À mi-chemin entre fiction et faits réels, « ADN » s’affiche au théâtre Michel. L’histoire dont elle s’inspire constitue la charpente de ce thriller, servi par la mise en scène de Sébastien Azzopardi, aux allures de feuilleton télé.
Après avoir accueilli de beaux succès populaires (Ma version de l’Histoire, Une idée géniale, Est ce que j’ai une gueule d’Arletty, L’embarras du choix), le théâtre Michel ouvre sa saison théâtrale avec une nouvelle création, coécrite par Caroline Ami et Flavie Péan. Sébastien Azzopardi, directeur des lieux, en signe la mise en scène attrayante.
Une collaboration fructueuse pour une pièce avant tout généreuse, conçue pour rassasier tous les appétits. Oscillant entre thriller et comédie, fiction et faits réels, ADN hybride, en effet, les genres, pour plaire au plus grand nombre.
Inspiré de faits réels
Il faut dire que l’histoire choisie par les deux autrices a de quoi fasciner tant elle paraît invraisemblable. Celle-ci débute en 2014 dans l’État de Washington, avec la naissance par fécondation in-vitro d’un nouveau-né. Problème, les médecins réalisent que son groupe sanguin ne concorde pas avec celui de ses parents. Un test génétique complémentaire révèle alors que l’homme qui se pensait son père, Tomas dans la pièce, n’est autre que… son oncle.
Prenant pour point de départ cette anecdote inouïe, ADN bascule dans la fiction dès lors que Tomas, décidé à trouver auprès de sa mère des réponses à ses interrogations, la retrouve assassinée.
Débute alors sa quête identitaire, sur fond de course poursuite policière. Benoît Facerias y endosse le rôle principal, entouré d’une galerie de personnages brossés au crible de l’actualité. Stéréotype du masculiniste sexiste par excellence, l’agent Coffmann y côtoie entre autres Georgia, directrice du centre de fertilité, aux discours conservateurs anti-avortement criant de familiarité. Des sujets de société dont ADN se fait l’écho éclairé.
Quant au fin mot de cette histoire rocambolesque : s’agit-il d’une erreur médicale ? La femme de Tomas l’aurait-elle trompé avec un frère dont il ne connaît pourtant pas l’existence ? L’explication est-elle toute autre ? Le suspense est entier et le reste d’un bout à l’autre de la représentation.
De ce point de vue, l’écriture sous tension des deux autrices, rythmée par une cascade de rebondissements, s’avère particulièrement efficace. Quand éclate enfin la vérité, la révélation est d’autant plus savoureuse que le mystère a été préservé.
Au plus près du théâtre-feuilleton
À la fois auteur et comédien, Sébastien Azzopardi renoue ici avec sa casquette de metteur en scène pour donner vie au texte de Caroline Ami et Flavie Péan. A l’image de sa création précédente (Ma version de l’histoire), celui-ci opte pour une mise en scène sur-vitaminée empruntant aux codes des séries télé.
Constitué d’astucieux panneaux coulissants, le dispositif scénique offre aux comédiens un espace de jeu dynamique, habillé d’esthétiques projections vidéo. Une galerie d’art succède ainsi à une artère new-yorkaise puis à une nef d’église, pour une immersion réussie. Afin de l’accentuer, Sébastien Azzopardi choisit également de briser le quatrième mur, usant du théâtre Michel comme d’un espace scénique à part entière.
De péripéties en retournements de situations, les épisodes de ce feuilleton-théâtre paraissent ainsi s’enchaîner, condensés sur un tempo resserré. Avis aux aficionados de soirées séries-télé, ADN est à binger d’un trait, sans culpabiliser.
Pensé avant tout comme un thriller-comédie résolument divertissant, ADN se révèle à la hauteur de son ambition. Caroline Ami, Flavie Péan et Sébastien Azzopardi démontrent une fois de plus que le théâtre est un art vivant, autant à même de tenir en haleine son public qu’une alléchante série télé.
Amandine Violé
En partenariat avec le théâtre Michel
La Perle
« ADN » mis en scène par Sébastien Azzopardi
Du 03 octobre 2024 au 26 avril 2025
Théâtre Michel
38 rue des Mathurins 75008 Paris
www.theatre-michel.fr
Instagram: @theatremichel