PARIS CONTRE KINSHASA
Un affrontement sans précédent sévit à la Cité de l’architecture et du patrimoine. Voilà que le tenant du titre, l’exposition « Paris 1910 -1937 » vue par le photographe Albert Kahn, est mis à l’épreuve par un jeune premier, l’exposition « Kinshasa Chroniques », dorée par un ensemble d’artistes congolais. Deux titans de la cité, deux champions du ring urbain. Lequel viendra à bout des visiteurs assoiffés de sang et de culture ?
La parisienne que je suis, aurait penché pour le Paris joyeux, Haussmannien, typique des cartes postales vintage. Mais pour l’heure, c’est « l’aficionadart contemporain » qui brûle de passion. « Kinshasa Chroniques » bouleverse et bouscule la beauté académique et ordonnée. En ces temps ternes et silencieux, c’est le bazar qui nous fallait.
Pour réaliser un tel chantier, ce n’est non pas un mais bien sept commissaires et scénographes qui ont œuvré. A leur image, l’exposition porte plusieurs voix, celles d’hommes, de femmes, d’artistes et de commerçants, de sapeurs, de musiciens, de morts et de vivants. Elle témoigne pourtant d’un même message aussi fédérateur que paradoxal : Kinshasa est une ville d’échanges où les frontières mises à bas laissent place aux dialogues fertiles, poreux et permanents.
LES KINOIS FONT KINSHASA
A ne pas confondre avec le chaos. Courageuse, « Kinshasa Chroniques » assume l’informel de la ville qu’elle dépeint. A chaque chronique, c’est la population qui – reprenant le dessus sur l’Etat et l’officiel – imbibe les rues de ce qu’elle est : Ville-Sport, Ville-Paraître, Ville-Débrouille, Ville-Esprit, Ville-Performance, Musique, Futur(e), Mémoire ou Capital(iste) ; ce qui est sûr c’est qu’on ne s’ennuie pas.
L’effervescence qui ressort d’un tel projet réside aussi dans ce que le collectif a de plus créatif. Tout en marquant leur territoire artistique, les exposants semblent davantage vecteurs d’une œuvre commune que chercheurs de gloire. Eric Androa Mindre Kolo et Mega Mingiedi, artistes exposants et commissaires d’exposition, parlent tout aussi bien de leur œuvre, deux installations chargées en couleurs et en émotion, que de celles qui les accompagnent. Sans oublier Michel Ekeba et ses sapeurs faits mains, le triptyque dansant de Shula ou les figurines trompe-l’oeil de Nelson Makengo. Ce qui convient de déduire :Ajouter de l’œuvre à l’œuvre c’est trouver ensemble, la dynamique du talent.
Il serait évidemment vain d’envisager « Kinshasa Chroniques » comme le reflet exact d’une mégalopole telle que la capitale congolaise : troisième ville d’Afrique, 9965 kilomètres carrés, 13 millions d’habitants – au recensement officiel du moins, le travail serait titanesque. Mais tout de même : si les artistes détiennent en leur sein la plus fidèle version de ce qui les entourent, la Cité de l’architecture offre alors aux visiteurs une porte d’entrée vers une ville fascinante qui ne règne certes pas encore sur le podium touristique mais qui gagnerait pour sûr à être mieux connue.