« Bon amusement, et nous espérons que cette critique constructive ouvrira la voie à d’autres lecteurs ! Un pastiche bien élaboré vaut bien des lettres d’éloges ou de critiques ! » La citation provient du numéro 2053 du journal de Spirou paru en 1977, où les planches de Pignouf parodient la célèbre revue de bande-dessinée. Glissée au milieu des 250 reproductions qui composent l’exposition « Pastiches de presse », la formule synthétise l’esprit du pastiche et sa réception à travers les époques.
La sélection réalisée par les commissaires d’exposition chargés des collections presse de la Bibliothèque nationale de France (BnF) est accessible au public gratuitement sur les murs du fonds d’archives du 4 avril au 29 octobre 2023.
S’ATTAQUER AU FOND À LA FORME
Le parcours s’organise en trois parties. D’abord, le visiteur découvre ce qu’est un pastiche. Comment le reconnaître ? Première réponse : le pastiche détourne un objet du quotidien, le journal. Les principaux titres de presses du passage du XIXème au XXème siècle, dont de nombreux ont disparu, sont présentés : Le Petit Journal, Paris-Nouvelles ou Cri-Cri.
Ensuite, le pastiche a pour vocation de faire rire. « Foutons dehors à coups de pied au cul les vieux interdits, à commencer par le bon goût. À continuer par le sacré », déclare le dessinateur de presse Cavanna. La caricature est la meilleure arme du pastiche et constitue l’un des fils rouges de l’exposition. Enfin, la pratique peut s’attaquer à la fois au fond qu’à la forme – la maquette – du journal.
DE LA CARICATURE À LA PROPAGANDE
Une fois le cadre du pastiche posé, le parcours devient chronologique. Le pastiche étant concomitant à l’essor de la presse, il débute donc sous la censure au XIXème siècle avant de se poursuivre à la Belle Époque. L’exposition s’appesantit ensuite longuement sur la pratique en temps de guerre jusqu’à la moitié du XXème siècle. La période est particulièrement propice au détournement des journaux, notamment de propagande.
Le journal résolument ancré à gauche L’Humanité est pastiché en 1942 par le Secrétaire général à l’Information et à la propagande de Vichy. Il devient alors L’Humanité sans roubles, un pamphlet anti-communistes qui titre «Sur l’ordre de l’étranger, les Staliniens ont trahi».
S’ensuivent les années 1960, le développement du pastiche et sa démocratisation à l’ère numérique que nous connaissons aujourd’hui. Le Gorafi, site d’information en ligne parodiant le très sérieux et conservateur Figaro, est à l’honneur. Les commissaires d’exposition n’hésitent pas à faire des clins d’œil à l’actualité, exposant une couverture sur «Ces retraités qui vont voter pour la retraite à 65 ans».
PEU DE PIÈCES ORIGINALES
La dernière partie de l’exposition est thématique. Jouer avec le journal, comme avec Lenna Jouot, cette étudiante qui reprend la maquette du quotidien sportif l’Équipe pour faire son CV en 2020. Désacraliser l’actualité, à l’instar du Journal de confinement de Clémentine Mélois qui montre un homme assoupi sur son canapé en première page, titrée «Une petite sieste et hop, au lit ».
Ou encore ridiculiser les puissants, à travers cette une de Que choisir. Ce pastiche est double : il reprend la maquette de l’UFC-Que choisir, magazine économique à destination des consommateurs. D’autre part, il transforme en jouets les candidats d’«Un match vraiment nul !» à la présidentielle de 2002 Jacques Chirac et Lionel Jospin en «Inaction Man et Moralisator», super-héros malgré eux.
Du pastiche, l’exposition en prend parfois les airs. La quasi-intégralité des journaux affichés sont des reproductions, agrandies et plaquées sur les murs du couloir dans lequel les visiteurs défilent.
À intervalles réguliers, quelques exemplaires de journal sont montrés pêle-mêle sous des présentoirs vitrés, sans cohérence apparente. L’immense majorité des numéros provenant de la collection de la BnF, on regrettera donc que les originaux ne soient pas exposés en lieu et place de reproductions.
Cette exposition sur l’histoire du pastiche permet néanmoins d’appréhender la variété de la presse française. En ce sens, elle remplit un rôle pédagogique d’éducation média salvateur alors que, selon le baromètre Katar Public 51% des Français ressentent souvent de la fatigue ou de la lassitude par rapport à l’information.