Au musée du Quai Branly, le zombi qui vous possède

Le Quai Branly nous convie à un incroyable voyage anthropologique en Haïti, où est née la mystérieuse figure du zombi vaudou. Ce détour par les origines éclaire sous un nouveau jour son incroyable popularité. 

L'incroyable assemblée des fétiches Bizangos reconstituée en tribunal au musée du Quai Branly © musée du quai Branly – Jacques Chirac, Léo Delafontaine

Dents grises, affamées, bras levés, décharnés, la horde n’a qu’un seul désir : vous mordre et vous transformer. Alors, normalement, vous fuyez, c’est la mort que vous craignez. Enfin, c’est ce qu’Hollywood vous a toujours raconté. Mais le zombi originel de la religion vaudou n’éveille pas les mêmes peurs. Conçue comme un voyage à la croisée des arts et de l’anthropologie, l’exposition Zombis, la mort n’est pas une fin ? du musée du Quai Branly plonge dans les profondeurs du mythe et révèle sa véritable portée, bien loin des clichés.

À l’origine du zombi, les “sociétés secrètes”

Dans le beau sanctuaire vaudou qui ouvre l’exposition, l’esprit de Baron Samedi et de Dame Brigitte sont convoqués par le rythme d’un tambour à perles et la ferveur de croix catholiques ornées. Le vaudou haïtien est une religion riche en couleurs et en divinités, issue d’un fascinant syncrétisme né avec la traite des esclaves.

À partir du XVIème siècle, les millions d’individus arrachés à leur terre natale pour être vendus comme esclaves dans le Nouveau Monde ont mélangé leurs croyances d’Afrique subsaharienne avec le catholicisme qui leur a été inculqué. À cela, ils ont ajouté le savoir-faire des populations autochtones d’Haïti : le vaudou est né. Une magnifique broderie de l’artiste haïtienne Myrlande Constant illustre ce fascinant mélange.

Un mélange à l’origine même du zombi. Cette religion éclectique, qui prend soin des cimetières et des morts, est composée de sociétés “secrètes” dont chacune est dotée d’une fonction et d’une tenue chatoyante. Brillante de noir et de rouge, la société Bizango est la plus respectée. C’est elle qui juge les crimes impardonnables pour la société et qui a la charge de zombifier les coupables. Sa justice se tient sous les yeux d’une cour redoutable, recréée dans l’exposition. 

La punition du zombi

Cette sentence irrévocable peut prendre fin à la mort du maître sorcier et les zombis atterrissent en hôpital psychiatrique. Un destin effroyable qu’auraient connu une dizaine d’individus, dont on découvre les portraits émaciés et silencieux. Légende ou réalité ? En Haïti, impossible de trancher. La zombification est la sentence la plus redoutée du système judiciaire Bizango mais aussi une menace légendaire qui joue sur la peur de l’esclavage pour réguler la criminalité. 

À la lueur des bougies, une assemblée de petits fétiches sombres, créatures difformes aux mains de cornes et aux bouches criantes de singes, observe la sentence. Mieux vaut être innocent pour affronter “l’armée des ombres”. Collectés dans un temple désenvouté, le Quai Branly met en garde : âmes sensibles s’abstenir. 

Parmi les crimes sanctionnés, celui de vendre un bien qui ne nous appartiendrait pas. Agir comme un Européen du XVIème siècle est interdit.  Dans la cour de justice, les terrifiants fétiches bizangos incarnent les spectres de ces ancêtres africains vendus et possédés. Métamorphosés en justiciers, ils veillent à rendre esclaves ceux qui se comportent comme des maîtres.

Récupéré par Hollywood

Surexploités et parodiés, les zombies ont voyagé dans le monde entier à partir des années 1960 grâce au cinéma américain, dont l’exposition retrace la filmographie. Sur les affiches de cinéma et les films projetés, le zombi a bien changé. Il a emprunté au vampire la morsure qui contamine et s’est couvert d’une lèpre grise pour devenir le terrible symbole d’une mort contagieuse.

Pourtant, avant d’être un mort qui cherche à tuer, le zombi est surtout un être asservi, privé de conscience et de désir. Les Américains en ont été les premiers effarés. Dans un pays hanté par le spectre de l’esclavage, la peur d’être soumis à un maître a imprégné la culture populaire. 

En Haïti comme ailleurs, le zombi renvoie à la peur d’être un esclave, un travailleur dominé ou un enfant ensorcelé par les écrans, bref à la peur d’être possédé. Au Quai Branly, ce fascinant voyage dans les origines du mythe sonne comme un appel universel à la liberté.

Jonas Maroko

La Perle

« Zombis – La mort n’est pas une fin ? »
Du 08 octobre 2024 au 16 février 2025

Musée du Quai Branly
37 Quai Jacques Chirac 75007 Paris

www.quaibranly.fr
Instagram : @quaibranly