L’exposition dédiée à Rosa Bonheur (1822-1899) au Musée d’Orsay présente une vue d’ensemble de l’univers de l’artiste peintre. À travers les œuvres marquantes exposées, le profil d’une femme qui dépasse les barrières de son époque, se dessine. Au fil des salles, on y découvre une vision de la nature à part entière ; la peinture de Bonheur dévoile un rapport sensible et subtil au royaume des animaux. Elle peint une faune et une flore dynamiques. La nature y est plus vivante que jamais.
Au XIXème siècle, la peinture assignait encore les femmes à des thèmes précis pour les restreindre à l’amateurisme : portraits, fleurs, scènes de la vie intérieure. Mais Rosa Bonheur, pour sa part, se professionnalise et s’inspire de ce qu’elle voit à l’extérieur du foyer familial : la vie de campagne, les moissons, les animaux de la ferme et plus tard, des paysages étrangers. Les animaux s’animent non seulement par ses coups de pinceau et ses mises en scène : l’artiste cède la place au regard de l’animal. Un regard qui guette et témoigne de la vivacité d’un animal qui se confronte à autrui, y compris à nous, le public.
“ L’ŒIL N’EST-IL PAS LE MIROIR DE L’ÂME POUR TOUTES LES CRÉATURES VIVANTES ? ”
Rosa Bonheur.
À gauche : Portrait de taureau, vers 1857. Crédit photo : Alexandra Beraldin.
PORTRAITS D’ANIMAUX
Les remarquables portraits d’animaux se démarquent des portraits typiques de cette époque. Renard, tigre, lion, chien, renne, et bien d’autres, ces êtres sont les sujets centraux de la narration picturale de l’artiste. Ils sont montrés au repos, en action ou sous pression. Le regard de chacun frappe et communique un état d’esprit animé par des émotions composites et variées.
Cette vision de l’animal souligne à la fois la place des animaux dans la peinture et dans la société. Les bêtes sont, à cette époque, souvent peintes dans leurs rôles d’animaux domestiques ou de chasse, mais aussi en tant que proie ou butin. Ils sont des possessions. Rosa Bonheur, elle, choisit pour ces animaux des moments durant lesquels ils sont aussi acteurs. Elle met aussi en scène des moments d’interdépendance entre animal et humain. Elle complexifie non seulement les relations entre les animaux et les hommes, mais dépeint les animaux en tant qu’êtres uniques et complexes.
DANS L’ATELIER ET L’INTIMITÉ D’UNE ARTISTE
L’exposition se clôture par un tableau inachevé : Chevaux en liberté, dit aussi Chevaux sauvages fuyant l’incendie (1890-1899). Cet aperçu rare et précieux témoigne du processus de l’artiste et capte l’attention malgré son état de finition. Le tableau demeure un tourbillon d’émotions et de mouvements ; les cheveux se précipitent vers un point inconnu et l’observateur placé devant se trouve emporté par l’action. Le tableau témoigne déjà d’une grande liberté, autant que d’une tension dramatique ouverte à interprétation.
Très célèbre de son vivant, Rosa Bonheur est tombée dans l’oubli après sa mort. L’accrochage de l’exposition permet une redécouverte riche et détaillée : de nombreux dessins et études de l’artiste – dont la précision du crayon subjugue – s’ajoutent aux toiles finies. L’œuvre de l’artiste se prolonge d’ailleurs au-delà du Musée d’Orsay. À l’occasion du bicentenaire de l’artiste, le château de Fontainebleau expose une cinquantaine de tableaux sous l’exposition « Capturer l’âme. Rosa Bonheur et l’art animalier ». Le château de By à Thomery (Seine-et-Marne) ultime résidence artistique et personnelle de l’artiste , présente enfin « Rosa Bonheur intime » et comprend une visite de son atelier. Achetée en 1859, cette demeure est le premier bien immobilier acheté par une femme à son nom par le seul fruit de son travail.
La Perle
Exposition “Rosa Bonheur”
Du 18 octobre au 15 janvier 2023
Musée d’Orsay
1 rue de la Légion d’Honneur 75007 Paris
www.musee-orsay.fr
Instagram : @museeorsay