Sophie Calle hante le musée d’Orsay

En 1978, la gare d’Orsay et son hôtel sont laissés à l’abandon. Sophie Calle et l’archéologue Jean-Paul Demoule reviennent sur ses traces quarante ans plus tard, au sein ce qui est aujourd’hui devenu le musée d’Orsay. La question de la mémoire est centrale : comment raviver ce qui n’existe plus ?

En 1978, Sophie Calle passe ses journées à déambuler et occuper l’hôtel abandonné de la gare d’Orsay. Elle s’installe dans la chambre 501, objet énigmatique majeur et fil rouge de l’exposition “Les fantômes d’Orsay.” Crédit Photo : Jade Saber.

DE L’HÔTEL À LA GARE

Conçue comme un seuil, l’exposition « Les fantômes d’Orsay » invite le spectateur à entrer dans une autre dimension, un autre temps, un entre deux. Un interstice temporel dans lequel le spectateur oscille entre l’ancienne gare d’Orsay et l’actuel musée. Durant quelques mois de l’année 1978, Sophie Calle passe ses journées à déambuler et occuper l’hôtel abandonné de la gare d’Orsay. Elle s’installe notamment dans la chambre 501, objet énigmatique majeur et fil rouge de l’exposition. Cette période est charnière pour l’artiste puisqu’elle marque le début de son œuvre à venir et constitue, en ce sens, une véritable genèse de son histoire. 

En revenant sur les débuts d’une artiste et de son œuvre, quarante ans plus tard, l’exposition propose un dialogue émouvant entre différentes temporalités d’un même lieu. Passant de l’hôtel au musée grâce à la scénographie de l’exposition, l’œuvre de Sophie Calle rend palpable, presque réelle, l’expérience de la mémoire. Le spectateur ressent la profondeur de ces lieux, en même temps que la texture du temps présent. 

“ LES FANTÔMES D’ORSAY INVITE LE SPECTATEUR À ENTRER DANS UNE AUTRE DIMENSION, UN AUTRE TEMPS, UN ENTRE DEUX.”

Crédit Photo : Jade Saber.

UNE MYTHOLOGIE DU QUOTIDIEN

L’œuvre de Sophie Calle entretient un lien fort entre l’écriture et l’accumulation d’objets. Elle est influencée par le groupe l’Oulipo qui stimule les possibilités du langage via de nouvelles contraintes d’écriture et le ready-made de Duchamp qui redéfinit l’œuvre d’art en puisant dans les objets du quotidien. L’exposition propose de découvrir tous les objets que l’artiste a récupérés lors de ses journées passées dans l’hôtel et conservés durant près de quarante ans. Sophie Calle redonne à voir des objets ordinaires d’un hôtel : plaques de numéro de chambres, clés, registres client. Elle tisse des récits poétiques à partir de ces objets et des souvenirs qu’elle conserve. 

Sa collaboration avec l’archéologue Jean-Paul Demoule permet à celui-ci de dire de cette l’œuvre totale qu’elle est une « archéologie de l’artiste elle-même ». Les objets sont analysés comme des objets de fouilles archéologiques traditionnelles. A travers ce parcours et ces objets, le spectateur suit une enquête et s’interroge sur les mystères que comportent cet ancien hôtel de la gare d’Orsay, notamment sur l’identité d’Oddo, figure symbolique de l’exposition. Ces objets qu’elle nomme « ses trophées » effectuent un retour sur l’artiste elle-même : ce sont, eux, les fantômes du Musée d’Orsay, fantôme d’un monde disparu et rendu visible par le travail mémoriel qu’entreprend Sophie Calle.

Sophie Calle fait d’ailleurs vivre la puissance de l’aura et des traces : elle éveille nos mémoires involontaires en provoquant la sensation d’un retour du passé dans le présent. Les brèches et les écarts temporels sont mis au jour, comme intégrés via l’imaginaire à l’expérience sensible de la réalité. Elle permet d’être présent au temps ainsi qu’à demeurer présent à son passage. 

Expérience unique de la présence au temps dans son caractère mouvant, multiple et multiforme. Ces « fantômes » appellent le spectateur à s’ouvrir à la multiplicité temporelle du présent. L’œuvre de Sophie Calle montre ainsi combien la mémoire constitue une expérience unique et ouverte. 

Crédit photos : Jade Saber.

La Perle

Exposition “ Sophie Calle, Les Fantômes d’Orsay”
Du 15 mars au 12 juin 2022
Musée d’Orsay
1 rue de La Légion d’Honneur 75007 Paris
Commissariat général : Sophie Calle
Instagram : @museeorsay
@sophiecalle