Votre baguette vous coûtera trois coquillages et une plume ! L’exposition « Monnaies et merveilles », actuellement à la Monnaie de Paris, témoigne de l’immense diversité d’objets qui ont été utilisés par différentes civilisations comme monnaie d’échange. Supports rituels, ces artefacts peuvent aussi être investis d’une charge symbolique. Si l’on peut se prendre au jeu de s’imaginer payer ses achats du quotidien avec ces objets ou à admirer le travail des artisans qui les ont réalisés, l’exposition permet aussi de relativiser la valeur de notre monnaie actuelle. Une remise en perspective, enrichissante pour toutes et tous.
PAYER EN PIERRE, PLUME OU MÉTAL
Plumes, coquillages, armes et bijoux en fer, cuivre ou bronze, tissus brodés ou teints à l’indigo, coiffes ou habits de fête, pagnes en fibres végétales, ou encore perles de verre produites à Venise… Autant d’objets divers qui tracent le parcours de l’exposition. Tous ont été admis, souvent jusqu’à la période coloniale – du XVème au XIXème siècle – pour matérialiser des transactions dans certaines sociétés d’Europe, d’Afrique ou d’Asie. Par exemple, le cauri – coquillage aussi appelé « porcelaine-monnaie » – a constitué l’un des moyens de paiement les plus répandus en Asie et Afrique. Il a été l’un des acteurs majeurs de la traite d’esclaves en Atlantique. Quant aux impressionnantes monnaies de pierre – très gros blocs d’aragonite extraits dans l’archipel de Palaos, en Océanie – elles étaient utilisées dans les Îles Yap de Micronésie sous le nom de rai. Elles servaient de biens d’échange entre chefs yapais pour l’acquisition de produits agricoles, de terres, ou de canoës. Côté Afrique, ce sont surtout des objets en métal, souvent imposants, qui attirent l’attention. Bracelets, outils agricoles, couteaux et autres armes, servaient de mode de paiement pour des vivres, des chevaux, des étoffes ou encore des esclaves.
Nous n’avons pas de mal à imaginer la valeur de certains de ces objets tant ils sont esthétiques ou témoins d’un savoir-faire hors du commun. C’est par exemple le cas du tevau – ou teau –, grand rouleau piqué de 60 000 plumes rouges de l’oiseau myzomela cardinalis, faisant office de monnaie dans les Îles Santa Cruz, dans le Pacifique. Plus que de simples monnaies d’échanges, ce sont des œuvres d’art.
“EN AFRIQUE, CE SONT SOUVENT DES OUTILS OU DES ARMES QUI SERVAIENT DE MODE DE PAIEMENT POUR DES VIVRES, DES CHEVAUX, DES ÉTOFFES OU DES ESCLAVES.”
Photo : Pièces en métal datant du XIXème XXème siècle, Afrique. Crédit photo : Alexandra Foucher.
LA VALEUR DE L’ARGENT
Les objets présentés pouvaient également être thésaurisés pour témoigner du prestige et de la richesse de leurs propriétaires, mais aussi servir pour célébrer des alliances, ou comme offrandes. Une aura sacrée leur était parfois attribuée. Ce sont en partie les croyances auxquelles ils faisaient écho, qui confèrent leur valeur à ces artefacts. N’oublions pas qu’encore aujourd’hui, une valeur mystérieuse peut être affectée aux monnaies : qui n’a jamais jeté une pièce dans une fontaine ou un puits en faisant un vœu ?
Reste que nos monnaies actuelles sont presque toujours dénuées de ce sens spirituel. On peut alors s’interroger sur la véritable valeur de nos devises. Pourquoi est-ce qu’une baguette vaut un euros, pièce sans grande valeur du point de vue du métal ou de l’artisanat, plutôt qu’un masque en bois sculpté ou un collier de plumes ? Que vaut le bitcoin, crypto monnaie numérique totalement impalpable ? L’exposition propose une mise en perspective de nos manières de payer et d’octroyer de la valeur.
« Monnaies et merveilles »permet une belle immersion dans l’histoire culturelle des civilisations qui engage à un questionnement sur notre mode de vie actuel.Adaptée à tous les âges, cette exposition porte enfin un éclairage sur les collections permanentes de la Monnaie de Paris : après avoir interrogé nos modes de transactions, celles-ci s’attachent à l’histoire des monnaies, leur conception et matériaux. Reste à estimer le prix d’une telle visite…