Ceci n’est pas un corps : aux frontières du réel

Une expérience visuelle, voilà comment résumer cette exposition à la Sucrière de Lyon. Elle présente plus de 40 sculptures de grands artistes internationaux. De la représentation de scènes quotidiennes à la contorsion d’un corps, de la fascination à la révulsion : défions notre perception !

Le but de l’hyperréalisme ? donner une illusion parfaite, une représentation méticuleuse de l’être humain et de sa condition.
Photo : Glaser et Kunz – Jonathan, 2009

L’hyperréalisme est un mouvement pictural qui apparaît à partir des années 1960 aux Etats-Unis. La sculpture hyperréaliste, en opposition à l’art abstrait, se définit par une imitation des formes, des textures du corps humain ; le but étant, à travers diverses techniques traditionnelles, telles que le modelage, le moulage ou encore l’application polychrome de peinture à la surface de la sculpture, de donner une illusion parfaite, une représentation méticuleuse de l’être humain et de sa condition. Divisée en six segments, l’exposition « Ceci n’est pas à un corps », en ce moment à la Sucrière de Lyon, permet de distinguer les différents aspects de ce mouvement, explorés par les artistes depuis de nombreuses décennies.

Venere Italica – Fabio Viale – 2021
Sans Titre – Carole Feuerman – 1981

Crédit photos : Alexia Duchange.

UNE REPRÉSENTATION ILLUSIONNISTE, PORTEUSE DE SENS

L’hyperréalisme succède au pop art. Et s’il s’oppose à lui dans sa forme, il constitue, lui aussi, une critique de la société. L’exposition présente des personnages mis en scène ou encore accessoirisés, constituant un véritable miroir de la vie quotidienne ! Troublant, n’est-ce pas ?

Mais, ce mouvement ne se limite pas à ce type de représentations. Les artistes ont tenté d’explorer tout le champ des possibles, y compris s’inspirer de la statuaire archaïque. Le travail de Brian Booth Craig ou encore Fabio Viale est présenté à travers des corps dénudés, des bustes, en miniature ou taille réelle, tout en monochrome et inspirés des modèles antiques. Nous ne pouvons que nous émouvoir devant ses œuvres à la technique d’hier et au langage d’aujourd’hui ! George Segal travaille aussi ses sculptures en monochrome, avec des modèles plus proches de notre époque afin de dépeindre des archétypes sociaux. Il refuse l’individualisation de ses personnages, déplaçant son propos sur la condition humaine

Duane HANSON – Two Workers -1993. Crédit photo : Alexia Duchange.

DE NOUVELLES PERSPECTIVES VISUELLES

À partir des années 1990, les artistes ont commencé à explorer de nouvelles possibilités de représentation du corps. Au lieu de montrer l’être dans son entièreté, les modèles ne présentent qu’une partie du corps, permettant de mettre en avant un message ou bien de donner au modèle un ton dérangeant, ou encore humoristique. Sur la forme : des sculptures à taille réelle, ou un jeu sur l’échelle des perspectives. L’accent est placé sur des thèmes existentiels, comme la fugacité de la vie ou encore la mort. Ce jeu sur les formats implique le spectateur de manière émotionnelle. Ces représentations, non moins hyperréalistes, peuvent nous émouvoir, tout comme nous repousser, nous étonner, nous subjuguer.

Ces dernières décennies, placées sous le signe des innovations technologiques et des progrès scientifiques, n’ont pas échappé à l’hyperréalisme. En plus de donner une nouvelle perspective aux corps en les contorsionnant et les déformant, désormais, la sculpture sort d’un cadre tridimensionnel. Elle peut être digitalisée lorsqu’une sculpture contemple son observateur grâce à une projection vidéo, rendant la sculpture vivante. Une expérience déroutante. Ainsi, le spectateur est invité à la construction de l’œuvre. On brise alors cette recherche illusionniste, tout en brouillant la frontière entre la fiction et la réalité

Cette exposition, à la Sucrière, remplit ses promesses. Véritable expérience visuelle, elle fond le spectateur dans une réalité pourtant illusionniste. Un art qui met mal à l’aise autant qu’il fascine ! 

Elie – Berlinde De Bruyckere – 2009
Kneeling woman – Sam Jinks – 2015

Crédit photos : Alexia Duchange.

La Perle

Exposition “Ceci n’est pas un corps”
Du 11 février au 6 juin 2022
La Sucrière
49-50 Quai Rambaud 69002 Lyon
Instagram : @lasucrierelyon