Les grandes portes noires de l’Atelier des Lumières : première invitation à la curiosité. Une fois entré, le visiteur est plongé dans une pièce sombre, antichambre de la parenthèse poétique qui l’attend.
Levée de rideau. La lumière peint progressivement les œuvres de Salvador Dalí (1904 – 1989). L’exposition « Dalí, l’énigme sans fin » en cours est une création numérique de Gianfranco Iannuzzi, metteur en scène d’expositions immersives. La projection nous plonge dans les 60 années créatrices du peintre moustachu, et réveille notre inconscient. Ensuite, place à une visite de l’Espagne d’Antoni Gaudí (1852 – 1926). La projection « Gaudí, architecte de l’imaginaire », réalisée par Cutback, studio de création vidéo, transporte dans un nouvel imaginaire. Le spectateur plonge dans une exposition en sons et lumières d’une quarantaine de minutes.
DALÍ : DE LA PEINTURE À LA SCÈNE
Dalí c’est le surréalisme, les silhouettes étirées, les montres fondues, et la symbolique puissante. Sa volonté ? Représenter l’invisible, laisser libre cours à son subconscient, et réveiller celui du spectateur. Plus que le résultat étrange d’une personnalité loufoque, l’œuvre de Dalí est un mystère qui appelle à la réflexion profonde sur soi.
Dalí avait aussi une passion pour la mise en scène. À partir de 1930, il a d’ailleurs participé à la réalisation de costumes et décors de théâtre ou d’opéra. Il a aussi écrit des scénarios de films, en collaborant avec Alfred Hitchcock sur La Maison du docteur Edwardes (1945), et avec Walt Disney l’année suivante sur Destino. Le dessin-animé ne verra le jour qu’en 2003, bien après la mort du peintre.
L’Atelier des Lumières devient aujourd’hui une nouvelle scène pour l’artiste. Photographies, films et images d’archives rappellent cette personnalité atypique, et permettent un tour d’horizon complet de ses créations.
“L’Atelier des Lumières devient aujourd’hui la nouvelle scène de Salvador Dalí.”
Salvador Dalí. Crédit photo : Alexandra Foucher.
LE TALENT D’UN GÉNIE ÉCLAIRÉ
La projection revient sur les différentes périodes créatrices de Dalí, de ses débuts impressionnistes et cubistes, à ses œuvres aux thématiques religieuses, en passant par sa période surréaliste et ses bijoux. L’univers de Dalí est riche de plusieurs niveaux de lecture, et l’exposition permet de lui en donner de nouveaux, sur fond de la musique de Pink Floyd. Le choix du groupe britannique tourné vers l’expérimentation et le spectacle total, semble aussi naturel que surprenant.
De La Persistance de la Mémoire à La tentation de Saint Antoine, la projection sur des murs de dix mètres de hauteur laisse apparaître les détails des coups de pinceau : les œuvres comme on ne les a jamais vues. Les éléphants longilignes se déplacent dans le désert, comme s’ils avaient toujours attendu ça. Les connaisseurs de Dalí apprécieront de le redécouvrir sous un autre angle, et les non-initiés se laisseront submerger par la beauté des œuvres. Cette parenthèse artistique et technologique laisse un sentiment particulier : entre sérénité et excitation. génie ou illuminé, saurez-vous choisir ?
Seul regret : avec le grand nombre d’œuvres de Dalí et l’étrangeté de ses personnages, il y avait matière à plus de mise en scène, plus d’extravagance, plus de spectacle. La projection laisse l’impression qu’il aurait été possible d’aller plus loin. Les deux précédentes expositions présentées à l’Atelier – celles de Gustav Klimt ou de Vincent Van Gogh – avaient plus exploité le potentiel esthétique du spectacle.
GAUDÍ : POUR UN DIALOGUE DES FORMES
Le programme se poursuit avec la projection « Gaudí, architecte de l’imaginaire ». Le spectateur redécouvre les immeubles iconiques d’Antoni Gaudí, aujourd’hui classés au Patrimoine Mondial de l’Unesco.
Gaudí concevait ses immeubles dans les moindres détails, de la structure aux décors, avec un mélange de techniques artisanales qu’il maîtrisait toutes avec brio : céramique, ferronnerie, verrerie, sculpture… Son style sinueux, floral et coloré en fait une icône de l’architecture et de l’Art Nouveau. De la Casa Batlló à la célèbre Sagrada Família, dont les travaux durent encore aujourd’hui (138 ans après la pose de la première pierre), Gaudí a, lui aussi, laissé une œuvre mystérieuse et inspirante.
Les murs de l’Atelier adoptent les formes des piliers obliques, façades ondulées, et moulures. La mise en scène permet de porter son attention sur des détails qui passent souvent inaperçus dans la ville. Sur une musique entraînante, le spectateur redécouvre toute la créativité de l’architecte, et peut mettre en perspective son travail avec celui de Dalí. Seul regret :là-encore, on reste sur sa faim. Plus de détails auraient été appréciés : que les salamandres du Parc Güell prennent vie !
LA TECHNOLOGIE AU SERVICE D’UN ART NOUVEAU
Cette exposition est la transposition réussie d’un univers culturel dans un autre, plus accessible et ludique. Le contraste entre un musée classique et l’Atelier des Lumières est efficace. L’exposition donne une place importante aux émotions du visiteur, exacerbées parl’ambiance sombre, les mouvements des œuvres et la musique. On sort de l’expérience avec, en mémoire, autant de sensations que d’images. Un bel hommage aux deux artistes, dont les œuvres sont revisitées avec respect et innovation. A noter que la projection sur Dalí débute d’ailleurs par un portrait du peintre sortant d’un œuf : renaissance vous dites ?