Les Black Indians. C’est ainsi que l’on nomme les Afro-Américains de La Nouvelle-Orléans, dans l’État de Louisiane, lorsqu’ils participent au défilé du carnaval annuel de la ville. Au musée du Quai Branly, une exposition est consacrée à cette communauté jusqu’au 15 janvier 2023. Les deux maîtres mots qui structurent la visite : violence et résilience. La violence subie par la communauté noire et l’inébranlable résilience dont elle a fait preuve pour survivre.
UNE SURVIE GARANTIE PAR L’EXPRESSION CRÉATIVE
Le carnaval des Black Indians qui met à l’honneur ces costumes est né pendant l’apparition des lois de ségrégation de Jim Crow, à la fin du du XIXème siècle. Il se calque sur un carnaval déjà existant auquel les Afro-Américains n’avaient pas le droit de participer. En réponse à cette énième marginalisation, ils mettent en place, le même jour et dans la même ville, leur propre carnaval avec leurs propres costumes, savoir-faire et bagage symbolique.
Une attention toute particulière est accordée à la création de ces costumes de carnaval. Ces derniers sont le noyau du parcours retracé par le musée. Ils sont le fruit d’un travail long, minutieux et permettent à une population exclue et déshumanisée de s’emparer de son Histoire, d’inscrire dans le présent la mémoire de ses ancêtres. Et ce, à grand renfort de plumes, de perles, de pierres, qui constituent ces parures majestueuses et colorées mêlant influences africaines et natives d’Amérique.
“LES COSTUMES MÊLENT LES INFLUENCES AFRICAINES ET NATIVES D’AMÉRIQUE.”
Crédits photo : musée du quai Branly – Jacques Chirac, Léo Delafontaine.
Les costumes sont d’ailleurs portés pour rendre un hommage explicite à l’entraide des peuples autochtones et africains à l’ère de la ségrégation. Deux identités persécutées, qui se réunissaient autrefois pour faire du commerce, danser, chanter et s’appuyer sur ce qu’elles avaient en commun pour tenter de survivre. Tous les dimanches, elles se retrouvaient sur la place Congo de La Nouvelle-Orléans, jour pendant lequel la religion catholique leur interdisait de travailler.
En plus de retrouver ce mélange dans la composition des vêtements, sur lesquels des scènes historiques sont brodées à la main, les costumes ont pour usage de rendre aux Black Indians ce dont on les prive : la visibilité, la dignité et le droit d’exister en tant que personnes de couleur, dans une société qui se refusait à les traiter comme tout autre citoyen.
Encore aujourd’hui, le carnaval continue d’avoir lieu et les types de costumes et de célébrations se déploient Ils conservent cependant des règles et codes clés intemporels qui font l’ADN de cet évènement culturel en Louisiane. La dernière salle de l’exposition, une des plus spacieuse, y est consacrée. On y trouve des dizaines de tenues : des costumes courts, féminins, à la limite de la provocation fabriqués en 1912 par des femmes prostituées, nommées les « Baby Dolls » ; des costumes de « Skull and Bones Gangs », reprenant l’image de morts-vivants défilent la veille de la date du carnaval, rappelant aux membres de la communauté le caractère éphémère et fragile de la vie.
Aussi artistique qu’historique, l’exposition du Quai Branly revient, au prisme des Black Indians, sur les débuts de la traite négrière jusqu’à la ségrégation et ses legs contemporains. Elle est la preuve d’un infatigable combat d’espoir et d’égalité pour les droits aux Etats-Unis et s’inscrit dans l’émergence de récits issus des minorités qui relativisent la légitimité des sociétés occidentales comme des « nations exemples ».
Crédits photos : musée du quai Branly (Black Indians) – Jacques Chirac, Léo Delafontaine.
La Perle
Exposition “Black Indians de la Nouvelle-Orléans”
Du 4 octobre au 15 janvier 2023
Musée du Quai Branly
37 Quai Jacques Chirac 75007 Paris
www.quaibranly.fr
Instagram : @quaibranly