouls d’une société en construction. Sous le commissariat de Marty de Montereau, elle rassemble des œuvres d’artistes émergents et d’autres plus confirmés, avec pour fil rouge l’esprit tutélaire de la star internationale de la pop. « Britney », en réalité, se présente comme un prétexte à une exposition d’une génération en questionnement.
Égérie d'une génération
On parle ici de la vie d’une icône, de sa chute et de sa volonté de se libérer de sa tutelle. « Cette exposition m’a fait penser aussi à Alice de Lewis Carroll, nous confie Marty de Montereau. Dans les livres de cette période-là, les enfants de la bourgeoisie ne vont pas à l’école. Ils sont enfermés dans leur chambre ou dans leur jardin, comme s’ils n’avaient pas de vie sociale. Tout d’un coup, ils sont projetés dans le monde des adultes. Britney, c’est aussi un peu ça ». L’ancienne actrice de Disney a été l’égérie d’une génération, aujourd’hui fer de lance d’une norme nouvelle, de codes populaires qui ont infusé la société.
Cette ambiance ayant trait à l’âge adolescent, mis en parallèle avec le récit d’Alice au Pays des Merveilles (en témoigne l’huile sur toile Disproportions de Lise Stoufflet), et même à cette réalité virtuelle à laquelle nous avons tous accès aujourd’hui, la culture internet, guide le spectateur dans les espaces de la galerie. Ce dernier thème est illustré avec les œuvres de l’artiste réaliste Thomas Lévy-Lasne qui présente des vues de webcam.
La voix de la "revenge"
La culture internet est au coeur de l’exposition : de l’ASMR (ndlr pour autonomous sensory meridian response, réaction corporelle à un stimulus auditif très intense. Tendance répandue sur les réseaux sociaux avec des internautes qui mettent en scène ces stimulus) avec l’oeuvre de l’artiste Ophélie Demurger. Dans sa vidéo accompagnant la revisite d’un meme, elle présente le fry . Cette élocution grave proche d’un bruit de friture est reprise par de nombreuses stars américaines. Elle donne une façon très caractéristique de s’exprimer et joue comme une identité. Britney Spears en est l’une des initiatrices.
Le « revenge » (pour revanche en français) est aussi particulièrement mis en scène. On connait la revenge dress de la princesse Lady Di, après son divorce avec le prince Charles et ses révélations sur son mariage brisé. Image très relayée sur les réseaux sociaux.
L’héritage « Britney » dégage aussi cette tendance avec, dans l’exposition des oeuvres sur capot de voiture de luxe, dont Hope the pussy worth it de Frances Goodman, critiquant le regard de certains hommes sur les femmes.
En 2023, The Woman in Me, essai autobiographique de Britney Spears, a d’ailleurs marqué le public de la star comme la scène musicale. Elle y livre, des années après, les conditions sévères de sa tutelle donnée à son père après son « craquage » filmé en direct à la télévision.
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— Britney Spears 🌹🚀 (@britneyspears) October 17, 2023
Ses faiblesses sont les nôtres
Sur un fond sonore de musique de Britney Spears, originales comme des cover (ndlr reprises par des fans), l’exposition se déploie sur un large éventail de techniques, comme le fusain avec Bryce Delplanque, qui réalise lui même les cadres de ses oeuvres et s’inspirent des scènes du clip Baby One More Time dans un lycée américain ; ou encore Marius Fouquet, qui dans l’oeuvre No Licence, reproduit à l’aide de l’intelligence artificielle son traumatisme : un accident de voiture qu’il a subi dans sa jeunesse.
En 2024, à l’ère des vulnérabilités et des traumatismes dévoilés, le parcours raconté de Britney Spears offre un sentiment de proximité. Les faiblesses de la star sont les nôtres. Des œuvres, comme celles de Michel Jocaille, des simili de miroir en vinyle, replacent le contexte de l’exposition dans une forme de girl power, et l’affirmation de la matrice féminine par le biais de fleurs artificielles.
Oeuvre : Valentin Van Der Meulen
Crédits photo : Charles Gaucher (G) / Léna Naouri (D)
Cet artiste est d’ailleurs le point de départ de l’exposition, née d’une discussion entre lui et Marty de Montereau qui expose plusieurs oeuvres de sa collection personnelle. « Tout au long de sa vie, Britney a comme accumulé tous les maux qu’une femme peut subir dans sa vie ; une carrière trop jeune, une exploitation financière, une exploitation morale, la dépendance aux médicaments, un avortement… »précise-t-il.
Nous croisons, au sortir de la galerie, Guillaume Piens, commissaire de la foire Art Paris Art Fair. « Cette exposition est réjouissante, ça fait du bien ! » On souscrit : faite de couleurs, de punchlines et de codes numériques, « Failures » contre toute attente, offre au visiteur un message réjouissant, un combat heureux pour la liberté et l’indépendance.
Charles Gaucher
La Perle
Exposition « Failures »
Du 31 août au 21 septembre 2024
Galerie Les filles du calvaire
21 rue Chapon 75003 Paris
www.fillesducalvaire.com
Instagram : @galeriefillesducalvaire