Au Théâtre de la Pépinière, Clémentine Célarié en mère hantée par dieu le fils

Adapté du roman de David Lelait-Helo, Je suis la maman du bourreau, l’actrice Clémentine Célarié imagine ce seule en scène d’une mère brisée par les crimes de son fils.  Un texte intime inséré dans une mise en scène terrifiante. Le résultat est poignant. 

Dans "La maman du bourreau" Clémentine Célarié est la difficile mère d'un prêtre et agresseur sexuel. Crédits photo : François Fonty

Elle est seule sur scène, l’air grave. La lumière est crue, parfois très blanche, contrastant avec le noir de la scène. L’apparition de Clémentine Célarié au théâtre de la Pépinière jette tout de suite un froid dans la salle. L’actrice, qui a choisi de mettre en scène le roman Je suis la maman du bourreau écrit par David Lelait-Helo et récompensé par le prix Claude Chabrol 2022, campe cette mère dévouée à la religion et à Dieu, mais trahie par son propre enfant.

UNE MÈRE TRAHIE PAR LA RELIGION ET PAR SON FILS

L’histoire est celle de Gabrielle, une mère qui doit faire face à la monstruosité de son fils, Pierre-Marie, prêtre accusé de viols sur enfants et retrouvé mort. Un drame familial qui se déroule sur une scène surplombée par une immense croix. 

Impossible d’échapper aux tourments qui traversent cette femme, seule, le regard droit, qui passe au crible les évènements de sa vie pour essayer de comprendre les raisons des actes de son fils, déchirée entre amour maternel inconditionnel et trahison ultime.

La pièce met en exergue les émotions multiples et la complexité des sentiments d’une mère impuissante, coupable, divisée entre le sentiment de trahison par un fils qu’elle a tant adulé et la culpabilité d’avoir engendré ce monstre par ses paroles, sa vision, son adoration. Pierre-Marie, enfant prodige et réplique de Dieu se mue en frère du diable, un monstre à abattre.

Je suis la maman du bourreau doit beaucoup à la performance de Clémentine Célarié, qui déclame avec justesse un texte littéraire à la narration bien ficelée. L’actrice incarne avec réalisme une femme enfermée dans sa foi qui, peu à peu, voit ses espoirs, ses valeurs, ses croyances et sa vie réduits à néant. 

L’actrice est déchirée entre son amour pour son fils et la terreur qu’elle éprouve face aux crimes qu’il a commis.  Crédits photo : François Fonty

UNE QUÊTE DE RÉDEMPTION ÉMOUVANTE

Le texte de David Lelait-Helo est puissant et mis en avant par la scénographie de la pièce. La croix immense, le rouge, le jeu de lumières et des ombres rendent l’atmosphère asphyxiante. Le thème de la religion est omniprésent, troublée par la présence du diable. Les termes sont crus et explicites, à la mesure du tabou qui entoure encore les violences sexuelles au sein de l’Eglise. 

La pièce questionne le rapport à la religion de cette mère. Elle semble, au premier abord, avoir du mal à croire que de telles horreurs puissent avoir eu lieu au sein de son église. Révoltée contre les accusations faites par le journal, c’est en voulant rétablir la vérité qu’elle découvre finalement que le prêtre, son fils, a été capable du pire pendant de longues années. 

Ce n’est plus à Dieu de faire régner la justice mais à Gabrielle, quand son enfant ne cesse de se cacher derrière la religion pour excuser ses actes. Les rôles sont bouleversés, la transmission de mère en fils inversée et Gabrielle donnera tout pour celui qu’elle a enfanté. 

Je suis la maman du bourreau est une pièce audacieuse et originale par son thème, encore très peu exploité au théâtre et, plus généralement, dans les arts. Dans un seul-en-scène éprouvant où le coupable est à la fois absent et omniprésent, elle aborde l’éternelle question de l’origine du mal tout en évitant l’écueil d’une condamnation universelle de la foi.

Armelle Sauger

La Perle

« Je suis la maman du bourreau » de David Lelait-Helo, 
Mise en scène : Clémentine Célarié
Du 13 janvier au 04 mai 2024

Théâtre de la Pépinière
7 rue Louis le Grand 75002 Paris 

theatredelapepiniere.com
@lapepiniere_th