Musée des arts décoratifs :
Monoprix, un design accessible ? 

Le Musée des Arts Décoratifs propose une exposition dédiée au d’objets du quotidien et de design. Le mobilier, les objets et les affiches publicitaires, retracent, dans un inventaire confus, les innovations des magasins de grande surface . “Faire le beau au prix du laid”, slogan bien connu de Prisunic, aurait pourtant mérité qu’on s’y attarde.

Un thème aussi accessible que le “ design pour tous” méritait une propos plus riche et plus interactif qu’un simple effort d’inventaire. Photo : Architecture du MAD et chaises. Crédit photo : Alexandra Beraldin.

Alors que l’exposition « Le design pour tous : de Prisunic à Monoprix, une aventure française » vise les influences culturelles des années 1960, elle y intègre aussi la collection permanente du musée. Avec plus de 500 œuvres exposées sur plusieurs étages, les volets de l’exposition se perdent très vite dans l’amalgame de tous ces objets. Dans cette supposée aventure dans l’art du design français, on peine à trouver le fil conducteur censé dépeindre la démocratisation de l’art sous l’angle de la consommation de masse des objets de la maison. De la chronologie des grandes enseignes et leurs nombreuses collaborations, aux centaines d’objets de la collection permanente, la visite se transforme rapidement en corvée fourre-tout.

PRISUNIC OU MONOPRIX : CONSOMMATION DE LA NOSTALGIE

Le début de l’exposition est pourtant prometteur : des vidéos publicitaires illustrant l’arrivée de magasins grande surface ; quelques objets exposés dans d’anciens frigos de supermarché ; et plus loin, une rangée de caisses, avec la reconstitution d’une cuisine dans laquelle est rangée des produits Monoprix : denrées alimentaires, objets colorés, etc. L’identité et l’évolution graphique de la marque ont influencé l’imaginaire de plusieurs générations, via des affiches et emballages bien connus. Mais si l’exposition du MAD ravive des références culturelles, son rassemblement d’objets et de fonds d’archives suffit-il pour marquer le visiteurau-delà d’un seul sentiment de nostalgie

On apprend, d’une part, que le supermarché grande surface devient le modèle pour faire ses courses – c’est la production à grande échelle d’après guerre qui permet cette révolution. Cette dynamique s’inscrit, d’autre part, dans un mouvement d’architectes, d’artistes et de designers qui participent à la création de lieux et d’objets pour la consommation courante. Ce qui souligne, certes, l’importance des changements économiques et sociaux dans l’accès aux beaux objets. Mais c’est en s’entremêlant dans la collection permanente du musée, que le message de l’exposition temporaire se dissout. Outre l’évolution historique de chaque courant de design et la division de salles par époque ou thématique, il est difficile de trouver la ligne qui réunit plus de cinquante ans d’histoire du design intérieur

“SI L’EXPOSITION RAVIVE DES RÉFÉRENCES CULTURELLES, SON RASSEMBLEMENT D’OBJETS SUFFIT-IL POUR MARQUER LE VISITEUR AU-DELÀ D’UN SENTIMENT DE NOSTALGIE ?”

Photo : Objets Monoprix. Crédit photo : Alexandra Beraldin.

UNE EXPOSITION PERDUE DANS LES RAYONS DE LA COLLECTION PERMANENTE

Une exposition est plus qu’une ligne de temps. Du moins, elle ne se limite pas à l’Histoire. Après cette immersion dans l’univers de Monoprix et des arts décoratifs, des questions essentielles restent sans réponses : quels liens pouvons-nous faire avec les habitudes de consommation d’aujourd’hui ? Comment la publicité a-t-elle changé notre rapport aux objets du quotidien ? Comment le profil du consommateur a-t-il évolué depuis les années 1960 ? Un thème aussi accessible méritait une propos plus riche et plus interactif qu’un simple effort d’inventaire. 

Une réflexion sur les objets devait aussi inviter à une réflexion sur leur consommateur, sur leur durée de vie, ou sur le dialogue entre objet d’art et pièce utile : comment un objet issu de la chaîne de distribution peut-il s’élever au statut d’objet d’art ? A la fin du parcours, les conclusions sont les mêmes qu’en début de visite : l’impact des arts décoratifs sur les chaînes de distribution se résume à une tension entre créativité, inventivité du design, et nécessité de produire des objets du quotidien au plus grand nombre. Retour décevant à l’entrée du magasin. De votre côté, c’est peut-être le moment de faire un inventaire des objets que vous possédez à la maison : alors, pièce de musée ou simple outil du foyer

Une réflexion sur les objets devait aussi inviter à une réflexion sur la personne qui les achète et qui les emploie, sur leur durée de vie, ou sur le dialogue poreux entre objet d’art et pièce utile : comment un objet issu de la chaîne de distribution peut-il s’élever au statut d’objet d’art ? Photo : Publicités Monoprix. Crédit photo : Alexandra Beraldin.

La Perle


Exposition “Le design pour tous :
de Prisunic à Monoprix, une aventure française”
Jusqu’au 15 mai 2021
Musée des arts décoratifs
107 Rue de Rivoli 75001 Paris
Instagram : @madparis