Le musée Marmottan Monet présente 65 œuvres mettant en lumière la filiation entre la première peintre impressionniste, Berthe Morisot, et ses prédécesseurs. Un parallèle qui fait ressortir la modernité de l’art de la peintre sous un nouveau jour.
Une pionnière héritière du passé. L’exposition « Berthe Morisot et l’art du XVIIIe siècle » au musée Marmottan Monet met l’accent sur les affinités entre cette peintre impressionniste du XIXème et des artistes du siècle précédent. Un prétexte subtil pour souligner la singularité d’une touche qui a fait de Berthe Morisot l’un des peintres majeurs de son époque.
ON NE VIENT JAMAIS DE NULLE PART
L’exposition offre un regard nouveau sur l’impressionnisme. Au milieu du XIXème siècle, ce courant se revendique en rupture avec la tradition. Des artistes comme Edouard Manet, Claude Monet ou Paul Cezanne offre une interprétation singulière à des scènes communes, en mettant l’accent sur l’instantané et le mouvement, à l’aide de touches de couleur fragmentées caractéristiques. L’art de Berthe Morisot, résolument novateur, s’inscrit dans cette veine. Elle est l’une des seules femmes du mouvement.
Mais on ne vient jamais de nulle part et l’exposition le rappelle. Elle met en parallèle l’oeuvre de Morisot avec celles d’artistes comme Antoine Watteau (1684-1721), François Boucher (1703-1770) ou encore Jean-Honoré Fragonard (1732-1806).
L’artiste, pionnière dans son style, avait un goût pour le passé. Ayant grandi dans un milieu bourgeois imprégné de la mode du XVIIIème siècle, elle a fréquemment puisé ses inspirations dans les œuvres d’artistes du siècle précédent. Parmi eux, Fragonard reste l’artiste auquel elle sera le plus souvent comparée par ses contemporains. Mais elle copie aussi Boucher, s’empare de la grâce des représentations féminines de Watteau, et du pastel de Maurice-Quentin de la Tour et Jean-Baptiste Perronneau. C’est d’ailleurs dans l’usage de cette technique qu’elle illustre le plus cette influence.
L’exposition met efficacement ces rapports en évidence. Les œuvres de Morisot apportent un nouveau regard à la peinture du XVIIIème siècle et vice-versa. Un exemple marquant est l’interprétation de Morisot du tableau de François Boucher : Apollon révélant sa divinité à la bergère Issé (1750). L’impressionniste transpose Boucher dans son univers, avec une palette et une facture qui lui sont propres. Elle se place délibérément dans une filiation artistique qu’elle interprète à l’aune de son siècle et de sa touche. Toute son œuvre est dans ce ton.
« Pionnière dans son style, l’artiste avait un goût pour le passé. »
PORTRAITS DE FEMMES
Les sujets préférés de Morisot ? Les scènes intimistes et intérieures de la vie parisienne. L’exposition révèle que ce sont les mêmes que ceux des peintres qu’elle admire. En témoigne La leçon de musique (1769) de Fragonnard, peintre rococo – courant artistique figurant l’aristocratie, le luxe et la frivolité – présentée à proximité des œuvres de Morisot aux ambiances similaires. L’artiste n’oublie jamais ses classiques.
L’inspiration se joue aussi dans le traitement de la peau par Morisot, inspiré des jeux de lumières des peintres du XVIIIème siècle. Ce point est particulièrement marquant lors de la mise en regard des robes aristocrates des Plaisirs du bal (1715-1717) de Watteau avec Femme à sa toilette (1875-1880) de Morisot. L’écrivain Emile Zola dira d’ailleurs de ce tableau de Morisot, que le dos est illuminé telle « une véritable perle ».
Morisot a aussi réalisé beaucoup de portraits féminins irradiant la jeunesse douce et décomplexée. Des sujets, là aussi, propres aux scènes de genre du siècle précédent qui se plaît aux moments impudiques perçus et peints, comme par le trou de la serrure. La comparaison de son Repos (1892) avec La Jeune fille endormie de Boucher est, à ce sujet, éloquente.
Est-ce un hasard si les tableaux de la première peintre impressionniste placent ainsi la femme en actrice principale ? Peut-on y voir l’ombre d’un message féministe avant l’heure ? L’exposition flirte avec l’ambiguïté des différentes facettes de la peintre : artiste de renom, on décèle la parfaite connaissance de ses prédécesseurs. Mère et épouse, on constate dans ses sujets les limites que son statut lui imposait. La grâce de ses tableaux, en revanche, ne laisse aucun doute.
Alexandra Foucher
La Perle
« Berthe Morisot et l’art du XVIIIème siècle »
Du 18 octobre 2023 au 03 mars 2024
Musée Marmottan Monet
2 rue Louis-Boilly 75116 Paris
www.marmottan.fr
Instagram : @museemarmottanmonet