Après quatre ans de travaux et un an après sa réouverture partielle pour les Jeux Olympiques de Paris, le Grand Palais reprend cet été sa programmation d’expositions. Un agenda qui coïncide avec la saison Brésil-France 2025 et offre à la scène sud-américaine une chambre d’écho monumentale. Sélection des rendez-vous à ne pas manquer.
Portée par l’Institut français et ses partenaires brésiliens, la saison Brésil-France 2025 célèbre tout au long de l’année les liens historiques entre les deux pays. À travers une programmation variée d’expositions et d’événements (parades, concerts, rencontres, etc.) elle entend mettre en lumière le dynamisme de la scène artistique du pays invité. L’occasion pour le public français de se familiariser avec les grands noms qui font l’histoire de l’art brésilien, ou de découvrir la jeune génération prometteuse.
Entre ode à la sensualité et portrait d’une société en proie aux crises environnementales et identitaires, toutes ces expositions soulignent l’attachement des artistes à leur culture et à leurs traditions. À leur envie, surtout, de panser le présent pour mieux penser l’avenir.
Au Grand Palais, l’art immersif d’Ernesto Neto
Parmi les rendez-vous à ne pas manquer, les deux expositions qu’accueille le Grand Palais pour sa réouverture au public fait dialoguer le travail d’une des figures majeures de l’art contemporain brésilien avec une sélection de quatre jeunes peintres issus de la génération 1980-90.
Dans la nef nord, le visiteur est d’abord invité à arpenter une monumentale installation immersive de l’artiste Ernesto Neto (né en 1964). « Nosso Barco Tambor Terra » (trad : Notre Bateau Tambour Terre) se compose d’épices odorantes, d’écorces et d’instruments de musique suspendus à une vaste structure en tissus tressés, dans laquelle on pénètre après avoir retiré ses chaussures. Dans ce sous-bois féérique, à travers lequel filtre la lumière du jour, chacun peut jouer, danser, chanter, au rythme des percussions.
Cet environnement multisensoriel manifeste une relation particulière à l’art et à la nature, une philosophie de vie portée par l’émerveillement, la joie et les rencontres, caractéristique de l’œuvre de Neto.
« L’immersif, c’est la forêt, c’est la mer, la lumière du soleil, l’air, les odeurs les sons. Ce sont les autres et les rencontres. L’immersif, c’est la nature, c’est la vie ! » dit-il quand on l’interroge
Par sa forme de barque ou de planisphère étiré, « Nosso Barco Tambor Terra » rappelle l’impact de la navigation et de l’ouverture des voies maritimes sur le rapprochement des cultures. En unissant des percussions du monde entier, l’artiste évoque la possibilité d’une communication universelle, par le biais de la musique et de ses pulsations « semblables à ceux des cœurs qui battent » explique l’artiste.
La jeune peinture brésilienne
Déployée sur les balcons qui surplombent l’installation de Neto, l’exposition Horizontes réunit quatre jeunes peintres nés entre 1980 et 1992, pour un aperçu resserré mais riche de la jeune création contemporaine brésilienne.
Dans ce panorama, Marina Perez Simão (née en 1980) se distingue par un langage pictural abstrait et organique, dont les couleurs vibrantes, les enroulements de chevelures et les courbures sensuelles évoquent des paysages étranges et fantastiques.
Plus composites et plus riche en textures, les toiles de Vinicius Gerheim (né en 1992) semblent également traversées par de plus nombreuses influences. Histoire de l’art et souvenirs personnels se mêlent à des gestes abstraits, des silhouettes d’animaux et de plantes endogènes, des citations de la peinture moderne ou des emprunts à la culture de masse. Tout cela grouillant sur des formats de deux mètres par six !
Dans la même veine composite, les œuvres d’Agrade Camiz (née en 1988) s’inspirent de la vie quotidienne dans les favelas de Rio. Ses formats tout aussi immenses (près de deux mètres de haut par huit mètres de long) entremêlent motifs traditionnels et morceaux de corps féminin : rouge vif contre bleu nuit, tout cela dans des espaces intimes réduits à quelques formes abstraites, entre lesquelles s’ouvrent parfois de bien timides bandes d’horizon bleu.
Plus figuratif, mais non moins critique, Antonio Obá (né en 1983) réinterprète quant à lui certains mythes populaires (du Brésil, mais pas exclusivement) à l’aune des questions identitaires liées à son statut d’artiste noir. « Fata Morgana », « Stranger Fruits », les titres semblent avoir peu de rapport avec les jeunes enfants plongeants dans des piscines et les femmes en robe blanche auxquels ils se réfèrent. À sa manière, Obá interroge les contradictions culturelles du Brésil. Sa peinture, engagée, (re)met en scène l’histoire et la représentation du corps noir masculin, en convoquant très librement certaines figures politiques et religieuses majeures.
Tout comme Marina Perez Simão, Antonio Obá est représenté par la galerie Mendes Wood, particulièrement active dans la promotion des artistes brésiliens en France.
Ailleurs dans Paris
Le Grand Palais n’est pas le seul à se mettre à l’heure du Brésil. Jusqu’au 20 juillet, le Musée d’Orsay fait dialoguer certaines œuvres de sa collection avec le travail de Lucas Arruda (né en 1983). Ses paysages imaginaires, réduits à l’essentiel (le ciel, l’horizon, quelques nuages) ont en effet quelque chose à voir avec la touche atmosphérique des maîtres Impressionnistes. Comme eux, Arruda sait envoûter notre regard et capter l’imperceptible mouvement des humeurs.
Pour les plus amateurs de cette peinture métaphysique, notez que l’exposition parisienne se double d’une seconde présentation monographique au Carré d’Art de Nîmes, à découvrir tout l’été et jusqu’au 5 octobre.
Au Musée Picasso, c’est une figure quasi-historique qui s’invite jusqu’au 21 septembre. Anna Maria Maiolino (née en 1942), couronnée d’un Lion d’or pour l’ensemble de sa carrière lors de la Biennale de Venise en 2024, y rassemble une centaine d’œuvres, des dessins inédits, des sculptures, des peintures et des films.
À travers une approche radicale et une esthétique réduite à quelques gestes, quelques signes, quelques effets de matières, Maiolino conduit depuis près d’un demi-siècle une réflexion à la fois intime et critique sur la société, ainsi que sur sa propre pratique.
Née en Italie, naturalisée brésilienne à l’âge de 26 ans, ayant vécu à New York où elle découvre l’art minimal avant de retourner à São Paulo où elle vit aujourd’hui, Anna Maria Maiolino aborde souvent dans son travail les thèmes de la mémoire, du langage, de l’exil et de l’attachement.
Ailleurs en France
La saison consacrée au Brésil s’étend bien au-delà du périphérique. Parmi la grande variété des propositions, et outre l’exposition de Lucas Arruda à Nîmes, trois autres rendez-vous ont retenu notre attention.
Au Mont-Saint-Michel, dans le réfectoire de l’abbaye plus précisément, Cildo Meireles (né en 1948) présente jusqu’au 16 novembre son installation Marulho (La houle). Cette œuvre de 1991 reconstitue un paysage maritime à l’aide de fascicules illustrant la mer, posés au sol. Le tout s’accompagne d’une bande sonore autour du mot « eau », chuchoté par plusieurs voix en trente langues.
Cette pièce aujourd’hui dans la collection du Cnap (Centre National des Arts Plastiques), résonne particulièrement avec les enjeux écologiques, mais aussi politiques actuels. Elle illustre également, par sa simplicité et son économie de moyens, cette démarche analytique bien particulière qui caractérise la génération des artistes brésiliens des décennies 1970-1980, c’est-à-dire ayant développé leur pratique durant la dictature militaire.
À noter que du 3 au 14 juillet, une autre de ses œuvres, Cruzeiro do Sul (Croix du Sud), sera visible à Paris à l’Orangerie du Sénat. Conçue comme une relecture du minimalisme américain, cette sculpture en bois de chêne et de pin est considérée comme l’une des plus petites œuvres d’art au monde. À l’occasion de cet événement, un film inédit consacré à l’œuvre de Cildo Mereiles sera diffusé au public.
Direction ensuite le Poitou-Charentes, où le FRAC -Fonds Régional d’Art Contemporain d’Angoulême joue pleinement la carte de l’échange interculturel en conviant dans une même exposition six artistes français et six brésiliens.
Imaginée comme un dialogue entre le fleuve Charente et les rivières de São Paulo, « Eaux souterraines : récits en confluence » explore le thème de l’exploitation de l’eau par l’homme. À travers des récits plastiques aussi poétiques qu’engagés, les artistes rassemblés entendent nous alerter sur les problèmes de pénurie et nous sensibiliser à la relation que nous entretenons avec cette ressource vitale.
Enfin, cap au sud-est, vers le Musée de Grenoble qui présente jusqu’au 6 juillet la première exposition monographique en Europe consacrée à José Antônio da Silva (1909-1996). Riche d’une quarantaine d’œuvres, l’accrochage célèbre la joie et la vitalité de cet autodidacte, qui fut à la fois peintre, écrivain et chanteur.
Figure inclassable de l’art sud-américain, son œuvre démontre l’ouverture de la scène brésilienne et les liens tissés dès la première moitié du XXème siècle avec l’Europe (notamment avec les productions de l’Art Brut des années 1940 pour ce qui concerne José Antônio da Silva). Le Van Gogh Brésilien, ainsi qu’on le surnomme, clôt formidablement cette saison en nous rappelant l’ancienneté des relations et des échanges entre nos deux pays.
Thibault Bissirier
La Perle
« Ernesto Neto : Nosso Barco Tambor Terra »
« Horizontes : peintures brésiliennes »
Du 6 juin au 25 juillet 2025
Grand Palais, Paris
Accès gratuit
Lucas Arruda
« Qu’importe le paysage »
Du 8 avril au 20 juillet 2025
Musée d’Orsay, Paris
« Deserto-Modelo »
Du 30 avril au 5 octobre 2025
Carré d’Art – Musée d’art contemporain, Nîmes
Anna Maria Maiolino
« Je suis là. Estou aqui »
Du 14 juin au 21 septembre 2025
Musée Picasso, Paris
Cildo Meireles
« Marulho (la Houle) »
Du 26 juin au 16 novembre 2025
Abbaye du Mont-Saint-Michel
« Cruzeiro do Sul (Croix du Sud) »
Du 3 au 14 juillet 2025
Orangerie du Sénat, Paris
« Eaux souterraines : récits de confluence »
Du 23 mai au 28 septembre 2025
FRAC Poitou-Charentes, Angoulême
José Antônio da Silva
« Pintar o Brasil »
Du 12 avril au 6 juillet 2025
Musée de Grenoble
Retrouvez l’intégralité du programme de la saison Brésil-France 2025 sur le site officiel de la manifestation :