Si la station de métro Madeleine n’est pas dotée d’une des célèbres bouches parisiennes au style végétal, elle mène bien à une exposition qui en raconte l’histoire : celle de l’art nouveau, un courant artistique du XIXème siècle. Jusqu’au 17 septembre, l’École des arts joailliers accueille l’exposition « Un art nouveau. Métamorphoses du bijou ». Un point de vue inédit qui replace dans son contexte un courant qui se voulait art total, pensé du plan d’architecte à la petite cuillère.
RELIER L’ART ET LA VIE
Pour contempler de l’art nouveau à Paris, il fallait jusqu’alors se rendre au Pavillon Amont du musée d’Orsay (bien caché et souvent fermé), fureter dans les sous-sols du Petit Palais, ou flâner dans les avenues résidentielles du XVIème arrondissement de Paris. L’École des Arts Joailliers comble donc un véritable besoin avec cette petite mais très riche exposition, dédiée particulièrement aux bijoux de style art nouveau.
Mouvement artistique s’étendant de Chicago à Istanbul, l’art nouveau naît à la fin du XIXème siècle d’un profond mélange d’influences. Il reflète tout à la fois une sensibilité au mystère et à la spiritualité et une approche renouvelée de la nature, possible grâce à de nouvelles découvertes scientifiques. Il se caractérise notamment par une esthétique ornée, végétalisée et des inspirations mythologiques divers.
Les questionnements techniques sont aussi légion : l’artiste doit-il produire en série ou plutôt se cantonner à une production artisanale ? Peut-il utiliser de nouveaux matériaux, voire les mélanger ? Comment briser la frontière entre arts nobles (peinture, sculpture, architecture) et arts appliqués ? Et surtout : comment créer des intérieurs cohérents, harmonisés dans les moindres détails ? Sans relâche, les artistes de l’art nouveau veulent faire du cadre de vie une œuvre d’art. Et, pour atteindre cet objectif, ils recherchent le dialogue entre les disciplines artistiques.
LA JOAILLERIE DE LA BELLE ÉPOQUE
Dans ce contexte, organiser une exposition présentant uniquement des bijoux pourrait paraître un contresens. Comment montrer l’interdisciplinarité de l’art nouveau en se cantonnant à cette catégorie ? Le défi est remarquablement réussi, grâce à un propos ouvert, et des parallèles éloquents.
Les vitrines, construites sur des thématiques telles la nature ou les chimères, mêlent ainsi discrètement les médiums. Des bijoux de René Lalique figurant scarabées et libellules côtoient par exemple des céramiques de Clément Massier, ornées de boutons de fleurs et d’insectes. La vitrine évoquant la figure de la femme mêle, elle, une agrafe de manteau de la maison Boucheron et une bague du sculpteur François Rupert-Carabin.
Ce dernier avait justement lutté pour une véritable union des artistes dépassant la diversité de leurs pratiques. Derrière les bijoux présentés, c’est donc tout un véritable contexte, artistique et social, celui de la fin du XIXème siècle, qui se tisse sous les yeux du visiteur.
Crédits photo : Benjamin Chelly
UNE MUSÉOGRAPHIE IMMERSIVE ET HISTORIQUE
La muséographie de l’exposition exprime elle aussi avec finesse le caractère total de l’art nouveau. Niché dans un hôtel particulier, le petit espace d’exposition est propice à une mise en scène intime et immersive. Une lumière tamisée, des formes courbes et des reproductions des œuvres d’Alphonse Mucha, un artiste et illustrateur dont une exposition dédiée est actuellement présentée au Grand Palais Immersif, nous plongent dans l’époque.
Le visiteur déambule dans un décor total, fidèle aux principes de l’art nouveau. L’atmosphère n’est pas sans évoquer celle de la boutique Fouquet, créée par le même Alphonse Mucha pour le joaillier Georges Fouquet, et aujourd’hui reconstituée au musée Carnavalet.
Avec cette passionnante exposition, l’École des arts Joailliers s’affirme encore davantage comme un lieu incontournable pour les amateurs de bijoux, mais aussi d’Histoire de l’art et du patrimoine.