Chers Parents : introspection familiale au Théâtre de Paris 

Vous êtes invités dans le salon d’un couple de retraités ayant réuni ses enfants, pour leur annoncer une nouvelle qui perturbe l’équilibre familial. Promesse d’un moment de qualité truffé de rebondissements. À la clé, une introspection décomplexante.

Un changement de vie permis par un jeu de hasard va faire voler en éclats la belle unité familiale. Crédits photo : Théâtre de Paris

Détail non négligeable : les deux auteurs sont frères et soeurs. Emmanuel et Armelle Patron ont écrit Chers parents, est une comédie familiale jouée au Théâtre de Paris jusqu’au 28 avril 2024. Le pitch ? Pierre, Jules et Louise ont été convoqués d’urgence par leurs parents, Jeanne et Vincent, qui ont quelque chose de très important à leur annoncer.

Les trois enfants bouleversés craignent le pire et imaginent des scénarios moroses. Mais le pire n’est pas celui qu’ils croient : un changement de vie permis par un jeu de hasard va faire voler en éclats la belle unité familiale… et révéler la nature profonde de chacun ! Chers parents aborde des sujets variés comme la famille, l’avidité, le rôle de parents, les animosités cachées et la révélation de soi.

ÉLÉMENT PERTURBATEUR (OU LIBÉRATEUR)

Jules, critique littéraire flegmatique, Louise, éternelle étudiante en médecine, et Pierre, homme d’affaire aisé, se révèlent avides. D’inquiète quant à la santé de Jeanne et Vincent, la fratrie finit par calculer combien de temps ils vont devoir patienter avant d’hériter !

Cette montée en puissance du conflit révèle les animosités de longues dates et jusque-là masquées par la pudeur, la bienséance ou le manque d’estime de soi. La convoitise semble n’être qu’un  prétexte — le fameux élément déclencheur — pour que les personnages, parents comme enfants, osent se montrer sous leur véritable jour.

La tension devient libératrice lorsque chacun, sous couvert de l’énervement, se confie sur des sujets dont il n’est pas fier. Louise, dont l’opinion est souvent ignorée fini par s’imposer manu militari, Jules remet en question l’apparence décontractée qu’il se donne.

Le cercle familial semble ne pas échapper à la règle du « faux-semblant » qui règne dans toutes les autres sphères sociales. La famille n’est pas forcément le terrain le plus propice à s’avouer soi-même, et l’on ne s’en rend pas toujours compte, jusqu’à ce qu’un élément perturbateur intervienne, souvent pour le mieux.

Si l’on ajoute les traits d’humour très efficaces, le jeu d’acteur parfaitement maîtrisé, et un décor intime, Chers Parents créé un moment propice à l’interrogation sur son propre rapport à la famille et à la version de soi que l’on s’autorise à dévoiler.

« humour efficace, décor intime : Chers Parents interroge notre propre rapport à la famille. » 

UN PORTRAIT-THÉRAPIE

Amour, haine, excitation, jalousie, fierté, ressentiments, joie… Les personnages passent par un large panel de sentiments et réactions portées par des dialogues vifs, drôles, et tendres. Le scénario et les personnages sont extrêmement bien construits, et évoluent vite.

Louise (Élise Diamant) indique ainsi qu’elle est désespérée « d’imaginer tout le temps qu’on aurait encore pu passer avec eux », en parlant de ses parents, mais elle est aussi celle qui est par la suite la plus audacieuse dans ses revendications contre-eux.

Chers Parents propose ainsi une étude psychologique de la famille. Des questions émergent dans l’esprit du spectateur : comment réagirais-je dans une telle situation ? À qui puis-je tout dire ? Si la réponse parait simple, la pièce témoigne qu’il n’en est rien.

Il est possible, et surtout fréquent, d’avoir l’air d’une famille modèle et de ne pas l’être, d’être complice avec ses frères et sœurs tout en étant jaloux, de garder son moi-profond pour soi et de se rendre compte que les autres font pareil, ou de changer de conception de la justice selon la situation.

La difficulté d’être un « bon parent » est également résumée par Jeanne (Frédérique Tirmont) : « Aimer, ce n’est pas toujours faire plaisir ». La famille idéale n’existe finalement pas, et ce n’est pas si grave que ça. Chers Parents offre un portrait-thérapie décomplexé, idéal pour aborder au mieux, et non sans humour, les rassemblements familiaux.

Alexandra Foucher

La Perle 

« Chers Parents » de Emmanuel et Armelle Patron
Du 11 octobre 2023 au 28 avril 2024

Théâtre de Paris 
15 rue Blanche 75009 Paris 

www.theatredeparis.com
Instagram : @theatredeparis