Exit les photos de vacances clichées avec les plages de sable blanc ou encore la mer turquoise. Aujourd’hui, c’est au Japon que la galerie Le Bleu du Ciel nous emmène ! Cette galerie lyonnaise nous offre des expositions photographiques contemporaines à visée documentaire. Ici, on ne fait donc pas qu’en prendre plein la vue puisque les problématiques exposées par les artistes nous poussent à nous questionner sur le monde qui nous entoure. L’exposition « Two Mountains » proposée par Julien Guinand en est la preuve.
L’ESTHÉTIQUE D’UNE CATASTROPHE
Julien Guinand est photographe lyonnais, diplômé de l’École Nationale Supérieure de la Photographie d’Arles. Il travaille majoritairement sur de grands espaces extérieurs avec comme thème de prédilection la catastrophe et l’effondrement. Il a voyagé au Japon de 2015 à 2018, années durant lesquelles il va effectuer un travail photographique documentaire important. Il s’ est notamment intéressé aux montagnes de Kumano et d’Ashio, aux catastrophes qui s’y produisent et aux conséquences sur la planète ainsi que sur la population locale. Kumano est une région située au sud de Kyoto où la culture forestière intensive a causé d’importants glissements de terrain. Plus au nord, Ashio est l’une des mines de cuivre les plus exploitées au monde. Elle est à l’origine de la première pollution de grande ampleur et constitue l’une des premières crises écologiques et sociales au Japon. Toutes les photographies qui nous sont exposées, sont l’expression d’un processus mortifère causé par l’homme. Elles ne se résument pas, ici, à un procédé pictural, à une œuvre d’art ; l’artiste se place en tant que témoin du lieu, de l’instant et de la société. Les tirages sont accompagnés d’extraits de textes, dénonçant des catastrophes dont nous entendons peu parler. Nous avons aussi la surprise de voir la mise en valeur de ses photos à travers des calligrammes bien représentatifs de ses photos : à travers la couleur choisie, le texte et la forme, reprennent exactement la même structure, la même chute que sur ses photos.
“LES PHOTOGRAPHIES SE FONT L’EXPRESSION D’UN PROCESSUS MORTIFÈRE CAUSÉ PAR L’HOMME.
L’ARTISTE EN EST LE TÉMOIN.”Ouvrage sabo à Nosegawa _ préfecture de Nara, péninsule de Kii, 2017. Crédit photo : Alexia Duchange.
L’EMPREINTE DE L’HOMME
Pendant trois ans, Guinand prépare cette exposition seule. Un mois et demi avant l’ouverture au public, sur le coup du hasard, il découvre les travaux de l’artiste plasticienne Rachel Poignant. C’est à l’étage que nous retrouvons son travail, loin des photographies grands formats de Guinand… et ça fait tilt ! On comprend rapidement la collaboration des deux âmes sœurs artistiques ! Le travail de Poignant matérialise les photographies de Guinand. Nous retrouvons tout ce qui, contraire à la nature, marque l’empreinte de l’homme ; les nuances de gris, les structures de béton, les formes, les négatifs qui rappellent la photographie. Le travail de l’artiste plasticienne correspond exactement à l’essence de ce que souhaite nous montrer le photographe. Elle s’associe à l’idée de la structure, rappelant la chaîne de production, au point de ne pas nommer ses œuvres ; ce qui les rend d’autant plus ternes, d’autant plus « grises ».
Victime de son succès, cette collaboration revient prochainement au musée de Chambéry ! Cette exposition est accompagnée du livre éponyme « Two Mountains », un double récit construit à partir des photographies de Guinand, mais aussi de textes et de photographies qu’il rapporte de son long séjour. Dans son livre, figure aussi une discussion entre Jean-François Chevrier, historien de l’art, Hidetaka Ishida, philosophe, et Jean-Christophe Valmalette, physicien.