Un trou de golf. Un « réceptionniste » qui tient ce non-lieu. Trois personnages hauts en couleurs: Jason, Collins et Le Looser, morts récemment qui se retrouvent coincés dans ce trou de golf, lieu de passage entre la vie et la mort. Vous l’aurez compris, tous les ingrédients d’un huis clos absurde sont réunis dans Le Trou, joué jusqu’au 29 Juillet au festival off d’Avignon, au théâtre Au bout là-bas.
Le Trou est le premier spectacle de la compagnie Bleu Brume, fondée par Aziliz Busnel, Camille Clément, Julien Goyon et Lucas Ferraton, quatre comédiens et comédiennes fraîchement sortis de l’école d’art dramatique La Volia.
L’envie de travailler ensemble se cristallise lors de la représentation de leur spectacle de fin d’année. Ils se lancent dans le travail d’abord à travers des improvisations loufoques « On se lançait de la cendre dessus qui nous possédait et qui faisait naître des monstres en nous » confie Camille Clément. Depuis, la troupe a parcouru du chemin, tout en gardant cette énergie brute des jeunes artistes qui ont des rêves plein la tête.
Avec Le Trou, on assiste aux débuts de comédiens rafraîchissants et touchants : toujours en recherche, ils expérimentent, testent de nouvelles choses chaque soir.
Vous vous êtes tournés vers le registre de l’absurde, un choix audacieux pour un premier spectacle.
Julien Goyon. On avait tous envie d’écrire une comédie. Mais c’est vrai qu’en France, la comédie est vite ramenée à du théâtre de boulevard. L’absurde permet de parler de choses sérieuses avec un humour qui peut être « gras ». Ça demande un équilibre, une finesse qui permet de trouver une qualité théâtrale.
Aziliz Busnel. Personnellement, c’est le genre théâtral que j’aime le plus en tant que spectatrice donc ça m’a paru naturel de me tourner vers ça. Surtout avec les rapports qu’on entretient tous les quatre.
Camille Clément. On voulait vraiment pouvoir voyager dans un univers, un imaginaire, et s’éloigner du naturalisme qu’il y a beaucoup dans le théâtre contemporain.
Lucas Ferraton. Cela nous a permis de créer des situations qui ne peuvent pas exister, à part au théâtre.
Le ton léger et comique souligne un propos beaucoup plus sérieux.
J.G. Que les gens se divertissent c’est nécessaire mais ça ne veut pas dire qu’il ne faut rien leur raconter. Quand on est artiste et qu’on a un contact direct avec le public il faut avoir quelque chose à leur dire.
A.B. C’est bien d’écrire des choses marrantes mais s’il n’y a rien derrière le spectacle ne tient pas la route. En tout cas pas dans notre univers et dans la précision qu’on recherche.
A.B. Mais c’est vrai qu’on a dû faire attention à ne pas partir trop loin dans nos improvisation par exemple, parce que parfois on perdait le sujet. Heureusement Julien, qui est l’esprit cartésien du groupe, nous ramenait toujours au « Pourquoi ? ». Toutes les scènes qui ne marchaient pas au début manquaient justement de cette profondeur.
Vos personnages sont très marquants. Pouvez-vous nous parler d’eux ?
J.G. Le réceptionniste est seul, paranoïaque, angoissé. Il a horreur du contact physique. Il représente l’anxiété sociale à lui tout seul. Il est lavé de son humanité.
A.B. Je joue le looser, qui avec le réceptionniste est le seul à ne pas avoir de prénom. Ce qui est intéressant c’est que la figure du looser est souvent associée à un mec. Alors que mon personnage n’est pas genré. Ce que j’aime aussi, c’est qu’il est looser malgré lui. Il subit une solitude forcée. Je le travaille dans cette direction au fil des représentations.
L.F. Jason c’est un mec né en Poitou-Charentes mais qui se prend pour Al Pacino. Il aime l’Italie parce que son père est originaire d’Italie….Enfin c’est ce qu’il s’imagine. Mais il n’a pas vraiment de parents, on ne sait rien d’eux. C’est un mec très fragile mais qui parle super fort pour combler un vide. C’est un capricieux tendre. On est toujours en recherche, entre chaque représentation, on fait évoluer nos personnages.
C.C. Collins on l’a envoyé dans un truc de jet-setteuse née dans une famille riche. On a travaillé la liberté du personnage, qui se fiche du regard des autres. Elle est autocentrée, mais pas méchante. Elle ne juge pas, elle s’en fiche. Elle cherche toujours à répondre à ses besoins premiers, mais il y a un vide en elle qu’elle n’arrive pas à combler.
A.B. Ils sont très différents mais le lien entre eux c’est leur solitude. On voulait faire une satire sociale, avec des personnages assez stéréotypés. Ils ont des étiquettes qui se sont imposées ou qu’ils ont adoptées, et on voulait voir ce qu’il se passerait dans la mort, comment ces étiquettes s’effaceraient petit à petit.