Xinyi Cheng ou la poésie du quotidien

La Fondation Lafayette Anticipation offre à l’artiste chinoise sa première grande exposition en France. L’exposition “Seen through others” aborde l’intimité, enjeu majeur dans son travail : Comment redonner à voir ce que l’on ne voit plus ? Comment exprimer la beauté du quotidien ?

Chez Xinyi Cheng, rien n’est banal et chaque moment de vie est une promesse de beauté et de renouveau. Sa toute première exposition française, à la Fondation Lafayette Anticipations en est l’illustration.
Midday Troubles, 2021, huile sur toile. Crédit photo : Jade Saber.

L’intimité, le quotidien et le lien entre homme et objet, autant de thèmes qui fascinent Xinyi Cheng, artiste chinoise née à Wuhan. Elle déploie cette fascination à l’occasion de sa toute première rétrospective française, « Seen through others » à la Fondation Lafayette Anticipations.

Scènes de vie privée, moments de vie du quotidien, l’artiste rend toute leur beauté à ces instants par la poésie avec laquelle elle donne à voir l’autre, en regardant, comme l’évoque le titre de l’exposition, à travers lui. Chez Xinyi Cheng, rien n’est banal et chaque moment de vie est une promesse de beauté et de renouveau. L’atmosphère qui se dégage de la peinture de l’artiste est celle d’un songe. Elle peint des instants suspendus, des moments précieux de la vie qui ne durent pas, capturant, l’éphémère par la fugacité de sa touche sur la toile et de son regard sur le monde. 

LA PEINTURE : UNE FAÇON D’ÊTRE AU MONDE

Xinyi Cheng exprime sa compréhension du monde à travers la toile, par la dynamique du geste et le travail de la matière. Comme dans un monologue interne ou un flux de conscience littéraire, elle transfère cette technique dans le champ des arts visuels, en transmettant son monde, les liens qu’elles tissent entre les individus et les objets qui le composent. Elle dépeint les paradoxes des relations humaines et non humaines. Xinyi Cheng tente de révéler ce qu’il y a l’impénétrable en chacun de ses proches, en des moments de vie que l’on ne s’explique pas.

Sa peinture est déroutante et renouvelle des thèmes classiques de l’Histoire de l’art tels que la représentation du baiser. Loin d’une version érotique ni même dramatique de celui-ci, c’est avec humour et dérision que l’artiste exploite la réalité la plus prosaïque que peut contenir l’image d’un baiser : avec Where do the noses go ?, elle s’attache aux nez qui s’écrasent l’un contre l’autre. Xinyi Cheng souhaite parvenir à travers une transmission des sensations, à créer une réaction physique chez son spectateur. Rendre palpable sa peinture tout comme ce qu’elle provoque.

“LOIN D’UNE VERSION ÉROTIQUE DU BAISER, ELLE EXPLOITE LA RÉALITÉ LA PLUS PROSAÏQUE DE CET INSTANT: LES NEZ QUI S’ÉCRASENT L’UN CONTRE L’AUTRE.”

Where do the noses go ? 2021, Crédit photo : Jade Saber.

VERTIGE DES ÉMOTIONS

Le travail de l’artiste s’organise également autour des relations métaphysiques que l’homme entretient au monde. Elle porte un intérêt pour la complexité des émotions, des désirs et des rapports qui imprègnent la vie quotidienne. La formation en sculpture à l’académie de Beijing lui permet justement de convoquer la lumière et la couleur pour exprimer l’émotion et l’intensité des sentiments. Une couleur qui, chez elle, ne respecte pas les règles de la représentation figurative, mais a pour rôle de dépeindre les sensations de l’artiste.

Un véritable sentiment d’étrangeté se dégage alors des tableaux de Xinyi Cheng, sans doute par le travail si particulier de la lumière. Le spectateur en fait notamment l’expérience au dernier étage, acmé de l’exposition, auprès des œuvres les plus récentes de l’artiste. Plongé dans un univers aquatique et liquide, l’idée d’une peinture de la sensation prend tout son sens. Le spectateur se laisse porter par la douce lumière qui irradie les toiles qui l’entourent : comme les personnages des tableaux, il disparaît à son tour dans un monde rempli de songes

La peinture de Xinyi Cheng guide le spectateur à travers un parcours énigmatique et déroutant : il se retrouve plongé dans un monde flottant. L’artiste peint, se situant dans l’attente de deux mondes qui ne se réalisent pas. Sa peinture, passionnante, repose sur une logique de désir perpétuel. Xinyi Cheng sublime l’intimité et les petits moments qui peuplent le quotidien de chacun d’entre nous. En les peignant elle assure à ces souvenirs de la vie une place dans les mémoires. 

Landline, 2021, huile sur toile
Parapetto, 2021, huile sur toile

Crédit photos : Jade Saber.

La Perle

Exposition Xinyi Chengg “ Seen through others”
Du 23 mars au 28 mai 2022
Fondation Lafayette Anticipations
9, rue du Plâtre F-75004 Paris

Commissariat général : Christina Li
Instagram : @lafayetteanticipations