Une ode à la vulnérabilité plane dans les rues de Lyon

Pour cette XVIème édition, la Biennale de Lyon tire les leçons de nos tourments : pandémie, guerre en Ukraine, urgence climatique… Plutôt que de tourner le dos à nos fragilités, la manifestation d’art contemporain choisit d’en faire une ressource. Son thème, “Manifesto of fragility” présente la vulnérabilité, comme le meilleur moyen de résister face à l’avenir. Jusqu’au 31 décembre 2022

La Biennale d’art contemporain réunit 202 artistes et créateurs venus de 40 pays différents.

Quelle relation entretenons-nous avec la fragilité ? C’est la question que posent Sam Bardaouil et Till Fellrath à travers leur exposition « Manifesto of fragility ». Ouverte au public du 14 septembre au 31 décembre, cette XVIème édition de la Biennale d’art contemporain réunit 202 artistes et créateurs venus de 40 pays différents. Initialement prévue pour 2021 mais reportée en raison de la pandémie du Covid-19, l’exposition se veut également comme un témoignage de la vie « d’après ».

Avec un équilibre mondial bouleversé par les guerres, l’urgence climatique ou les pandémies, l’exposition représente « un manifeste collectif qui affirme la fragilité comme intrinsèquement liée à une forme de résistance, qui nous permet de ré-imaginer notre avenir » confient les deux commissaires d’exposition. 

RÉSISTANCE OU FRAGILITÉ : LES DEUX FACES D’UNE MÊME PIÈCE

Imaginée par le Libanais Sam Bardaouil et l’Allemand Till Fellrath, notamment fondateurs de la plateforme de curation « Art Reoriented », cette nouvelle édition 2022 s’implante après trois ans de pandémie. À travers six lieux emblématiques, certains réouverts pour l’occasion à l’instar des Usines Fagor ou du musée Guimet de Lyon, chaque artiste transpose sa vision de la fragilité grâce à différentes techniques : mots, images, sons…

Plusieurs artistes ont ainsi accordé une place importante aux luttes sociales dans leurs œuvres. Chaque création s’articule autour d’une lutte en particulier, comme la réunification de l’Allemagne à travers Grundgesetz – Ein chorischer Stresstest de Marta Gornicka ou le travail forcé de milliers de personnes à Ceuta présenté dans Bab Sebta (Ceuta’s Gate) par l’artiste Randa Maroufi. Mais toutes imaginent, selon les mots de l’artiste Daniel Otero Torres  « de nouvelles stratégies de résistance et de résilience, en célébrant la force de l’unité et du partage de valeurs communes au sein de différents groupes ». 

Plusieurs productions se sont également concentrées sur le lien qu’entretient l’Homme avec son environnement et l’importante fragilité de celui-ci. C’est notamment le choix qu’a fait Julian Charrière à travers Towards No Earthly Pole, un film couleur, Not All Who Wander Are Lost, une sculpture, et Pure Waste, une vidéo couleur. Ces trois créations mettent en exergue le décalage entre la contemplation de l’homme face à l’immensité de son environnement et la vulnérabilité de ces paysages. L’objectivité scientifique des conséquences de l’exploitation des ressources par l’être humain force le visiteur à s’interroger sur sa propre relation à la fragilité du monde qui l’entoure. 

D’autres ont souhaité dénoncer la place des nouvelles technologies dans notre quotidien, à l’instar de Pedro Gomez-Egana. Son œuvre Virgo « propose une réflexion sur le fait que tout ce qui semble solide et durable se révèle en réalité être suspendu dans un état de fragilité constante ». Les 29 parois modulaires et la mise en scène d’espaces de la vie quotidienne avec cuisine, chambre et bureau, ont pour objectif de placer le visiteur en situation de vulnérabilité. À travers ces capsules temporelles, l’artiste fait de la maison un espace virtuel, à la fois « absurde et familier », qui évolue dès que le visiteur change de point de vue, véritable allégorie des nouvelles technologies de l’information et de la communication.

 “La sculpture de Julian Charrière exposé nous rappelle l’histoire des glaciers, entre résistance millénaire et disparition progressive.”

La sculpture Not All Who Wonder Are Lost de Julian Charrière _nous rappelle l’histoire des glaciers, entre résistance millénaire et disparition progressive_ Crédit photo : Chloé Lenoir.

TROIS EXPOSITIONS RELIÉES

Trois expositions sont présentées : « Les nombreuses vies et morts de Louise Brunet », « Beyrouth et les Golden Sixties » et « Un monde d’une promesse infinie ». Pour chacune d’entre elles, l’objectif est le même : considérer la fragilité et la résistance comme indissociables et vitales.

Présente dans les douze sites de la Biennale, « Un monde d’une promesse infinie », est l’exposition principale de cette XVIème édition. Elle s’est inspirée de l’incertitude de la pandémie et de notre vulnérabilité face à la rupture de liens sociaux. Elle met en avant la conscience que l’être humain a de sa fragilité tout en en exposant une nouvelle forme de résilience. L’exposition « est donc à la fois une incitation à la contemplation et un appel à l’action – une invitation à prendre en charge la fragilité des laissés pour compte et des exclus de notre monde altéré et à partager l’idée d’aller toujours plus loin. », relaie le macLYON. 

Située au Musée d’art contemporain de Lyon, « Les nombreuses vies et morts de Louise Brunet » expose, quant à elle, la vie d’une jeune fileuse de soie jetée en prison après avoir participé à la révolution des Canuts en 1834, épisode de soulèvements ouvriers dans la région lyonnaise. 125 artistes témoignent de son « périlleux voyage d’auto-réinvention » qui l’a mené jusqu’au mont Liban, à l’ouest du pays. À travers cette exposition, la Biennale reprend l’histoire de Lyon et les répercussions de cette résistance ouvrière.  

Le musée lyonnais héberge également « Beyrouth et les Golden Sixties » qui retrace la période de collision entre art et idéologies politiques alors que le Liban vit, en 1958, une crise politique interne sans précédent. Les 34 artistes et les 300 documents d’archives font découvrir aux visiteurs cette période d’effusion culturelle inédite, décisive dans le développement du Liban. Période qui a également un impact sur la guerre civile de 1975 entre communautés religieuses et ethniques.

Créée en 1991 par Thierry Raspail et Thierry Prat, la Biennale de Lyon succède à celle de Paris initiée par André Malraux en 1959 et disparue en 1985. Se déroulant tous les deux ans en alternance avec la Biennale de danse, la Biennale d’art contemporain explore un thème spécifique porté par de nombreux artistes internationaux

Chloé Lenoir

La Perle

La Biennale de Lyon
Du 14 septembre au 31 décembre 2022
La Biennale s’étend sur toute la ville via près de douze sites :
Usines Fagor, macLYON, Musée Guimet, IAC-Villeurbanne, MHL Gadagne, Lugdunum…
www.labiennaledelyon.com