Leçon d’ambition avec Giovanni Bellini

L’exposition dédiée à Giovanni Bellini (v. 1435-1516) au Musée Jacquemart-André retrace le parcours de ce maître de la peinture italienne. Baptisé « le fondateur de l’école vénitienne », il participe à la fondation de cette mouvance en innovant sur le plan technique et en se créant un réseau d’artistes dont les signatures sont parmi les plus grands maîtres de la Renaissance italienne.

Au travers de l’oeuvre de Giovanni Bellini, l’exposition prouve que le rôle du réseau est décisif ~te. Photo / Gentile et Giovanni Bellini, Annonciation, vers 1464-1465. Crédit photo : Museo Nacional Thyssen-Bornemisza, Madrid.

Le Musée Jacquemart-André propose une cinquantaine d’œuvres issues de collections européennes et privées. « Giovanni Bellini, influences croisées » raconte l’histoire de la peinture vénitienne au tournant de la Renaissance, une époque révolutionnaire pour l’Italie. L’exposition se consacre à l’influence extérieure sur l’œuvre de Bellini ; une influence grâce à laquelle l’artiste s’est transformé en innovateur. Mais le récit ne s’arrête pas là. Bien que l’héritage de Bellini démontre que l’innovation est souvent un art de l’emprunt, l’exposition prouve aussi que le rôle du réseau est décisif dans le parcours d’un artiste.

BELLINI, FILS D’ARTISTE

Giovanni Bellini naît dans une famille vénitienne de peintres. Le père, Jacopo, et le frère, Gentile Bellini sont peintres de formation et le jeune Giovanni Bellini imite leurs techniques. Alors que les relations filiales sont disputées faute de documents administratifs, il est certain que son initiation à la peintre a comme point de départ le foyer familial. Jeune, Bellini n’est pas encore un peintre renommé; il poursuit son apprentissage auprès de son beau-frère, le peintre Andrea Mantegna (v. 1431-1506). Bellini le suit Mantegna jusqu’à Padoue. Sous son influence, le jeune artiste affine ses techniques, notamment son travail de la perspective, grande avancée artistique de l’époque, et entre en contact avec l’œuvre de Donatello (1386-1466) qui lui sera une source d’inspiration. Le réseau de Mantegna joue donc un rôle décisif dans le perfectionnement artistique de Bellini.

Cependant, les connaissances familiales ont leurs limites. Bellini œuvre pour se créer un parcours à lui et enfin, il se spécialise dans la production de Madones, des représentations de la Vierge Marie, pour des commanditaires privés. Il se démarque alors par son utilisation de la lumière qui semble émaner de la couleur du tissu.

“Bellini se démarque par son utilisation de la lumière qui semble émaner de la couleur du tissu.”

Vierge à l’Enfant en trône, vers 1510-1515.

BELLINI, MAÎTRE D’INFLUENCES

Pour Bellini et ses confrères, il n’est pas question d’innover en matière de sujets picturaux. Le profane n’a pas sa place. L’essentiel de l’objectif de la peinture était de susciter la foi des fidèles par des représentations de tableaux bibliques : la vie de Jésus et des Saints par exemple. Alors que le choix de sujet est limité, Bellini ne se limite pas à son style confirmé de peintre de Madones. Il tourne le regard vers le Nord, plus sujet à la représentation de scènes du quotidien : lorsqu’il voit des panneaux de Jan Van Eyck (1390-1441) réalisés avec de la peinture à l’huile, il se met lui aussi au défi.

Bellini transmet à son tour cette technique à ses disciples :  Antonello de Messine, peintre sicilien, mais aussi les peintres Giorgione et Titien. Les tableaux retenus pour l’exposition illustrent bien ces réseaux de confluences. Il faut dire qu’il y a eu de la concurrence Lorsque Bellini reprend la relève de son frère Gentile pour la peinture du palais des Doges, Titien essaie de convaincre son entourage qu’il devrait remplacer Bellini, devenu trop vieux et trop lent ! Une grande partie du travail de Bellini au palais des Doges se consumera dans un incendie. Il faudra attendre Le Tintoret (v.1518-1594) qui y fera son œuvre monumentale Le Paradis . L’histoire nous le démontre bien : la carrière artistique repose sur le réseau et les opportunités.

Christ mort soutenu par deux anges, vers 1470.

Au-delà de l’apprentissage et de la compétition, se créent aussi des liens. Une amitié nouée, par exemple, entre Bellini et l’artiste et théoricien Albrecht Dürer par le biais d’un respect pour leurs travaux mutuels. L’admiration et l’hommage ont aussi leur place comme sources d’inspirations pour un artiste.

A la Renaissance, période de grande émulsion culturelle et scientifique, la notion d’influence est donc primordiale. Elle crée une continuité entre les maîtres et instaure l’importance de la signature, l’autorité d’un artiste sur telle ou telle tableau. Au Moyen-Âge, l’artiste se positionne en serviteur de la religion. Il était souvent anonyme. Avec la transmission des connaissances, il est nécessaire de mettre des noms sur des techniques. La figure de Giovanni Bellini en est un exemple. Cette exposition établit la manière dont les artistes tracent leur parcours : une phase d’imitation avant de se lancer dans l’innovation, pour ainsi se faire une place et contribuer, à leur tour, à la recherche artistique.

La Perle

Exposition “Giovanni Bellini, influences croisées”
Du 3 mars au 17 juillet 2023
Musée Jacquemart-André
158 Bd Haussmann 75008 Paris
www.musee-jacquemart-andre.com
Instagram : @jacquemartandre