Gérard Garouste, le peintre qui joue sur plusieurs tableaux

La rétrospective de Gérard Garouste au Centre Pompidou revient sur la carrière et l’art mouvementés du peintre. Gigantesque est l’œuvre de Garouste, mais aussi ultra-prolifique et variée. De la peinture à la littérature, en passant par le théâtre et la sculpture, il touche à tout, dans un mélange arborescent qui fait la complexité de son œuvre.

L’œuvre de Gérard Garouste, exposée au Centre Pompidou, recèlerait une sorte d’énigme à déchiffrer tout au long de sa carrière. Ici, Le Rabbin et le nid d’oiseaux, Gérard Garouste, 2013. Crédit Photo : © Bertrand Huet/Tutti.

CELUI QUI RACONTAIT DES HISTOIRES

Gérard Garouste est avant tout connu pour sa peinture. Mais pour la comprendre, il faut d’abord se pencher sur ses autres intérêts : la scène, en premier lieu. Garouste a fait de la mise en scène théâtrale et des décors – notamment pour les soirées du Palace, un restaurant qui se transformait en boîte de nuit, dans les années 1970 – l’un de ses champs d’expression favoris. Une décennie plus tard, c’est à la sculpture qu’il s’adonne, avec des œuvres aux formes organiques et très étirées dont l’esthétique singulière sera, par la suite, caractéristique de la création du peintre. Mais il ne s’arrête pas là : dans les années 1980, Garouste s’essaie aux tentures et crée des motifs et dessins notamment inspirés du Moyen-Âge et de la toile de Jouy, une étoffe sur laquelle sont cousus des personnages et paysages. Enfin, dans les années 1990, le peintre se met au service de l’édition. En effet, Garouste est très marqué par les mots et la littérature. Il apprécie surtout les multiples interprétations qui peuvent être engendrées par de simples mots.

Sa peinture fait justement écho à cela. Le peintre français intègre à ses tableaux des écritures, parfois cachées. Il évoque même l’idée selon laquelle, à la fin de sa vie, surgira de tous ses tableaux une phrase entière. Son œuvre recèlerait donc une sorte d’énigme, motif cher à Garouste, dissimulée dans ses peintures. La scénographie de l’exposition suit justement cette idée puisque l’entrée de chaque salle permet de compléter une phrase qui ne se découvre entièrement qu’à la fin de l’exposition. 

Si les mots ont une importance aussi capitale c’est parce que Garouste – avant même d’être peintre – était un véritable conteur. Ses images et ce qu’il représente en peinture s’apparentent à des pages dans lesquelles l’imaginaire s’épanche. Garouste ne fait pas que peindre, il raconte des histoires, des histoires lisibles à travers l’abondance de textes et de références à l’intérieur de ses tableaux.

“GAROUSTE CREUSE LE CHOC DES CONTRAIRES : CRÉER L’ÉNIGME, C’EST FAIRE DES ASSEMBLAGES QUI, DE PRIME ABORD, NE SEMBLENT PAS ALLER DE PAIR.”

Pinocchio et la partie de dés, Gérard Garouste, 2017. Crédit photo : © Bertrand Huet Tutti.

LES CONTRAIRES S’ATTIRENT 

Garouste creuse le choc des contraires : créer l’énigme, c’est faire des assemblages qui, de prime abord, ne semblent pas aller de pair. Sa peinture connaît deux phases principales qui, elles aussi, semblent différentes, voire paradoxales. La première phase est une phase d’informel, avec une palette réduite et un travail qui se rapproche du dessin au fusain. La seconde phase, celle qui fait son succès, est celle de la figuration libre, avec des dessins moins abstraits et plus colorés. Ces deux phases, qui peuvent aussi être pensées comme antithétiques, marquent l’importance accordée par le peintre à une association des contraires comme moyen de se compléter.

D’autres antagonismes se notent dans ses tableaux. On peut voir se côtoyer, sur une même œuvre, des jeux de mouvements et des éléments statiques, des corps distincts et des corps qui se mélangent, des couleurs très vives, presque fluorescentes, et des palettes plus ternes et sombres. On retrouve aussi un jeu fait entre les premiers et second plans où les scènes de perspective viennent perturber celles que l’on contemple au premier plan. 

Cette association des contraires est très prégnante dans l’œuvre de Garouste, notamment sous le prisme de l’association entre raison et folie que le peintre représente dans son tableau Le classique et l’indien. Un tableau qu’il doit à sa propre folie, celle qui le mène, dans les années 1970, à l’internement psychiatriques. Garouste évoque l’un de ses rêves dans lequel il aurait vu apparaître deux figures principales : celles du classique et de l’indien. Pour lui, le fou est l’indien, qu’il juge plus lucide que le classique. En effet, un fou est, selon Garouste « celui qui a tout perdu sauf la raison ». Ainsi, pour lui, les deux figures se complètent, vont au-delà des apparences et se nourrissent l’une de l’autre pour s’affirmer.

Contrairement à ce que renvoie les aprioris de son coup de pinceau, l’œuvre de Garouste n’a rien d’instinctive : elle est pensée, mesurée très précisément. Ses peintures répondent à des logiques précises et se complètent. Le peintre réinterprète les différentes techniques de l’Histoire de l’art à l’instar de la figuration libre, mais aussi certains motifs, comme celui du classique et de l’indien. Son œuvre est prolifique et, paraît-il, autobiographique. Une autre énigme à percer : la vie du peintre se lirait-elle dans son œuvre ?

La Perle

Exposition “Gérard Garouste”
Du 7 septembre 2022 au 2 janvier 2023
Centre Pompidou
19 rue Beaubourg 75004 Paris
Instagram : @centrepompidou
@gérardgarouste.officiel et @galerietemplon