Love Brings Love : au bout du catwalk, le musée

Le Palais Galliera consacre l’œuvre d’Alber Elbaz, disparu au printemps dernier. L’exposition “Love Brings Love” reconstitue le défilé de la première collection de sa marque “AZ Factory” tout en donnant à voir les créations de designers inspirés par son travail. Le créateur entre dans l’Histoire.

Le temps de l’exposition « Love Brings Love », le Palais Galliera s’est attelé à reconstituer le premier défilé d’Alber Elbaz pour rendre hommage à l’artiste, décédé au printemps dernier.
Crédit photo : Alexandra Beraldin.

Il est parti sans jamais avoir pu voler de ses propres ailes. Décédé le 24 avril 2021, le créateur Alber Elbaz venait de lancer sa propre marque de vêtements : « AZ Factory ». Celui qui a passé quatorze années à la direction artistique de la Maison Lanvin inaugurait tout juste le défilé de sa première collection, à l’occasion de la Fashion Week parisienne, en janvier 2021. Le temps de l’exposition « Love Brings Love », le Palais Galliera s’est attelé à le reconstituer pour rendre hommage à l’artiste. 

Le défilé érigé dans le musée, réunit également les créations de 46 designers selon l’ordre de passage du défilé. Les éclairages et la musique de l’événement restent les plus fidèles possible aux intentions d’origine. Le résultat : une immersion saisissante dans l’univers de la haute couture. 

PORTRAIT D’UN CRÉATEUR VISIONNAIRE

Le travail d’Alber Elbaz se caractérise par ses jeux de silhouettes et de couleurs. Exposition hommage, « Love brings Love » livre un aperçu de son génie, dont son passage décisif par la maison Lanvin qu’il a réinventé. À la tête de la maison de 2001 à 2015, Elbaz a imaginé une silhouette drapée de couleurs unies et vives, réalisant des campagnes publicitaires marquantes

L’exposition présente notamment une des robes les plus emblématiques de son parcours chez Lanvin : une pièce de collection reconnue par sa couleur franche et son tissu qui souffle comme une voile de bateau. Le matériel délicat ondule au moindre souffle. La robe est symbole de joie et d’élégance. La rétrospective du créateur s’achève et laisse place aux créations pensées en son honneur.

“LA ROBE DE GUO PEI, EST SORTIE D’UN CONTE DE FÉE : DE TULLE PAILLETÉE AVEC SES PÉTALES BRODÉS ET LE CORSAGE DE TIGES MÉTALLIQUES ÉVOQUENT UN JARDIN ENCHANTÉ, MYSTÉRIEUX, DANGEREUX.”

Crédit photo : Alexandra Beraldin.

DU DÉFILÉ À L’EXPO : UNE EXPÉRIENCE DYNAMIQUE 

Ce format, inédit, souligne l’importance de la scénographie dans la constitution d’une exposition : la lumière, les couleurs et la disposition des costumes créent une atmosphère de fête. La playlist, composée de morceaux éclectiques, et le grand écran, projetant le défilé, participent aussi à l’expérience immersive. Scindé en allées, l’espace offre au visiteur la possibilité d’apprécier ces dizaines de créations de très près : Alessandro Michele, Guo Pei, Glenn Martens, Sarah Burton, et tant d’autres noms de la création contemporaine. Couleurs, robes à longues traines, tissus amples et enveloppants, les tenues épousent le mouvement du corps, entre impression de légèreté et silhouettes exagérées.

Cette proximité du détail donne l’impression très privilégiée d’être assis au premier rang du défilé. Riches et surprenantes, les robes sont différentes les unes des autres. Celle de Guo Pei, sortie d’un conte de fée : une robe de tulle pailletée avec ses pétales brodés et le corsage de tiges métalliques évoquent un jardin enchanté, mystérieux, dangereux. Celle de Glenn Martens, créateur chez Y/Project, présente une robe de cocktail rose bonbon un peu cliché, tendance rétro. Les formes du corps sont exagérées grâce au tissu volumineux, lui-même modelé par les tiges souples internes. Et l’accessoire qui tue : des boucles d’oreilles démesurées à l’esprit ludique et enfantin. 

A chaque création, Le Palais Galliera a associé un texte explicatif qui relie le travail des designers exposés à celui d’Alber Elbaz. On quitte l’immersion du défilé pour retrouver l’exposition hommage de celui qui a touché de nombreux professionnels du milieu. 

Une robe d’Alber Elbaz pour Gérard Lanvin.
Une tenue de Glenn Martens.

Crédit photos : Alexandra Beraldin.

UN ENTRE-DEUX DIFFICILE À APPRIVOISER 

La formule de l’exposition pensée en tant que défilé témoigne, néanmoins, de la difficulté d’être intégralement fidèle au défilé d’origine. Les explications et biographies sont nécessaires, mais elles freinent l’illusion et le tonus d’une impressionnante scénographie. C’est là toute la difficulté : comment repenser les codes de l’exposition pour mieux les adapter à une atmosphère festive et dynamique ? 

Si l’authenticité du défilé peine donc à s’imposer, l’exposition mise toutefois sur un format qui rend accessible la rencontre du grand public avec la haute couture. Elle reste, par ailleurs, une expérience touchante où les mots des créateurs résonnent : remerciements, dédicaces ou anecdotes, la vision d’Elbaz de faire de la mode un milieu qui soit « innovant, intelligent et bienveillant » a finalement vu le jour, en dépit de son absence. Son mantra « love brings love » ( « l’amour appelle l’amour » ) fait de l’Amour – et de l’amour de créer – un héritage à accueillir à bras ouverts. 

La Perle

Exposition “ Love Brings Love”
Du 5 mars au 10 juillet 2022
Palais Galliera
10 Avenue Pierre 1er de Serbie 75116 Paris
Commissariat général : Alexandre Samson assistée de Juliette Chaussat
Instagram : @palais_galliera