Dans « Close », Léo et Rémi sont deux garçons âgés de 12 ans. L’un est blond (Eden Dambrine) et l’autre brun (Gustave de Waele). Ils sont amis depuis leur plus tendre enfance. Les deux ados entretiennent une relation fusionnelle, dorment tous les soirs ensemble, et partagent le moindre trajet à vélo dans leur campagne fleurie. Mais dès leur rentrée au collège, cet amour sincère qu’ils se vouent est moqué et rejeté par les autres élèves. Tous aimeraient trancher : quelle est la vraie nature de leur relation ? Amis ou amants ? La question n’est pas là pour Rémi et Léo. Eux, se décrivent, avant tout, comme des frères. Dès lors, nos deux héros quittent définitivement le monde de l’enfance et son innocence pour tenter de se conformer et rentrer dans un moule bien étroit.
L’ENFANCE, UN PARADIS PERDU
Le titre du film donne un indice de taille sur la manière dont les personnages seront approchés par la caméra du réalisateur. Les gros plans sur le visage des deux enfants aident, dès le début, à vivre au plus près de leur complicité en nous laissant apprécier le moindre battement de cil, sourire en coin, ou larme naissante… L’harmonie de leur vie est parfaitement retranscrite grâce à un choix de lumières douces, de couleurs pastel, et de répliques légères. Cette parenthèse enchantée comme une aspiration à la liberté est merveilleusement invoquée par le réalisateur qui nous replonge dans la poésie de l’enfance. Mais toutes les bonnes choses ont une fin. Les soirs d’étés ne peuvent pas durer éternellement et l’intimité que partagent les deux garçons est rompue.
Comme chez « Tomboy»de Céline Sciamma dont le réalisateur avoue être admiratif, la relation entre les enfants est filmée à leur hauteur. Entre eux, les dialogues ne sont ni trop intellectuels ni empreints de sentimentalisme pour retranscrire au mieux la simplicité de leurs échanges. C’est ici que réside le cœur de l’émotion du film : grâce à cette chronique du quotidien sans fioritures, le réalisateur réussit le pari risqué de recréer l’atmosphère épurée de l’enfance de manière extrêmement convaincante.
“UNE PARENTHÈSE ENCHANTÉE INVOQUÉE PAR LE RÉALISATEUR QUI NOUS REPLONGE DANS LA POÉSIE DE L’ENFANCE.”
Photo : Close de Lukas Dhont.
L’EXPRESSION DES CORPS
En réalité, le film ne parle pas tant de la proximité entre deux garçons mais plutôt de leur éloignement. Le conditionnement aux stéréotypes masculins pousse Léo à adopter les codes pour rentrer dans la norme. Il commence à faire du sport, ne pleure plus, occupe l’espace dans la cour de récréation tandis que les filles et Rémi demeurent assis.Cette virilité enfermante et froide se répercute dans tout le film faisant ainsi de la deuxième partie un enchaînement de plans répétitifs, sans aucune voie pour briser un silence assourdissant.
Dès lors, comme un garçon à qui l’on demanderait de taire ses sentiments, plus rien n’est dévoilé par les dialogues. On passe d’une caméra intime et délicate captant les moindres émotions, à de gros plans sur un personnage fermé qui ne laisse plus rien transparaître. Malgré les tentatives bienveillantes de la mère de Léo (Léa Drucker) qui tente de venir à bout des non- dits, on reste à distance des failles et des états-d’âme du jeune adolescent.
« Parler par le mouvement » sont les mots choisis par Lukas Dhont pour décrire son langage cinématographique. Une sobriété assumée qui fige le héros dans une chorégraphie très mécanique jusqu’à le faire presque disparaître. Dans son costume trop grand de hockey sur glace, Léo encaisse les coups, les chutes, se relève sans jamais rechigner – une pudeur qui nous laisse insensibles à sa douleur. Car à force de traquer les gestes, c’est la pensée qui disparaît. Une direction qui empêche le film de tenir sa promesse initiale. Cette retenue dramatique nous laisse un goût amer. « Close » tranche, finalement, en faveur du corps dans un film censé percer la coquille des sentiments.
La Perle
“Close”
un film de Lukas Dhont
Date de sortie : 2 novembre 2022
Durée : 1 heure et 45 minutes