Le Musée de La Poste place le temps au centre de sa nouvelle exposition temporaire. En collaboration avec le physicien et philosophe des sciences Etienne Klein, « La fabrique du Temps » nous invite à un instant de réflexion entre art contemporain et objets de collection.

L’heure de la levée du courrier, les délais d’acheminement du courrier et des colis … “La Poste, par son rôle historique et ses évolutions, reste au cœur de nos relations au temps et à la manière dont nous l’organisons.” Céline Neveux est la commissaire de l’exposition « La fabrique du Temps », la nouvelle exposition du Musée de La Poste. Jusqu’au 03 novembre 2025, elle nous propose une plongée entre pièces historiques des collections et œuvres d’art contemporain.
Le parcours invite les visiteurs à appréhender le sujet sous deux facettes. Pile : on apprend comment notre relation au temps est intimement lié à l’institution postale. Face : on questionne notre compréhension de ce qu’est le temps. Le tout en mis en relief par les commentaires d’Etienne Klein, conseiller scientifique de l’exposition. De quoi reconsidérer son propre rapport aux horloges.
Un destin lié entre La Poste et le temps
En entrant dans l’exposition, le visiteur découvre tout de suite sur un document. 1839 : une circulaire imposant à toutes les communes le réglage hebdomadaire de ses horloges. Déposée à la demande de La Poste, elle devait permettre d’assurer une distribution du courrier largement entravée par des heures variables d’une commune à l’autre – chose étonnante pour nous qui bénéficions d’une heure sûre, en continu depuis notre téléphone.
Avec cette première démarche pour une unification des horloges sur le territoire, dès nos premiers pas, le parcours nous ramène à la source de ce lien indéfectible qui unit La Poste, les Français et le temps.
De la synchronisation de l’heure sur le territoire, à la livraison par drone, en passant par l’horloge parlante qu’on pouvait contacter par téléphone (jusqu’en 2022 !)… Tout au long du parcours, le visiteur voit comment l’accélération des échanges a eu un impact sur notre relation au temps.
Pour ce faire, le Musée de La Poste a pu mobiliser certaines de ses plus belles pièces comme cette Montre de malle-poste Bréguet datant du XIXème siècle. Nous rappelant que la mondialisation ne date pas d’hier, l’objet servait à chronométrer le voyage des malles-poste françaises du service de « La Malle des Indes » (1839-1939).
Rendre compte du temps qui passe
Le propos de l’exposition est nourri par une cinquantaine d’œuvres d’art contemporain d’exception, dont certaines sont présentées pour la première fois en France. C’est notamment le cas de la Black Watch, l’une des pièces les plus mémorables de la sélection.
Conçue par l’artiste québécois Patrick Bernatchez, en collaboration avec un horloger, il s’agit d’une montre d’apparence classique dont l’aiguille met mille ans pour réaliser un tour de cadran. “Cette œuvre est déroutante, deux temporalités semblent se rencontrer : l’instant présent et le temps à l’échelle géologique”, commente Céline Neveux.
La façon dont nous représentons l’écoulement du temps a quelque chose d’arbitraire”
Étienne Klein
Plus loin, on s’interroge sur la multiplicité des fuseaux horaires avec Perfect Present. Comme pour dire : “On vit tous dans le même temps, mais pas à la même heure”, cette œuvre poétique de l’artiste berlinoise Patricia Reed, nous montre une horloge industrielle commune, mais modifiée pour y afficher toutes les heures sur le même cadran.
On ne voit pas le temps qui passe, serait-on tenté de dire, en déambulant dans les allées de l’exposition. Mais ce n’est pas tout à fait le cas, puisque plusieurs œuvres présentées indiquent l’heure exacte, à toute heure du jour et de la nuit. Façon de rendre sensible l’écoulement inexorable des minutes, Standard Time, l’œuvre décalée de Mark Formanek montre une performance où pendant toute une journée, des ouvriers déplacent des planches de bois pour afficher l’heure en direct.
Face au vertige du temps qui passe
L’exposition présente le temps sous plusieurs sens et plusieurs facettes. “On parle de temps «libre», «long», «biologique», «psychologique»… Or, quoi qu’il se passe, rien n’affecte le temps physique : en toute rigueur, on ne devrait donc pas pouvoir lui attribuer d’autre qualificatif. Dans l’exposition, nous avons aussi voulu montrer que la façon dont nous représentons l’écoulement du temps a quelque chose d’arbitraire”, explique Etienne Klein au sujet de l’exposition. Le 9 octobre prochain, il animera au musée “Le Temps de la réflexion”, une table ronde sur la thématique.
Le dialogue initié dans l’exposition entre œuvres et collections historiques incite le visiteur à remettre ses interrogations sur le temps en lien avec le réel tel qu’il est vécu. Forcément, le fameux almanach de La Poste prend un tout autre sens pour un visiteur qui vient de passer devant le Chrono-Shredder IV de Susanna Hertrich (installation hybride entre un broyeur et un calendrier).
En présentant Time capsule : Open after WW III de Stephen Kaltenbach à la fin de la visite, l’exposition tourne le regard du spectateur vers le futur. Un temps, par définition incertain (puisque pas encore advenu), mais qui en plus nous apparaît ici comme menaçant. De quoi animer les réflexions… pour encore un certain temps.
Martin Ferron
La Perle
En partenariat avec le musée de la Poste