Qui ne s’est jamais imaginé la fin ? Qui ne s’est jamais projeté, représenté, imaginé en proie à un monde dévasté, à une civilisation ravagée par les zombies, ou à une société effondrée ? On s’envisage aventurier, guerrière, solide, curieux et débrouillarde. C’est beau de rêver, mais si on allait y regarder d’un peu plus près, pour savoir quelles seraient nos émotions et nos comportements au milieu de l’apocalypse ? Comme ça, juste pour voir…
Il y a plus de deux ans, la pandémie du Covid-19 débarquait dans nos vies et nos sociétés, mettant en lumière notre fébrilité systémique, mais aussi notre incapacité à s’adapter. Car si certaines personnes, experts ou citoyens, espéraient un effet déclic, une prise de conscience, ou un virage à 180°, rien de tout ça n’est arrivé. Pourtant, une pensée globale, un constat évident s’est imposé : notre système n’est pas adapté, et volontairement ou non, nous allons devoir changer. C’est sur ce constat que l’exposition temporaire Renaissances, à la Cité des Sciences présente, par un mélange de fictions trempées dans la réalité, des pistes à emprunter. Des moyens de réflexions à éprouver, des armes potentielles pour ce futur défi à relever, en nous emportant au fil des décennies.
2023 : REVENONS SUR TERRE
Nous entamons cette exposition face à des courbes. La température de la surface, le recul de la biodiversité, la consommation d’énergie, la pêche, l’acidification des océans… Toutes, grimpent de manière exponentielle depuis 1950, menaçant d’un jour stopper leur course folle. Mais l’ensemble de ces données, ces chiffres et ces variables, sont ce qui tient notre société en marche. Comment se débrouillerait-on, si leur croissance s’arrêtait ?
Afin de nous faire une idée, l’exposition nous emmène en 2023, pour un stage de survie en pleine forêt. On se retrouve au milieu de structures en bois parsemées de stickers d’animaux, de plantes, de roches… Nous y sommes, en plein cœur de la forêt, et en ouvrant le carnet distribué à l’entrée, nous commençons la survie. Il s’agit d’abord de trouver un abri au milieu des arbres, une grotte ou une cabane, chacun choisira selon ses préférences. L’aventure n’est pas si difficile, bien que quelques minutes plus tard, on peut rapidement se retrouver à vomir une eau non filtrée. Une erreur de débutant, bien entendu. Mais ce jeu de piste vient surtout nous rappeler que malgré nos rêves d’aventures et nos fantasmes de survie, il y a une chose à laquelle nous devons nous confronter : la réalité.
“LA TEMPÉRATURE DE LA SURFACE, LE RECUL DE LA BIODIVERSITÉ, LA CONSOMMATION D’ÉNERGIE… TOUTES, GRIMPENT DE MANIÈRE EXPONENTIELLE DEPUIS 1950.“
The Great Acceleration Data (october 2014)”, International Geosphere-Biosphere Programme. Crédit photo : Nicolas Derrien .
2029 : TOUS PRÉPARÉS… À NE PAS ÊTRE PRÊTS
Bienvenue en 2029, un monde où notre civilisation n’est plus. Pas de décor cette fois-ci, plutôt des salles de conférences, dans lesquelles des sociologues, ingénieurs, écologues, et des experts de tous les domaines, nous expliquent bien des choses en sommes. D’abord : que cette idée d’effondrement fait cogiter les imaginaires, développe les croyances, multiplie les désaccords, c’est bien normal ; car, même au sein de la communauté scientifique, c’est à l’imaginaire que nous nous fions. Bien sûr, que la fin est encore loin d’être écrite, que cette histoire d’effondrement est peut-être exagérée, ou bien édulcorée, qui sait ? Mais au cœur de ces doutes, trois certitudes demeurent : Nous allons manquer d’énergie ; si nous ne nous y préparons pas, nous serons vulnérables. A noter qu’actuellement, nous ne nous préparons pas.
Ces clés en main, nous sommes invités à une séance de cinéma interactive. Le film débute au cœur d’un conflit familial. Le monde s’effondre. La mère de famille veut partir à la campagne, le père souhaite rester. Il est temps pour nous, spectateurs, de faire un choix. On discute, on s’entend, et on choisit de partir. Peut-être que l’humanité s’en sortira ainsi, en parlant, en collaborant… Cinq minutes plus tard, nous abandonnons notre vieille voisine du dessus à son sort, la laissant seule sur le quai, faute de place dans le bateau. L’humanité n’est pas parfaite.
Mais pour ce film, comme pour notre réalité, il existe d’autres fins. Pour les découvrir, il nous faudra refondre notre imaginaire, revoir nos valeurs, faire appel à une des forces majeures de notre espèce : la résilience.
“IL EXISTE D’AUTRES FINS : PRENDRE SOIN, FRUCTIFIER, PLUTÔT QUE DE CONQUÉRIR OU DÉSIRER SANS LIMITES.“
Crédit photo : Nicolas Derrien.
2045 : CHOISIR NOTRE TRÉSOR
Nous y voilà. Dans une fiction sonore de plusieurs épisodes, l’exposition nous plonge en plein cœur de Besançon. Une ville où les hommes et femmes tentent de réinventer le vivre-ensemble. A travers l’histoire d’un stagiaire en éco-restauration des sols, plusieurs possibilités, idées de transitions sont abordées. Les low–tech, faibles en énergies, ou les right–tech, encouragent la maximisation des usages. Nous parcourons ce nouveau monde, à travers le spectre de Besançon version 2045. On y observe le développement de la permaculture, la création du droit aux airs, le retour des pédaliers… On découvre des ressources oubliées comme la coopération, la solidarité, ou la force de liens affectifs. Prendre soin, fructifier, plutôt que de conquérir ou désirer sans limites.
Car l’humanité peut s’atteler à changer les choses, remodeler nos activités ou bouleverser nos valeurs, le désir lui restera toujours propre. Cette tentation inconditionnelle, celle de trouver son trésor, subsistera et nous gardera toujours en partie prisonniers. Mais il nous reste une liberté, elle aussi absolue, celle de choisir.
Nous quittons alors Besançon et l’exposition avec la promesse tenue, la tête pleine de réflexions, et la certitude qu’à un moment ou un autre, il nous faudra choisir. Alors, quand en sortant de la Cité des Sciences, vous tomberez nez-à-nez avec le « McDonald », il vous incombe de décider… En avez-vous vraiment besoin, de ce cheeseburger ?