Danser pour faire vivre le musée

Comment attirer les visiteurs vers les collections permanentes ? L’éternel défi des musées. Fin mai, le musée d’art moderne de Paris a collaboré avec une troupe de danseurs, invités à danser parmi les œuvres.

Il nous faudra beaucoup d’amour est conçu comme une traversée de la collection permanente du musée qui plonge le spectateur dans une expérience d’écoute à la fois sensible et intime. Crédit photo : Alexandra Beraldin.

​​Le temps d’un week-end exceptionnel, la chorégraphe Nadia Vadori-Gauthier a composé, pour le Musée d’Art moderne de Paris, une chorégraphie pour trois danseurs qui lie corps, peinture et sculpture. Imaginé comme un acte écologique et poétique, Il nous faudra beaucoup d’amour est conçu comme une traversée de la collection permanente du musée qui plonge le spectateur dans une expérience d’écoute à la fois sensible et intime

FAIRE VIVRE LES COLLECTIONS

Faire vivre les collections permanentes, une question essentielle à tout musée qui souhaite valoriser ses œuvres et renouveler l’intérêt qui leur est porté. Ainsi, nous découvrons dans la programmation saisonnière des musées des activités pour enfants, des ateliers, des visites guidées, des dispositifs numériques et bien d’autres stratégies de médiation qui stimulent un engouement pour l’art et font vivre les lieux au-delà des grands rendez-vous d’expositions temporaires.

Dans le cadre de ce rendez-vous, la joie de la danse prend libre cours au sein de l’espace immense et vaste du Musée d’art moderne (MAM). Ce dialogue entre tableaux et danse donne lieu à une poétique inédite qui peint le corps par la danse. Les performeurs, face aux œuvres, emploient une gestuelle surprenante qui fait surgir les couleurs et les textures des tableaux. Les figures et les traits de pinceaux semblent danser, eux aussi. 

“CE DIALOGUE ENTRE TABLEAUX ET DANSE DONNE LIEU À UNE POÉTIQUE INÉDITE QUI PEINT LE CORPS PAR LA DANSE.“

Six janvier Zao Wou-Ki, 1968. Crédit photo : Alexandra Beraldin.

GARE AUX CHEFS-D’OEUVRE !

Les danseurs développent ainsi une gestuelle qui entrent en dialogue avec les œuvres. Ils font appel à leurs sentiments via une danse de l’instant qui navigue soigneusement parmi les œuvres. Comme si elles étaient des éléments du paysage. Selon la chorégraphe, Nadia Vadori-Gauthier, la capacité des danseurs d’exprimer l’expérience de la toile par la danse, stimule, ainsi, une nouvelle rencontre avec l’art.

Loin d’être une chorégraphie vaporeuse, cette poésie du corps est donc fermement ancrée dans le moment présent, et ce, grâce au risque permanent de toucher les peintures et sculptures. Gare aux précieux chefs-d’œuvre ! La rapidité et l’illusion de spontanéité des danseurs nous font des frayeurs. Les déplacements du public sont, eux aussi, dictés par le parcours intuitif, rythmé par la musique. On manque de frôler les œuvres. Un équilibre précaire entre volonté de suivre la performance et nécessité de surveiller de près ses propres gestes. 

« LE MONDE EST REMPLI DE RÉSONANCES » 

Rien d’évident à penser la danse comme une façon approfondie d’apprécier et de contextualiser les œuvres. Lors de la performance, nous ne prenons pas le temps de jeter un œil aux détails des œuvres. Cependant, la juxtaposition de la danse et des œuvres propose un autre regard sur les collections. 

De prime abord, les objets d’art dans les musées apparaissent comme figés. Ils semblent immuables Mais l’intervention des danseurs propose un regard nouveau : plus mouvementé, résultat d’une relation au corps vivant et dansant. Un autre point de vue s’offre à nous : délaisser le besoin d’intellectualiser l’expérience de l’art au profit du ressenti personnel et sensible. Cette alternative à « l’après-midi au musée » inspire une envie de redécouvrir l’espace muséal et cède la place à une exploration intime et instantanée de notre rapport à l’objet. 

Cette performance établit ainsi une poétique des corps en résonance et crée non seulement un lien avec les œuvres, mais aussi avec les spectateurs qui suivent la trajectoire des danseurs.On pense alors au propos d’un artiste, Wassily Kandinsky, exposé entre ces murs : « Le monde est rempli de résonances. Il constitue un cosmos d’êtres exerçant une action spirituelle. » ( Regards sur le passé, 1912 – 1922 ). 

Il nous faudra beaucoup d’amour.
Devant Deux femmes espagnoles, de Natalia Gontcharova, 1930.

Crédit photos : Alexandra Beraldin.

La Perle

Du 21 et 22 mai 2022
Musée d’art moderne de la ville de Paris
11 avenue du Président Wilson 75116 Paris
Instagram : @museedartmodernedeparis
Pour retrouver Nadia Vadori-Gauthier : @oneminuteofdanceaday