L’IDENTITÉ RETROUVÉE DU TADJIKISTAN
L’année 2022 est marquée par les trente ans d’indépendance du Tadjikistan, nation à l’héritage millénaire, encore méconnue. A cette occasion, le Musée Guimet lui dédie la plus grande exposition jamais consacrée en Occident : « Tadjikistan. Au pays des fleuves d’or ». Maillon indispensable de la route de la soie, le pays a longtemps vécu dans l’ombre de ses voisins d’Asie centrale. À cet effet, l’exposition du musée Guimet se veut un témoignage insolite de l’extraordinaire patrimoine du pays.
Bon nombre des objets présentés quittent, pour la première fois, le Tadjikistan. Parmi eux, des vestiges préhistoriques, des objets tirés de l’époque grecque antique mais aussi de l’ère chrétienne, bouddhique et islamique. L’impression d’un creuset d’influences partagées sera ressentie tout au long de la visite. La vitalité de la région repose, en effet, sur un syncrétisme qui débute au IVème millénaire avant Jésus-Christ par le site chalcolithique de Sarzam – inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco – et s’achève par l’arrivée de l’Islam au VIII ème siècle et l’installation des Samanides – dynastie iranienne – à la fin du Xème siècle.
C’est au sein de cette terre d’élection du bouddhisme et du zoroastrisme qu’à été notamment été conçu le Trésor de l’Oxus, ensemble à l’origine mystérieuse de 170 objets d’or et d’argent. Issu de l’Empire archéménide, premier royaume perse à régner sur le Moyen-Orient, il est découvert au hasard d’une caravane de marchands par des voyageurs britanniques du XIXème siècle. Certains de ces éléments ont ensuite été offerts au British Museum de Londres. Avec la contribution du Musée national du Tadjikistan, l’institution prête aujourd’hui partie de ce trésor au musée Guimet.
Mention spéciale à la toute première œuvre : une plaque en or où est représentée un officiant zoroastrien portant un couvre-bouche « pour ne pas souiller l’air »… anachronisme étrange de notre (quant à lui bien connu) masque anti-covid. Un rappel à l’actualité que le Musée Guimet, tourné depuis 2015 vers la création contemporaine, s’applique à mettre en œuvre.
DUY ANH NHAN DUC : UN COIN DE MÉDITATION AU SOMMET DU MUSÉE
C’est au prix d’un effort de trois étages qu’on atteint ensuite la carte blanche de Duy Anh Nhan Duc : au coeur de la rotonde du musée, l’artiste franco-vietnamien lets the sunshine in et dévoile une installation fascinante : Le Parloir des souhaits.
Comme une invitation à prendre le temps d’explorer son « voyage intérieur », Duy Anh Nhan Duc mêle fleurs de pissenlits et de salsifis à la vue urbaine de la capitale. Dehors la Tour Eiffel, dedans, un jardin improvisé. Un monde alternatif où la nature renaît dans chaque recoin de la ville bitumée. Le plasticien en sait quelque chose : c’est au cœur même de la Porte Maillot qu’il a trouvé – entre quelques emballages plastiques – les pissenlits de son installation.
Pour créer comme pour expliquer son travail, Duy Anh Nhan Duc prend le temps. Ses œuvres font l’objet d’une véritable méditation durant laquelle il cogite et s’émerveille sur l’infiniment petit. Pour Face au Mur, il a disposé des aigrettes de pissenlits pendant près de quatre mois sur un mur fait d’un maillage de nylon et de chaînes métalliques. Un souci du détail, un exploit d’orfèvre.
Enveloppé de cette mousse de fleurs crème, Face au mur rappelle la ruche et la force du travail d’équipe mené par les abeilles. L’artiste transmet un message : aigrettes par aigrettes, fleurs par fleurs, il croit encore à une possibilité d’agir dans le sens de la biodiversité. Sa prise de conscience est douce et évidente. D’où le Parloir, pièce principale de l’installation: dans cette antichambre vitrée réside des pistils de fleurs. A l’aide d’une manivelle, le visiteur active une hélice qui fait voler les fleurs. L’homme agit et la nature danse.
Après quoi, il faut cultiver son jardin. Duy Anh Nhan Duc est soucieux de transmettre son savoir-faire et sa démarche. Avec Les Racines du ciel, il fait pousser un gland de chêne dans une calebasse d’argile : une feuille naissante clôt ainsi la série d’œuvres de l’artiste et incarne l’espoir qu’il place dans l’art pour créer, même au coeur de la ville, un cercle vertueux tourné vers la nature.