Sophie Marceau, héroïne d’un conte de femme

Après Mes Provinciales (2017), le cinéaste Jean-Paul Civeyrac revient avec Une femme de notre temps, son dixième film. Il met en image le basculement extrême de Juliane (Sophie Marceau) lorsqu’elle découvre l’infidélité de son mari. Un polar riche de potentiel mais à l’intrigue et l’héroïne mal plantés.

Illustration : Juliane, interprétée par Sophie Marceau est une commissaire de police, mère et épouse. Lorsqu’elle découvre l’infidélité de son mari, le calme et la raison qui la caractérisent vont peu à peu la quitter.

Jean-Paul Civeyrac sort des sentiers battus. À tort peut-être. Sa filmographie le range habituellement dans la catégorie des récits de vie intimes et complexes. Avec Une femme de notre temps, en salles depuis le 5 octobre dernier, il semble davantage mettre les pieds dans le plat : mise en scène bazardeuse d’un polar qui tente maladroitement de renouveler le registre.

Juliane, interprétée par Sophie Marceau est une commissaire de police, mère et épouse, qui se reconstruit suite à la perte prématurée de sa soeur. Lorsqu’elle découvre l’infidélité de Hugo, son mari (Johan Heldenbergh), le calme et la raison qui la caractérisent vont peu à peu la quitter. Civeyrac construit un personnage solide, qui se laisse finalement submerger par la douleur. On assiste à la décomposition progressive d’une femme pourtant aimée et entourée, Une femme accomplie puis blessée.

Un malheur n’arrivant jamais seul, une seconde vérité la frappe, plus violente encore que la première. C’est la goutte de trop, on perd peu à peu Juliane pour se retrouver devant une pseudo justicière. A partir de là, tous ses actes seraient, si l’on en croit l’intrigue, justifiés par son désir de vengeance. 

“LE FILM NE PARVIENT PAS À DÉPASSER L’HISTOIRE REBATTUE D’UN MÉNAGE DÉSÉQUILIBRÉ, OÙ L’HOMME TROMPE SA FEMME.”

Sophie Marceau dans « Une femme de son temps ».

UNE (ANTI) HÉROÏNE DISPERSÉE

Les images et l’action du film sont clairs : une femme fait payer à son mari le prix de ses secrets. Pourtant, l’intrigue nous perd. On peine à comprendre quels statuts acquiert Juliane au cours du film, ni pourquoi elle bascule. Il est également difficile de saisir où le film veut nous emmener. L’héroïne est soit faible et dévastée – comme en témoignent des plans trop récurrents sur son visage larmoyant – soit forte et meurtrière : elle commet des crimes dont on ne saisit ni l’issue, ni l’intérêt.

Les dialogues sont pauvres, et les scènes attendues. Celle d’un mari qui s’offusque de l’infidélité des autres ou d’une héroïne qui assiste, cachée dans son appartement parisien, aux ébats de son mari avec sa maîtresse. Certaines séquences sont laissées comme inachevées ce qui nuit à l’ordre du film, à sa signification et à l’histoire qu’il raconte. La dernière séquence, particulièrement incompréhensible, n’apporte rien au récit. Plusieurs histoires se mélangent, s’incrustent dans une intrigue principale déjà fragile.

CONTE OU POLAR ?

Une femme de notre temps est un bric à brac d’essais et d’esquisses. À son image, Juliane paraît être tout et rien à la fois : femme justicière ? victime ou héroïne ? brisée, folle, vengeresse, guerrière… L’intrigue ne va pas au bout du propos construit par le scénario qui s’annonçait pourtant haletant : on entrevoit toutefois la volonté de mettre en scène un polar à l’atmosphère sombre et pesante, presque caractéristiques d’un conte : un jardin semblable une forêt, le tir à l’arc dont use Juliane, la maison si grande qu’on la prendrait pour un château… Peut-être ici la volonté de donner une autre identité moins attendue à ce thriller à la française.

Le film repose pourtant sur une idée intéressante, mais elle s’effrite au fil du temps. Même devant l’écran, on ne trouve pas de réponse à son titre énigmatique : Est-ce qu’Une femme de notre temps est une femme qui dérive dès qu’on lui fait défaut ? Une femme trompée ? Ce long métrage ne parvient pas à dépasser l’histoire rebattue d’un ménage déséquilibré, où l’homme trompe sa femme – qui se porte elle-même au rang de coupable. On en sort peu convaincus.

À son image, Juliane paraît être tout et rien à la fois / femme justicière ? victime ou héroïne ? brisée, folle, vengeresse, guerrière…

La Perle

Une femme de notre temps
un film de Jean-Paul Civeyrac
Date de sortie : 5 octobre 2022
Durée :
1 heure et 36 minutes
Avec : Sophie Marceau, Johan Heldenbergh, Cristina Flutur