À travers soixante-dix œuvres de l’artiste Gallen-Kallela, le musée Jacquemart André – associé au musée Gallen-Kallela d’Espoo, en Finlande – embarque le visiteur dans un voyage finnois. Des paysages peuplés de mythes, s’inspirant particulièrement du Kalevala, recueil de légendes où des entités vivent en osmose avec la nature : l’artiste déploie ainsi une végétation sauvage, dénuée de toute présence humaine.
LE PLUS CHAUVIN DES FINLANDAIS
Axel Gallèn quitte d’abord la Finlande pour venir étudier la peinture en France. Mais en 1884, l’école des Beaux-Arts de Paris ferme ses portes aux étudiants étrangers. L’artiste choisit donc de se former au sein de l’Académie Julian, une école privée, réputée et moderne – puisqu’elle accepte notamment les artistes femmes, près de trente ans avant les Beaux-Arts. Ce passage à l’Académie aiguise la curiosité de l’artiste qui, au cours de sa carrière, a également étudié la gravure et l’art des vitraux.
Axel Gallén – qui se renomme Gallen-Kallela en 1907 – revendique néanmoins son attachement à son pays et à ses mythes en proposant une œuvre monumentale pour l’Exposition universelle de 1889 : Son triptyque porte sur la légende d’Aïno : tirée du livre finnois, le Kalevala, celle-ci raconte l’histoire d’une jeune fille qui, promise au vieux Väinämöinen, préfère se noyer. On peut souligner le choix des motifs du cadre. Ceux qui ne sont pas familiers du signe svastika pourraient faire l’anachronisme avec le symbole nazi. Cependant, ce symbole énigmatique existe depuis plusieurs millénaires dans l’histoire de l’Humanité, et décore les temples coréens comme les tombes celtes. Il est, pour les Scandinaves, lié à la divinité porteuse du marteau Mjöllnir : Thor. Ce triptyque pointe aussi l’importance de la nature dans l’œuvre de l’artiste. De fait, Gallen-Kallela peint ici une nature onirique et subjective, où les émotions de l’artiste sont également perceptibles.
“SON TRIPTYQUE PORTE SUR LA LÉGENDE D’AÏNO, L’HISTOIRE D’UNE JEUNE FILLE QUI, PROMISE AU VIEUX VÄINÄMÖINEN, PRÉFÈRE SE NOYER.“
Photo : La légende d’Aïno, 1888-1889- Crédit photo : Céline Bonnelye.
UNE VIE CONSACRÉE À LA NATURE
Alors que la mode est à l’industrialisation, Gallen-Kallela surfe à contre-courant de la modernité du XIXème siècle : comme le mouvement Arts and Craft, en Angleterre, il décide de représenter la nature vierge de toute modification humaine. Et, afin d’être au plus proche de cette nature inchangée, Gallen-Kallela choisit de construire son atelier-maison à 200 kilomètres au nord d’Helsinki, capitale de la Finlande. Cette maison, qu’il construit de ses mains, l’artiste la nomme Kallela. Cet endroit refuge, coupé de toute présence humaine, est un parfait observatoire pour admirer la nature au fil des saisons et partager des moments en famille que l’artiste illustre.
À travers l’ensemble des œuvres réunies par le musée Jacquemart-André, le spectateur découvre ainsi les paysages finlandais couverts de neige immaculée sans que la présence de l’humain ne vienne troubler les êtres fantastiques qui peuplent la forêt. Les nombreux paysages hivernaux témoignent de l’importance que l’artiste accorde au traitement de la lumière – si particulière dans les pays nordiques. Gallen-Kallela peint de nombreux panoramas dont certains en format vertical : l’artiste est inspiré par les estampes japonaises, très en vogue dans l’Europe du XIXème siècle. Ce format, inédit pour l’époque, permet alors à l’artiste de créer des paysages où la ligne d’horizon se confond avec les eaux du lac Ruovesi, situé au pied de l’atelier de l’artiste. Un prisme unique sur les paysages nordiques, qui, entre onirisme et proximité, a inscrit Gallen-Kallela, aussi bien dans l’Histoire de l’art nordique qu’européenne.