À l’Institut Rafaël, l’art thérapie contre la maladie

L’Institut Rafaël utilise un ensemble coordonné de soins pour accompagner des patients atteints de cancers ou de maladies chroniques. Parmi eux, la danse thérapie permet de renouer avec une meilleure santé physique et mentale au prisme de l’expression corporelle.

Avant d’être art thérapeute, Ayala Elharar a été ballerine professionnelle Crédits photos : Institut Rafaël

 Feel strong » (Sois forte), « Be brave with your life » (Affronte ta vie avec courage) Sur leurs tee-shirts de sport, des formules encourageantes illustrent des motifs de tigres rugissant ou de fleurs en éclosion. Au matin de ce jeudi 22 juin, Marly* et Sonia* ont peut-être enfilé la première tenue qui tombait de leur armoire. Leur message sied pourtant au propos de la séance. Comme deux autres patientes, elles participent à l’atelier de danse thérapie de l’Institut Rafaël, à Levallois-Perret (92) Deux heures d’atelier d’expression corporelle pour dépasser les affres de la maladie ou du traumatisme.

POUR UNE SANTÉ INTÉGRATIVE

Dans ce centre spécialisé dans la santé intégrative, l’art thérapie participe d’une approche globale et coordonnée au service du patient. Certaines souffrent du cancer ou de maladies chroniques. D’autres sont guéris mais rencontrent des difficultés à reprendre le cours de leur vie. 

En parallèle du suivi médical, l’Institut Rafaël offre des accompagnements complémentaires, comme la sophrologie ou la naturopathie, davantage centrés sur les besoins l’individu que sur la maladie. En art thérapie, plusieurs ateliers, individuels ou collectifs, sont mis à disposition :  le chant, les arts graphiques, l’écriture, la dramaturgie et donc, la danse.

Les six séances de danse-thérapie sont collectives, à raison d’une par semaine. Chaque patient, souvent des femmes, y participe avec une intention spécifique. Marly* souhaite retrouver une sérénité, Sarah, renouer avec sa féminité. Seule Sonia* garde cette intimité pour elle. Certains silences disent les maux.

Pour immerger les patientes dans un cadre apaisant, Shéhérazade Boyer-Tami, danse thérapeute sollicite un monde imagé dans lequel le jeu s’impose. « Il n’y a pas de cours ou de chorégraphie à suivre. Tout repose sur le mouvement, la libre expression corporelle »  explique-t-elle. 

Guidées par ses indications, les danseuses se rêvent en feuilles poussées par le vent, en pinceau de la couleur de leur choix. Elles se croisent, parfois, ou se passent les mouvements au rythme de sonorités diverses.  Puis la thérapeute sort les bulles. Par binôme, l’une souffle et l’autre danse, à tour de rôles. Elles doivent trouver, au fil de la musique, des mouvements pour éviter ou attraper les bulles. L’exercice est gracieux, réjouissant. 

Le cycle de danse thérapie dure six semaines à raison d’une séance par semaine. Crédits photos : Institut Rafaël

« Ne plus voir mon corps comme un adversaire »

Les traitements médicaux impliquent souvent une dégradation de l’image de soi, des émotions et de la confiance. Colline, 39 ans, en a fait les frais. Atteinte d’une maladie rénale, elle a longtemps vécu dans le déni de sa pathologie. Mais la naissance de son fils, il y a deux ans, a tout bouleversé. Une « claque émotionelle » qui pousse son médecin à l’orienter vers l’Institut Rafaël.

Entre autres soins, elle est redirigée vers la danse thérapie pour « ne plus considérer le corps comme un adversaire ». À l’issue de ce cycle, elle dit se sentir plus apaisée, plus dynamique et compte même peut-être prendre des cours de chair danse (danse de la chaise), une discipline « provocante » et sensuelle. « Avec Shéhérazade, la danse intervenait par touches, comme du pointillisme. Aujourd’hui, j’ai besoin d’un bon coup de peinture, quelque chose de plus tonique ! » plaisante cette photographe. 

Même constat pour Sarah. À 29 ans, cette interne en médecine a été traumatisée par la maladie neurologique de son ex-mari. L’Institut Rafaël accompagnant aussi les aidants, elle a trouvé sa place au sein du parcours de soin, dont la danse thérapie : «  À la première séance, j’étais submergée par les émotions. Puis au fil des ateliers, j’ai constaté une évolution. Aujourd’hui je me fais plus confiance. » Les résultats se nichent dans les petites victoires. Pour la jeune femme, se rendre seule à une fête organisée par sa salle de sport montre qu’elle renoue avec une forme d’autonomie et de lien social.

Shéhérazade Boyer-Tami est danse thérapeute à l’Institut Rafaël. Crédits photo : Institut Rafaël
« créer pour retrouver un élan de vie, quel qu’il soit. »

« L’enjeu n’est pas de poursuivre la danse après le cycle mais de créer pour retrouver un élan de vie, quel qu’il soit » poursuit Shéhérazade Boyer-Tami. Pour mesurer cela, l’Institut Rafaël met en place une auto évaluation, selon plusieurs critères, au fil du cycle. Ainsi 86 % des patients en danse-thérapie disent constater une baisse de la colère. 68 % décrivent une meilleure image de soi. Sur la plan physique, 50 % décrivent une réduction importante des douleurs. 

Des chiffre pris en compte sur le plan médical grâce à l’échelle HADS (échelle d’évaluation de l’anxiété et de la dépression). « Ce sont des paramètres scientifiques validés, explique le docteur Nathaniel Scher, oncologue-chercheur à l’Institut Rafaël. Coordonné avec d’autres soins, on constate que l’art thérapie permet d’améliorer la qualité de vie, l’adhésion au traitement et dans le cas de patients guéris, l’acceptation de leur traumatisme. »

Une progression perçue tout au long des séances, selon Nathalie Feldman, art thérapeute à l’Institut : « Les émotions viennent souvent avec le geste. Et le geste pur amène l’idée. Ils suffit juste de démarrer quelque chose »

Le pôle d’art thérapie est né dès l’ouverture de l’Institut Rafaël, en décembre 2018. Les six art thérapeutes se réunissent tous les mois pour faire le point sur l’évolution de leurs projets communs. Dernier en date, un slam écrit puis chanté par la chorale du centre lors de la fête de la musique. Le spectacle, mené par Viviane Seron, dramathérapeute et Fabienne Achard, en charge de la chorale, a fait son effet. Sur le public et sur les patients.

Perla Msika

La Perle