UNE ODE À LA LIBERTÉ
Sarah Maldoror est une cinéaste française d’origine guadeloupéenne, née en 1929. Elle est considérée comme pionnière du cinéma dit africain, engagée dans les luttes de libération des pays lusophones. Elle réalise une grande partie de sa carrière entre les années 1970 et 1980, avec une filmographie qui compte près de 42 films réalisés. Décédée en 2020, elle fait l’objet d’une rétrospective au Palais de Tokyo. Le commissariat, mené par Cédric Fauq et François Piron rend hommage et fait aujourd’hui découvrir l’œuvre foisonnante de Sarah Maldoror, largement méconnue du grand public.
L’exposition est le résultat d’un long travail de recherche et de reconstitution de l’œuvre et de la vie de cette cinéaste, qui a traversé les continents pour accompagner les luttes de libérations et défendre un cinéma en lequel elle croit : un cinéma féministe et anticolonialiste. Son art est le moyen par lequel elle s’émancipe, et ses films sont les endroits de son combat. L’exposition propose donc de découvrir, sous un nouveau prisme, un contexte, une période de l’histoire et de ces personnalités.
Le parcours de l’exposition invite le spectateur à vivre une expérience immersive, il est comme emporté dans l’énergie des images qui prolifèrent tout autour de lui. Entre documents, correspondances, photographies et extraits de films les commissaires, sans prétention d’exhaustivité, proposent un aperçu de l’œuvre de l’artiste. Le but est de faire naître une curiosité chez le spectateur, à travers ce réseau fascinant de films et de documents qui constituent l’exposition. Il l’engage à en découvrir davantage par lui-même. Le cinéma de Sarah Maldoror a une portée irrévocablement antiraciste et éducative.
“RÉALISER UN FILM, C’EST PRENDRE POSITION, LORSQUE JE PRENDS POSITION, J’ÉDUQUE.”
Sarah Maldoror
Maya Mihindou, La Chercheuse d’or, 2021, Fresque murale de l’exposition. Crédit photo : Jade Saber.
UNE FIGURE MILITANTE DE SON TEMPS
Le cinéma de Sarah Maldoror est une proposition, celle de faire le choix del’ouverture d’esprit et du décloisonnement. Elle souhaite abolir toutes les frontières, non seulement celles culturelles, mais aussi celles du genre. Sarah Maldoror accorde une très grande importance aux femmes, tant dans le choix de ces personnages, que des personnes avec lesquelles elle choisit de travailler.
L’exposition vise à mettre en valeur son travail de réalisatrice, de la situer dans une histoire intellectuelle, politique et sociale. C’est à travers des mouvements de pensées que son œuvre puise sa richesse et sa puissance. Elle cite notamment la négritude qui revendique une identité et une culture noire spécifique ; le panafricanisme qui entendait fédérer politiquement les pays africains fraîchement décolonisés, et le communisme. Mais aussi par toutes ces rencontres et amitiés de Aimé Césaire, Léopold Sédar Senghor à Ousmane Sembène, Léon Gontran Damas puis passant par Marguerite Duras ou encore Louis Aragon. Elle a multiplié les pratiques, en plus du cinéma, elle s’essaie au théâtre et s’entoure de poètes. Son travail et sa personne même sont intrinsèquement liés à un univers poétique et politique, choisissant son nom d’artiste « Maldoror » en hommage aux Chants de Maldoror du poète le Comte de Lautréamont. Sarah Maldoror pose toujours les mêmes questions essentielles. Comment retrouver une égalité de condition entre le colonisé et le non colonisé ? Comment dépasser les différences culturelles ? Pourrons-nous parvenir à ne plus voir la couleur ou l’origine mais l’homme et la femme, en bref : l’individu.
UN DIALOGUE AVEC DES ŒUVRES CONTEMPORAINES
L’exposition vise à mettre en parallèle de son œuvre, des propositions artistiques contemporaines. La beauté de ce choix réside sans doute dans le fait que les revendications des artistes restent inchangées. Sarah Maldoror et les artistes d’aujourd’hui revendiquent leurs visions du monde avec la même puissance volcanique.
Son discours, Sarah Maldoror le livre à travers l’expérience visuelle comme le poète, à travers ses mots. Son cinéma est disruptif, il est un cinéma ancré dans le quotidien et les expériences de la réalité et qui vient questionner le spectateur. Que cela signifie-t-il d’être au monde ? Pour répondre à ces enjeux, elle puise aussi bien dans la pensée universaliste européenne que dans la notion philosophique d’Ubuntu (littéralement « humanité » en en langue xhosa) répandue dans plusieurs pays africains. Son œuvre pose, dès lors, une question essentielle :comment, selon ses termes, « faire humanité ensemble » ?