Le collectif Hey Mummy Project investit le 59 Rivoli

Y-a-t-il un héritage féminin ? Une sororité ? Du corps à l’esprit, c’est la question que s’est posé le collectif « Hey Mummy Project » .

C’est en organisant des expositions transdisciplinaires dans des espaces tels que le 59 Rivoli que le collectif ambitionne de questionner le public sur les enjeux qui sont au cœur de leur projet de groupe. Crédit photo : Liens, installation vidéo de Victoria Donnet.

Le collectif « Hey Mummy Project » s’est emparé du 59 Rivoli : maternité, sororité, héritage intergénérationnelle, une dizaine d’artistes entre 20 et 70 ans, aux origines multiples et aux pratiques pluridisciplinaires ont proposé de porter le regard sur leurs corps, leurs rites, leurs traditions. 

Collectif d’artistes femmes et de curatrices organisé autour de cycles d’expositions, de conférences et de rencontres, le projet occupe des lieux artistiques dans le cadre de leurs expositions, avec pour volonté de créer des espaces de résilience. « Hey Mummy Project » porte au cœur de son identité la question de la sororité et des héritages féminins. C’est en organisant des expositions transdisciplinaires dans des espaces tels que le 59 Rivoli que le collectif ambitionne de questionner le public sur les enjeux qui sont au cœur de leur projet de groupe.

Y-A-T-IL UN HÉRITAGE FÉMININ ?

« C’est l’histoire d’une famille où l’on coupe le rôti aux deux bouts avant de le faire cuire. Quand on demande à la mère pourquoi elle procède ainsi, elle répond : “Parce que ma mère faisait de même. En fait, c’est la grand-mère qui avait commencé car… elle avait un plat trop petit pour contenir le rôti”. » Ainsi s’ouvre l’exposition : une réplique du psychiatre Eric Berne, qui dans les années 1950, évoquait, comme son confrère, Pierre Bourdieu, l’existence d’un habitus : chacun de nous est l’héritier de petites manières de faire, que vous ne vous expliquez pas et que vous ne parvenez pas à expliquer aux autres : « c’est comme ça », dit-on souvent. C’est aussi ce qu’on appelle la coutume, cette manière d’agir, établie par un usage au sein d’un groupe social. En somme, la coutume c’est l’habitude et les artistes tels que Sara Basta et Victoria Donnet la cultive, tout en l’interrogeant à travers leur pratique artistique, afin de montrer la puissance du corps féminin et le lien qui unit ces corps au sein du groupe.

“LE COLLECTIF “HEY MUMMY PROJECT” TENTE PEUT-ÊTRE DE DIRE QUE LES CORPS, CEUX DES FEMMES, SONT LE LIEU MÊME DE LA MÉMOIRE DE L’HOMME”

Photo : Liens, installation vidéo de Victoria Donnet.
Crédit photo : Jade Saber.

L’exposition aborde également la question de la maternité, comme une manière d’interroger et de percevoir le corps féminin. La maternité est le premier jalon nécessaire à toute transmission possible. Elle est le lieu d’un commencement. L’œuvre de Pamela Maddaleno est, à ce titre, particulièrement intéressante. A travers ces photographies argentiques et notamment la série « Multiples » , l’artiste livre une véritable poétique de l’intime, en partageant un moment de vie unique et privée comme celui de l’allaitement.

MÉMOIRE, TRANSMISSION ET RITES DE PASSAGE

Dans son film, Éloge de l’Amour, le réalisateur Jean-Luc Godard pose cette question : « Quand est-ce que le regard a basculé ? » Il montre que quelque chose de fondamental a changé dans la manière par laquelle l’humain voit le monde, ou plutôt échoue à le voir. Cet échec vient, en partie, d’une relation détériorée au passé et à la mémoire. En proposant une méditation sur la mémoire, la résistance et la responsabilité intergénérationnelle, le collectif « Hey Mummy Project » tente, peut-être, de dire que les corps, ceux des femmes, sont le lieu même de la mémoire de l’homme, en espérant, un jour, que le regard de la société bascule sur ces corps, trop objectivés, trop peu considérés par l’Histoire. La question n’est donc, peut-être pas « Quand est-ce que le regard a basculé ? » mais sans doute : quand est-ce que le regard basculera ?

A travers ces photographies argentiques et notamment la série Multiples , l’artiste Pamela Maddaleno livre une véritable poétique de l’intime, en partageant un moment de vie unique et privée comme celui de l’allaitement. Photo : Série « Multiples », photographie argentique, Pamela Maddaleno. Crédit photo : Jade Saber.

La Perle

“ Hey Mummy”
31 mai au 5 juin 2022
59 Rivoli
59 rue de Rivoli 75001 Paris
Commissaires d’exposition : Caroline Bravo et Sandrine Follère