LES IMAGINAIRES LATINOS AU 6B
Au Centre de création 6B, en Seine-Saint-Denis, l’exposition « En Otro Poder » lève le poing d’un collectif d’artistes et fait entendre les luttes sud-américaines.
Longeant les quais de Seine – Saint Denis -, le 6B, recèle en son sein une création bouillonnante. Si la crise sanitaire n’est pas sans faire de lui un centre culturel fantôme, elle permet au collectif « SUR : IMAGINAIRES » de venir hanter le première étage d’une exposition coup de poing.
Comme un seul homme – engagé -, « En Otro Poder » confronte le système dominant / dominé dont l’Amérique du Sud a, selon eux, trop longtemps fait les frais. Tel un puissant pas de côté, quinze artistes en appellent à la création pour reconstruire les codes du pouvoir. À bas le bon vieux discours politique, l’exploitation, les intérêts économiques. Au 6B, celui qui parle le plus fort n’a pas toujours raison. Celui qui crée en revanche, attire mieux l’attention.
Ludique jusqu’à l’os, « En Otro Poder » se vit comme une redécouverte. Mettez-vous à l’aise : entre les chaises longues et le hamac, plusieurs œuvres se talonnent. « Come closer », clignote l’une d’entre elles. Et à raison : comme au cinéma, entre les films d’Andres Brisson et d’Isabelle Aurora, vous pouvez, au sortir de la séance, caresser le manteau colorée d’Alice Monteiro ou jouer aux cartes d’Edgar O’Novissimo. Maligne, l’exposition sollicite le jeu et les sens pour faire valoir les causes sociales, politiques, écologiques. On ne vous l’a pas dit ? L’art est le meilleur des arguments.
D’autant que les artistes ne sont pas dupes. Non sans ironie, ils savent qu’avant de rallier le visiteur français à leurs messages, ils doivent avant tout se défaire des préjugés. Agata Sierra moque l’image exotique de l’esprit latino en constituant un autoportrait aux fruits, couleurs et collages. Quant à Natalia Baudoin, c’est un coup de pied bien placé qu’elle inflige à l’American Dream : entre les banlieues résidentielles bien léchées et l’image pixélisée des migrants sud-américains, deux pays affrontent leurs propres clichés. De quoi redorer une Seine-Saint-Denis qu’on dit à la traîne sur la culture du Grand Paris.
DAVID OTERO TORRES CROQUE LES LUTTES POPULAIRES
Retour en intra-muros. Direction Drawing Lab, centre d’art contemporain dédié au dessin. Non loin du Louvre, ce lieu de magie opère la Résistance artistique laquelle embarque, dans sa lutte, David Otero Torres.
Artiste colombien basé à Paris, Otero Torres balise sa « Tierradentro – terre de l’intérieur » de sculptures fédératrices : d’une œuvre six bras, ses déesses au coup de crayon photographique superposent les corps de manifestantes anonymes. Monumentales, elles siègent dans la pièce tel le Panthéon des luttes populaires. Chiliennes, algériennes, mexicaines, qu’importe les visages et les causes, le poing est levé.
Mais ce n’est pas que les luttes qui rassemblent. Au sous-sol du centre Drawing Lab, l’artiste joue de son « Tierradentro » – nom tiré d’un site archéologique funéraire pré-colombien – pour déterrer les mythes communs à plusieurs civilisations pourtant séparées de plusieurs milliers d’années et de kilomètres. Mystère non élucidé dont Otero Torres se joue éhontément : sculptant vases et bas-reliefs à la manière des cultures ancestrales, l’artiste laisse à son tour, myriades d’histoires et d’indices mêlant les mythologies. Pré-hindous, pré-colombiennes, pré-égyptiennes, qu’importe les lieux et les époques, toutes les histoires savent nous bercer.
Reste à choisir à présent, entre Paris et Seine Saint-Denis. L’un ou l’autre, profitez-en : deux expositions et peut-être la seule occasion d’atterrir hors de nos frontières… par voie de métro ou de RER.
Perla Msika
La Perle
Exposition « En Otro Poder »
Du 6 au 20 mars 2021
Le 6B
6-10 quai de Seine 93200 Saint DenisUne exposition montée par le collectif SUR : IMAGINAIRES
en collaboration avec les artistes exposants