“L’Extraordinaire destinée de Sarah Bernhardt” défile au Théâtre du Palais-Royal

La première grande star française se réincarne en la personne d’Estelle Meyer, épaulée par une
troupe frénétique dans une pièce piquante et excentrique.

La metteuse en scène Géraldine Martineau compte sur la voix et la volonté de ce personnage pour faire vivre sa pièce. Photo : Fabienne Rappeneau

On la croyait enterrée depuis longtemps, sous une pluie de fleurs et d’applaudissements. Il faut dire que sa légende, elle, est forgée. Dans les dessins, la culture populaire, la langue française. Pourtant, là voilà : Sarah Bernhardt ressuscitée, en chair et en chant par le théâtre du Palais-Royal. Sur scène, l’actrice de la Belle Époque rejoue sa vie avec humour et panache dans L’Extraordinaire destinée de Sarah Bernhardt. 

À rebours de la comédienne fastueuse et mondaine, étiquetée “première star mondiale”, l’autrice et metteuse en scène Géraldine Martineau ne garde de cette icône du théâtre et du cinéma que deux artifices : sa voix et sa volonté.

“Je jouerai quand même”

Le rôle prend racine dans le corps et la voix d’Estelle Meyer (seule-en-scène dans Niquer la fatalité, 2023) qui attrape le spectateur dès les premières secondes du spectacle. Comme Sarah Bernhardt, c’est elle qui prend son récit en main.. Elle décide d’ouvrir le rideau. “Tout a commencé quand j’avais 14 ans, en 1858”. 

S’ouvre alors L’Extraordinaire destinée de Sarah Bernhardt. Une destinée tracée à la sueur du front, et non à la merci des dieux. La Divine comme on l’appelle, c’est elle. À la fin du XIXème siècle, l’actrice et artiste (1844-1923) impose son jeu et ses conditions. Malgré les restrictions fixées à son sexe, je jouerai quand même, j’aimerai quand même, je vivrai quand même” crie-t-elle, dans le timbre grave et cassé d’Estelle Meyer.

Le rôle prend racine dans le corps et la voix d'Estelle Meyer. Photo : Fabienne Rappeneau

L’heure et demie de spectacle plante le décor d’une carrière téméraire et culottée. Sarah Bernhardt gifle ses aînés, au sens propre et figuré. Elle chante les grands rôles du répertoire, homme ou femme. Elle voyage en Amérique. Elle aime et couche hors mariage. Elle dirige un théâtre à son nom et se risque au cinéma. “Moi je veux être libre” réclame-t-elle. – “C’est l’argent qui rend libre”. Réplique : “Alors je veux gagner beaucoup d’argent, pour être libre comme un homme.” Pragmatique. Sur scène, le rythme est rapide, comme une vie qui défile, brute.

7 acteurs, une trentaine de rôles

Brute mais baroque. La troupe de cette extraordinaire destinée ose tout, même le plus inattendu. Dans ses élans d’indépendance Sarah s’entoure et embarque ses sœurs, son fils, ses amants (Sylvain Dieuaide, Adrien Melin). Les comédiens, sept à donner la réplique au rôle principal, se mesurent aux 1000 vies de l’actrice en jouant en tout et pour tout, une trentaine de rôles. 

Sur scène, un orchestre à deux voix, piano et violoncelle (Bastien Dollinger, Florence Hennequin), accompagne les répliques qui fusent, entrecoupées d’une poignée de chansons. Les décors vont et viennent presque au rythme des dialogues, donnant à la pièce une tonalité réjouissante et populaire.

« La pièce déshabille l’icône Sarah Bernhardt de son voile légendaire pour révéler ses intimités »

À la frontière du théâtre de boulevard, la pièce déshabille l’icône Sarah Bernhardt de son voile légendaire pour confier des pans plus intimes de sa vie : ses joies, ses colères, ses épreuves. Née dans une famille de femmes, sa mère courtisane (Marie-Christine Letort) et ses sœurs (Blanche Leleu et Priscilla Bescond) sont, pour l’actrice, à la fois un refuge et un fardeau. Les voix féminines se démarquent. Elles chantent, souvent de concert, dans une harmonie qui berce.

En mal d’originalités et d’aventures, Sarah Bernhardt, “monstre sacré” écrivait l’un de ses contemporains, s’épanouit auprès des auteurs, acteurs, impresarios (extravagant Antoine Cholet) qui prennent les risques avec elle. Des noms comme Georges Sand et Victor Hugo lui donnent sa chance. Ils feront d’elle, la Grande Sarah.

Sur scène, un orchestre accompagne les répliques qui fusent, entrecoupées d’une poignée de chansons. Photo : Fabienne Rappeneau

L’Extraordinaire destinée de Sarah Bernhardt offre une pièce inattendue, plus soucieuse d’une narration piquante et excentrique que d’une mise en scène clinquante généralement associée au personnage. Une tonalité que devrait plutôt honorer le réalisateur Guillaume Nicloux dans un biopic prévu sur grand écran en décembre prochain. Au théâtre du reste, on ressent moins l’image, mais on joue avec les tripes. Jeune ou vieille, homme ou femme, vivante ou morte, Sarah Bernhardt montera sur scène. Quand même, quand même.

Perla Msika

En partenariat avec le Théâtre du Palais-Royal

La Perle

« L’Extraordinaire Destinée de Sarah Bernhardt » de Géraldine Martineau
Du 27 août 2024 au 30 mars 2025

Théâtre du Palais-Royal
38, rue de Montpensier
75001 Paris

www.theatrepalaisroyal.com
Instagram : @thpalaisroyal