Oskar Kokoschka, un fauve libéré

Pour la première fois à Paris, le peintre Oskar Kokoschka se voit consacrer une rétrospective. Cette exposition organisée par le Musée d’art moderne de la ville de Paris propose de traverser le XXème siècle au côté du très engagé artiste viennois.

Oskar Kokoschka entame sa vie d’artiste en travaillant sur un sujet classique comme le portrait, voit son appr~́noter au fil du temps. Autoportrait Selbstbildnis, 1917. Crédit photo : Fondation Oskar Kokoschka Adagp, Paris 2022.

Au musée d’art moderne de la ville de Paris, l’exposition « Un fauve à Vienne » reprend la carrière de plus de 70 ans de l’artiste viennois Oskar Kokoschka. Lui, qui entame sa vie d’artiste en travaillant sur un sujet classique comme le portrait, voit son approche picturale dénoter au fil du temps. Il est salué par l’avant-garde de l’époque, notamment Egon Schiele, une référence du courant expressionniste allemand qui exprime les émotions par des couleurs vives. En France, on parle davantage d’artistes fauves. L’artiste, dramaturge et poète décide de libérer la représentation picturale en l’inscrivant dans sa lutte contre le fascisme. Un engagement qui l’entraîne à voyager – parfois à fuir – à travers l’Europe, rendant Oskar Kokoschka un artiste incontournable du siècle passé. Jusqu’au 12 février 2023. 

LA VIE SELON UN FAUVE

Si le titre de l’exposition peut prêter à confusion, fauve doit être entendu au sens premier : Kokoschka est félin. Dès le début de sa carrière, il est qualifié par les critiques d’art « de plus sauvage d’entre tous. » Pourtant, le jeune artiste commence par une carrière de portraitiste. Ce sujet très classique dans l’Histoire de l’art laisse une grande liberté picturale au peintre. En effet, à cette époque, le courant impressionniste représenté par des artistes tels que le français Auguste Renoir, caractérise le portrait par une grande douceur du trait et des visages ronds, chaleureux. Chez Kokoschka, ce sont des portraits dont l’âme transpire. À travers les traits bruts et les couleurs criardes, le peintre montre son intérêt pour les expressions, les émotions, avec une attention particulière portée aux visages et aux mains, canaux de langage universels. Le portrait du psychiatre Auguste Forel (1910) montre bien cette observation attentive de ces éléments que Kokoschka appuie par un contour marqué. 

“LE PEINTRE MONTRE SON INTÉRÊT POUR LES ÉMOTIONS, AVEC UNE ATTENTION PARTICULIÈRE PORTÉE AUX VISAGES ET AUX MAINS.”

Auguste Forel, 1910, Huile sur toile, Kunsthalle Mannheim, Allemagne.

L’artiste viennois, qui refusait de s’inscrire dans tout courant pictural de son époque, acceptait tout de même d’être qualifié d’expressionniste du fait qu’il ne sache « pas faire autre chose qu’exprimer la vie ». Cette vie, Kokoschka la défend aussi dans ses engagements politiques dont son art est l’outil. Jusqu’à sa mort, il garde une volonté farouche d’émanciper et d’éduquer les esprits par la peinture. Il crée notamment au cours de sa carrière des affiches comme lors du bombardement allemand et italien de la ville espagnole de Guernica avec Aidez les enfants basques (1937), ; évènement tragique illustré notamment par le très célèbre Guernica de Pablo Picasso (1936). 

UN VAGABOND, UNE ÂME BLESSÉE

Blessé par une rupture amoureuse, Oskar Kokoschka décide de fuir en s’engageant comme soldat durant la Grande Guerre (1914-1918). Après son âme, c’est son corps qui est grandement endommagé. Il quitte le champ de bataille. De nouveau confronté à sa rupture, il demande à la costumière Hermine Moos une poupée à l’effigie de l’amante perdue. Cette poupée qu’il prend comme modèle dans plusieurs de ses œuvres, est une réalisation, interprétée à la fois comme la réalisation d’un fantasme mais aussi comme une manière de soigner son âme. En retrouvant un fétiche de la personne perdue, Kokoschka devient maître de la situation. Il décide d’ailleurs de détruire la poupée lors d’un accès de violence en 1922. 

Poupée à l’effigie d’Alma Mahler réalisée par Hermine Moos à la demande d’Oskar Kokoschka (1918).

 “Blessé par une rupture amoureuse, l’artiste demande à une costumière de réaliser une poupée à l’effigie de son amante perdue.”

Traité « d’artiste dégénéré » par le régime de l’Allemagne nazie, Kokoschka décide de fuir et non de se conformer aux nouveaux canons classiques en vigueur. Mais pour lui, fuir ne veut pas dire arrêter le combat. Depuis Prague, Kokoschka continue de peindre. Il résiste en prenant part aux expositions antifascistes organisées avec des œuvres révélatrices de la souffrance des populations en guerre ou occupées.

La menace grandissante d’une invasion pousse Kokoschka à fuir en Angleterre où il réalise l’œuvre cynique Anschluss-Alice aux pays des merveilles (1942), en référence à l’annexion de l’Autriche par l’Allemagne. Cette œuvre illustre bien cette résistance de l’artiste par la dénonciation de l’asservissement des populations, réalisée dans un contexte de terreur. Ce combat, Kokoschka le poursuit même après la Seconde Guerre mondiale de manière symbolique en réalisant un portrait de Konrad Adenauer, premier chancelier de la République Fédérale d’Allemagne (RFA) symbole d’une Allemagne libérée. 

La menace grandissante d’une invasion pousse Kokoschka à fuir en Angleterre où il réalisera une œuvre cynique en re~- Alice aux pays des merveilles, 1942, Huile sur toile, Léopold Museum de Vienne, Autriche. Crédit photo : Céline Bonnelye.

La Perle

Exposition “Oskar Kokoschka. Un fauve à Vienne”
Du 23 septembre 2022 au 12 février 2023
Musée d’art moderne de la ville de Paris
11 avenue du Président Wilson 75116 Paris
www.mam.paris.fr
Instagram : @museedartmodernedeparis