Musée d’Orsay : derrière le mythe impressionniste, l’année 1874

L’impressionnisme fête ses 150 ans. Ses couleurs pastel, son flou rêveur et ses paysages d’une campagne française immaculée transportent vers une époque idéalisée où « tout était plus simple ». Mythe ou réalité ?

Peint en 1872, Impression, soleil levant de Claude Monet fait office de manifeste visuel du courant impressionniste.

L’impressionnisme-mania est partout : sur Pinterest à coups de fonds d’écran impressionnistes pour se créer une aesthetic parfaite. Sur Youtube où la playlist « you’re inside monet paintings » (vous êtes dans une peinture de Monet) atteint 1,8 millions de vues; et bien sûr, dans les musées, où près de 4 millions de visiteurs ont arpenté les salles du Musée d’Orsay en 2023.

Oui mais voilà, par sa nouvelle exposition « Paris 1874 : Inventer l’impressionnisme », le musée d’Orsay remet l’église au milieu du village, le nymphéa au milieu de l’étang, et nous rappelle qu’avant l’effet de mode, Claude Monet, Auguste Renoir et les autres ont d’abord été une bande d’artistes fauchés, rejetés par la majorité du gratin parisien.

Le musée d’Orsay propose une confrontation inédite, aujourd’hui méconnue du grand public. En 1874, année de la première exposition impressionniste, se tient le Salon. Ce rendez- vous artistique annuel se vantait d’adouber les artistes reconnus et les jeunes talents, dans un style plutôt académique. Les impressionnistes n’en faisaient pas partie. Les sujets qu’ils traitaient, le quotidien et la nature, étaient rejetés par les académiques qui considéraient leurs tableaux trop grossiers et inachevés.

Aujourd’hui, le grand public est peu familier avec l’origine de l’impressionnisme, devenu l’un des courants les plus populaires au monde. Il se presse devant ses chefs-d’oeuvres. L’exposition du musée d’Orsay remonte le temps pour nous dévoiler les débuts semés d’embûches de ce courant artistique devenu ultra-populaire.

Le Jardin de la Ville, Pontoise, Camille Pissarro, 1874
Les coquelicots, Claude Monet, 1873

On trouve dans l’impressionnisme une réalité fantasque et un quotidien que les réseaux sociaux diraient « romantisé »

LES SECRETS D’UNE ESTHÉTIQUE

Au musée d’Orsay, pas de doute, nous baignons dans l’univers impressionniste qui inspire tant les citadins que nous sommes ! Ces tableaux clairs et lumineux nous apparaissent comme un échappatoire face aux actualités grisantes. On trouve dans l’impressionnisme une réalité fantasque et un quotidien que les réseaux sociaux diraient « romantisé ». Cette esthétique puise dans la couleur pour un plus grand réalisme.

Les impressionnistes peignent la nature et la banalité du quotidien, des moments mondains à ceux de la sphère domestique tels qu’ils les perçoivent. « La vie moderne comme motif » , «Peindre le présent », «L’école du plein air» nous raconte l’exposition du musée d’Orsay. Loin d’idéaliser leur monde, les impressionnistes posent leurs regards sur ces petits riens du quotidien et les reportent sur leurs toiles avec leurs impressions dont «s’échappe un impérieux sentiment du vrai» raconte un journaliste qui couvre leur toute première exposition. Elle est inaugurée en 1874, dans l’atelier du photographe Nadar.

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Avec son expérience de réalité virtuelle, le musée d’Orsay propose de remonter aux premiers temps de l’impressionnisme.
Place de l’opéra, Concept art Excurio, GEDEON Experiences, Musée d’Orsay 

L’AVENTURE IMPRESSIONNISTE

Ce quotidien trop vrai fâche les bourgeois de l’époque habitués aux sujets religieux, mythologiques et historiques que l’on découvre dans la salle consacrée au Salon de 1874. Ces sujets qui étaient imposés par l’État nous paraissent ici vieillots et désuets au milieu des paysages immaculés des tableaux de Claude Monet et du reste de la troupe. De cette manière, le musée d’Orsay renforce notre goût pour l’esthétique impressionniste.

Par cette confrontation avec le Salon de 1874, le musée d’Orsay nous révèle la vraie condition des impressionnistes à leurs débuts : leur art est largement rejeté par la société bourgeoise et cette première exposition de 1874 est un échec cuisant. Malgré les oppositions et les divergences, ce petit groupe de 7 peintres, dont une femme, Berthe Morisot, se soutien moralement et financièrement et réussit progressivement à être reconnu. 

Ce parcours de vie d’artistes, on le retrouve aussi dans l’expérience en réalité virtuelle « Un soir avec les impressionnistes, Paris 1874 », que propose le musée en plus de l’exposition classique. Cette prouesse technique nous permet de retracer l’aventure impressionniste à travers onze chapitres, visuellement riches – mais pas que : Le musée d’Orsay réussit à nous transporter avec justesse dans le quotidien des peintres et dans leur aventure artistique : une histoire d’amitié, de rébellion et de passion. Telle est, avant tout, l’aesthetic impressionniste.

Loriane Pierre

La Perle

« Paris 1874. Inventer l’impressionnisme »
Du 26 mars au 14 juillet 2024

Musée d’Orsay
 Esplanade Valéry Giscard d’Estaing, 75007 Paris

www.musee-orsay.fr
Instagram : @museeorsay