Qu’on soit ac(he)teur ou simple spectateur, la vente aux enchères éveille souvent en celui qui y assiste une euphorie particulière. Celle du spectacle qui commence. Et pour cause, derrière son allure noble et ses codes d’initiés, l’enchère recèle en son sein un souffle plus populaire : bienvenue au théâtre.
MAN RAY SUR LE DEVANT DE LA SCÈNE
Prête à monter sur l’estrade, Camille de Foresta, commissaire priseur chez Christie’s Paris , est attendue, ce mardi matin, par une foule de spectateurs. Aujourd’hui, on joue Man Ray. Les trois coups ( de marteau ) et levée de rideau. Au programme – sans entracte – une collection d’exception : jusqu’en 1976, année de la mort de son mentor, Lucien Treillard fut l’assistant de l’artiste-photographe Man Ray. La vente de sa collection fait résonner l’humour et le talent de cette figure du surréalisme qui, mettant en scène le noir et blanc, révolutionna le monde de l’art avec l’ami Marcel Duchamp.
LES ANNÉES FOLLES AUX ENCHÈRES
Photos, lithos’, bibelots, la vente bat son plein. Camille de Foresta draine les enchères et les envies artistiques. Aidée de la troupe Christie’s, des seconds rôles complices portant la voix des coups de fils d’acheteurs, la commissaire priseur guide le va et vient des lots à travers le globe. Allemagne, Amérique, Hong-Kong, Italie, le bagou du franglais fait son effet. Voilà donc les estimations battues à plate couture par des sommes défiant toute concurrence : 312 500 euros pour la photo Erotique voiléede Man Ray pourtant estimée entre 50 000 et 60 000 euros. Adjugé 106 250 euros, son métronome Motif perpétuel balaye quant à lui, sa haute estimation de 35 000 euros. Chapeau !
MAN RAY
(1890-1976)
MOTIF PERPÉTUELEstimation : 25,000-35,000 €
Résultat : 106,250 €
Six heures de prestation captivante. Christie’s fait le show et vent l’ensemble de ses 188 lots. La confiance règne. Et pour cause : impétueuse, l’œuvre de Man Ray incarne l’effervescence artistique de l’époque, témoignant, malgré elle, d’un Tout Paris enivrant à envier. Sur ses photos, des femmes comme Lee Miller ou Gertrude Stein libres de corps et d’élégance ; des groupes d’artistes sans masques ni distances sanitaires ; des jeunes Picasso, Dalí et Buñuel au temps joyeux et poétique des Années folles.
Folles. C’est le terme. Rien d’étonnant en sommes que les lots qui tirent les plus hautes enchères soient les ready made. Ces cintres, pipes et autres objets anodins furent détournés puis sacrés œuvres d’art par Man Ray. Point d’utilité ni de cohérence mais une réaction contemporaine évidente : au devant d’une époque surréaliste – la nôtre – c’est l’œuvre d’un fou qui a su faire mouche.
