Marché de l'art

Boltanski confronte les peurs à la Galerie Marian Goodman

L’artiste se sert de la crise sanitaire pour présenter des œuvres qui abordent notre rapport intime et collectif à la mort et aux angoisses.

Christian Boltanski – Après – 2010. Crédit photo : Perla Msika.

Le constat est sans appel. Depuis le début de la crise sanitaire, la rumeur des troubles anxieux se colporte comme une traînée de poudre. Faisant de la santé mentale le secret le moins bien gardé de France, elle s’attaque tout particulièrement – tel un retour de force – à la pulsion vitale de notre société : la jeunesse.

Y’A QUOI “APRÈS” LA MORT ?

Tabou, vous dites ? Plus maintenant. Affronter, sinon rien. Christian Boltanski, artiste emblématique de la scène contemporaine, brise le silence en ces termes : « la mort était totalement niée. Et aujourd’hui, par le fait de cette maladie, on reparle de la mort : comme une chose qui est autour de nous et qui est présente. » Une piste non négligeable pour comprendre les doutes et les angoisses qui assaillent la génération « vie devant soi ». Mais il faut bien se défendre. Alors, pour confronter l’ennemi, Boltanski a justement choisi d’investir la galerie Marian Goodman.

Premier solo-show de l’artistedepuis sa rétrospective au Centre Pompidou en 2020, l’exposition « Après » tombe à pic et répond au climat général d’angoisses provoqué par la crise sanitaire. Réalisées pendant le confinement, les œuvres présentées concentrent sur deux étages ce que Boltanski sait faire de mieux : gratter la surface lisse pour laisser entrevoir ce qu’on ne montre pas – la mort en tête de file. 

Rien ne sert de comprendre. Il faut d’abord le ressentir. L’œuvre de Boltanski passe par les sens, l’émotion. Avec lui, pas de longs textes ou de notes explicatives. Derrière des montagnes de linge blanc, des visages fantômes apparaissent ici et là. L’artiste prend ses souvenirs en otage et suggère ce que nous connaissons tous : l’âme de l’être aimé laissant, une fois partie, un bout d’elle ou de lui parmi les draps et vêtements. 

L’HISTOIRE POUR MIEUX ABORDER LE PRÉSENT

Mais à mesure que l’on s’enfonce, ce sont les fantômes de tous, de notre Histoire, qui viennent remuer la visite : des images belles à outrance se voient alors perturbées par celles des grands massacres de l’Histoire. Quelles plaies les guerres, les génocides taillent-ils dans nos sociétés ? Les monceaux d’images aseptisées, postées sur nos réseaux sociaux, maniées par les campagnes publicitaires, parviendront-ils à effacer « les heures les plus sombres de notre Histoire » ? Rien n’est moins sûr. 

Et Après ? « Après » est une installation au néon qui marque le passage dans une autre pièce. Une crypte pour être plus exact. Dans le silence d’une chambre-sanctuaire, une ampoule diffuse une lumière sombre, tamisée. Atmosphère propice à l’introspection. Dans un miroir, le visiteur peut maintenant contempler son reflet. Faisant « d’Après » une exposition-thérapie en marge de la vie, Boltanski nous invite maintenant à confronter l’obscurité pour mieux jouir de la lumière.

Perla Msika

La Perle

Exposition « Christian Boltanski : Après »
Du 20 janvier au 13 mars 2021
Galerie Marian Goodman
79 Rue du Temple, 75003 Paris
www.mariangoodman.com
Instagram : @mariangoodmangallery