L’été dernier : la passion suspendue au malaise

Jusqu’où le désir peut-il nous pousser ? À quel point peut-il nous enfoncer dans le mensonge et la culpabilité ? Voici, entres autres, les questions que nous posent  « L’été dernier », le nouveau film de Catherine Breillat. Un long-métrage racontant avec autant de tendresse que de cruauté, une histoire d’amour entre un adolescent, Théo et sa belle-mère, Anne.

Catherine Breillat nous enlève le droit au déni : ces deux amants sont de la même famille

« Le vertige, ce n’est pas la peur du vide, c’est l’angoisse de vouloir s’y jeter.
De tout faire disparaitre soi-même.
 » Voici les mots d’Anne (Léa Drucker), lorsqu’elle se confie à son beau-fils, Théo (Samuel Kircher). Cette brillante avocate spécialisée dans la protection des mineurs, entame une liaison interdite avec l’adolescent. Et voici peut-être le nœud de ce film : jusqu’où sommes-nous prêts à tout mettre en danger lorsque le désir nous soulève ?

GROS PLAN SUR LA TRANSGRESSION

Les plus grandes souffrances sont muettes, les plus grands drames aussi. Et c’est d’abord par l’image que la réalisatrice nous transmet son histoire ; il ne nous suffira que de quelques minutes pour se retrouver piéger. Plongés au cœur de ce foyer, on se laisse envouter par la grâce de Léa Drucker, la force tranquille de l’époux (Olivier Rabourdin) et le sourire doux-amer de Samuel Kircher. 

Bien qu’on ressente dès les premiers échanges entre la femme et son beau-fils quelque chose de dérangeant, tant par le charme de l’adolescent que par l’effervescence intérieure de l’actrice, on préfère ne pas le relever. On préfère ne pas y croire, l’ignorer, c’est plus simple.

On retrouve notamment cette délicieuse teinte dorée tout au long du film

Mais Catherine Breillat n’entend pas nous faciliter la tâche, et dans un fragment de secondes, nous enlèvera le droit au déni. Car si les performances des deux acteurs principaux, Léa Drucker et Samuel Kircher sont remarquables, il faut en souligner la magnifique mise en lumière de la caméra de Catherine Breillat.

On retrouve notamment cette délicieuse teinte dorée tout au long du film, sublimant encore un peu plus les regards entre les deux protagonistes. Idem pour les gros plans, qui scrutent au peigne fin ce désir brûlant entre Anne et Théo.

LA BEAUTÉ ET LE MALAISE

Car tout se passse ici dans les silences. Dans un coup d’œil fugitif, dans la tension des corps qui se frôlent, dans la puissance des non-dits. Traduisant avec justesse le poids des silences qui accompagnent les drames familiaux. C’est ici que l’on constate le talent de Catherine Breillat, qui parvient à déranger bien plus qu’une salle entière avec un silence, plutôt que devant des corps incestueux qui se font l’amour.

Et c’est ainsi qu’elle nous fait basculer entre la beauté et le malaise. Rythmant son histoire avec des scènes respirant l’amour – l’amour beau, celui qui nous fait sourire – et d’autres où la gêne, la souffrance et la cruauté règnent en maitre. Nous faisant basculer d’un monde à l’autre, nous étourdissant sous les pesanteur infinie des non-dits, pour mieux nous attraper.

Anne se laisse appeler par le vide et s’y jette, tandis que l’on reste pendu aux étapes de sa chute. On endure avec elle et son amant interdit, leurs joies tant que leur culpabilité. Leur désir tant que leur dégout. La jouissance d’Anne tant que l’abattement de son mari. Et plus l’histoire avance, plus la chute continue, plus on en appréhende le crash à venir. Mais viendra-t-il ? Le suspens flotte, jusqu’à la dernière image.

La Perle

« L’été dernier« 
Un film de Catherine Breillat

Date de sortie : 13 septembre 2023
Durée : 1 heures et 44 minutes

Avec : Léa Drucker, Samuel Kircher, Olivier Rabourdi