Une petite dose de gel hydroalcoolique après avoir touché les barres du métro ? Peut-être avez-vous porté un masque chirurgical récemment ? Ces dernières années ont renforcé notre conscience des virus, microbes ou bactéries… et notre anxiété à ce sujet. L’exposition « Micro-mondes. Vivre avec les petits-êtres » au Musée du Quai Branly – Jacques Chirac opère une dédramatisation de l’actualité sanitaire.
CAPTER L’INVISIBLE
Saviez-vous qu’on observait déjà l’invisible à l’aide de microscopes dans les années 1670 ? Mais c’est seulement aux alentours de 1880 qu’il a été possible de le photographier. Avant, les chercheurs dessinaient ce qu’ils observaient – ne manquez pas ces quelques croquis. Et flash : l’exactitude de la photographie témoigne dela densité incroyable de micro-organismes qui peuplent chaque parcelle de notre monde. Leur découverte scientifique – relativement récente à l’échelle de notre Histoire – a définitivement transformé notre vision du monde et de notre corps.
Ces photos sont-elles rassurantes ou angoissantes ? À vous de choisir. Une chose est sûre : voir ne veut pas dire maîtriser. Pour preuves, des photos de cellules fraichement infectées par le coronavirus (SARS-CoV-2) : nous avons tous constaté que la médecine actuelle ne peut pas contrôler sa diffusion, ni radicalement le soigner. Par ailleurs, la volonté de comprendre, observer et tester les petits êtres est de mise dans toutes les cultures : en témoignent des artefacts ethnographiques asiatiques destinés à la capture et à l’observation d’insectes.
SCIENCE ET OEUVRES D’ART : TOUS LES POINTS DE VUE POUR FAIRE UN (MICRO) MONDE
Ce qui fait la puissance de l’art, c’est sa capacité à donner un sens nouveau à la réalité. Ainsi, les jarres en céramique peinte d’Hervé Di Rosa, symbolisent la capacité à contenir les microbes en laboratoire pour en faire des instruments de savoir et de guérison. Au contraire, son œuvre Decorative Dangerous Desease, réalisée après l’émergence du Covid-19, met en évidence le phénomène de prolifération incontrôlée du virus selon les chaînes de contagion.
L’œuvre digitale Viral Venture (2009) de Joseph Nechvatal caractérise également cette ambivalence. Vidéo mettant en scène des attaques virales sur des peintures assistées par ordinateur, l’œuvre suggère à la fois la vulnérabilité des cellules attaquées, et la mine d’informations que représente la prolifération de virus en laboratoire. Ce sentiment contradictoire reflète à la perfection l’impression laissée par l’exposition au visiteur.
“LES JARRES EN CÉRAMIQUE PEINTE SYMBOLISENT LA CAPACITÉ À CONTENIR LES MICROBES EN LABORATOIRE POUR EN FAIRE DES INSTRUMENTS DE GUÉRISON.”
Hervé Di Rosa, Céramiques, 2017. Crédit photo : Alexandra Foucher.
SOURCE DE MALADIE… ET ESSENCE DE VIE
Si les micro-organismes peuvent provoquer maladies et décès, ils sont aussi constitutifs de la vie, dans toute sa complexité. Ainsi, notre corps à besoin de « bonnes bactéries » pour fonctionner correctement, notamment au niveau de la digestion. De même, bon nombre de produits alimentaires – vin, bière, pain, fromage – sont issus de processus faisant intervenir des bactéries ou levures. Les micro mondes sont donc partie primordiale de notre quotidien, tout à fait intégré à nos cultures.
En fin d’exposition, ne pas rater le panneau explicatif « Requiem pour xylophages » pour clore sa prise de conscience. La visite de l’exposition « Micro-mondes » est enrichissante. Il faut prendre la peine de s’y plonger, en lisant attentivement les panneaux d’explication. Seul regret : l’exposition est un peu trop petite. On aurait aimé voir bien plus de photos d’êtres microscopiques, des situations hors-laboratoire, et un dialogue plus évident avec les œuvres d’art. L’impression de rester trop en surface domine, alors que le sujet mérite plus de profondeur. Mais peut-être provoquer la simple volonté d’en savoir plus constituait justement le premier objectif ? Question ouverte.