Une exposition interroge les dessous de ce tissu emblématique du continent africain. Entre origines souvent méconnues, couleurs vives, et revendications politiques, ses secrets bien gardés sont révélés au musée de l’Homme à l’occasion de sa saison dédiée aux “Migrations”
Le wax : ce textile très identifiable, qu’on croît connaître cache de nombreux secrets. Vous pensiez que ce tissu provenait d’Afrique ? Nous aussi, et pourtant. Plongée entre les lignes de cette odyssée tissée au musée de l’Homme dans une exposition transversale jusqu’au 07 septembre 2025.
Wax is it ?
Au départ de l’exposition, beaucoup de tissus colorés et une chronologie exhaustive de ce qu’était le wax. On peut voir des chutes de tissu brut, des objets de décoration, des couvertures de magazines ou encore une photo de la papesse de la mode Anna Wintour arborant un trench en wax. L’exposition s’inscrit dans la saison dédiée du musée de l’Homme : « Migrations ». Et pour Marie Merlin, commissaire d’exposition et muséographe, il était important, de “présenter aux visiteurs la richesse et la complexité de ce tissu, devenu aujourd’hui un véritable patrimoine”.
S’adresser au plus grand nombre, c’était le parti-pris de cette exposition réussie : “L’idée étant à la fois d’apporter une présentation à des gens qui ne connaissaient pas du tout le tissu. Mais aussi de ne pas décevoir ceux qui pouvaient le connaître et attendre quelque chose d’un peu plus approfondi”.
Son histoire débute au XIXème siècle, au carrefour de l’Europe, l’Asie et l’Afrique. On doit la première production de tissu à des entrepreneurs néerlandais, qui cherchaient à reproduire les traditionnels batiks indonésiens. Contre toute attente, c’est sur le continent africain que ce tissu connaîtra le plus grand succès, grâce à des soldats ghanéens engagés à Java (Indonésie) par les Hollandais.
À la fin du siècle, ces soldats emportent avec eux quelques-unes de ces imitations, qui, tout de suite, suscitent l’engouement dans leur région, avant de conquérir le continent. Les industriels européens y voient rapidement une belle aubaine, et exportent leur business vers l’Afrique de l’Ouest. Côte d’Ivoire, Nigeria ou encore Bénin, le wax devient le chic ultime.
Plus qu’un simple motif
Le wax a plus d’un secret bien gardé. Après ses origines, c’est à travers ses motifs qu’on pénètre un peu plus dans son histoire. « Tu sors je sors », « Mari capable » ou « Chérie ne me tourne pas le dos ». Des expressions ? Non ! Des noms de motifs. Pour Marie Merlin, le wax est devenu un “véritable patrimoine iconographique”.
Et ces innombrables noms, on les doit à des femmes, baptisées les Nana Benz. Ce sont les distributrices pionnières de ce tissu dans les années 1960 au Togo. Outre les appellations des motifs, elles deviennent de véritables femmes d’affaires, jusqu’à faire partie des cercles privés de la politique.
Pour Marie Merlin, le wax est une histoire de femmes à ses débuts, comme aujourd’hui. “Aujourd’hui encore, ce sont les femmes qui choisissent et commercialisent les tissus”. Entre sa commercialisation et son appellation, ce sont le plus souvent les femmes qui le portent. Ce sont elles aussi qui en assurent la succession au sein des familles, en Afrique comme en Europe. Transmis le plus souvent de mère en fille, il constitue un véritable « matrimoine ».
le wax est une histoire de femmes à ses débuts, comme aujourd’hui
Certains motifs connaissent un succès durable, quand d’autres sont aussi vite arrivés qu’oubliés. Plus qu’un simple vêtement, il permet avant tout à celui ou celle qui le porte de montrer fièrement ses revendications. Et aucun dessin n’est laissé au hasard. « Ventilateur« est signe de richesse, « Escalier » symbolise de nouvelles étapes de la vie ou encore « Hirondelle » qui illustre la rapidité à laquelle peut s’envoler l’argent.
Ils puisent principalement leur diversité dans la faune et la flore, aussi bien que dans les actualités politiques et sociales. On se fraye un chemin entre « l’Alphabet », « La Main » ou encore « Le sac de Michelle Obama ». On est d’ailleurs surpris de retrouver au détour d’un pagne accroché au mur la tête d’une autre figure de pouvoir, l’ancien président français Valéry Giscard d’Estaing.
À travers les différentes photographies de l’exposition, on perçoit l’héritage multigénérationnel du wax, de par ses motifs et ses couleurs qui se mélangent et s’assemblent, pour former chaque fois de nouvelles histoires.
Entre appropriation et réappropriation
“On a souhaité montrer l’écho du wax dans le champ de la création contemporaine”. Entre photographies en noir & blanc de Seydou Keïta, créations originales du designer Lamyne M ou encore portraits colorés de la photographe Thandiwe Muriu, le wax se décline sous toutes ses formes dans l’art et la mode d’aujourd’hui.
Selon Marie Merlin, il était important de montrer “comment certains questionnent le sujet de l’appropriation culturelle, quand d’autres s’interrogent sur celui de la réappropriation.” L’intérêt étant ici de montrer comment les artistes se l’approprient et le mettent en avant à travers leur œuvre, quand d’autres le rejettent au profit de textiles natifs du continent africain.
Une exposition pleine de couleurs, de revendications et de symboles qui propose des regards pluriels sur ce tissu. Si vous souhaitez mettre un peu de couleur dans votre vie le temps d’un week-end, il est temps de se rendre au Musée de l’Homme !
Apolline Prulhiere
La Perle
Exposition « Wax »
Du 05 février au 07 septembre 2025
Musée de l’Homme
Place du Trocadéro, 75116 Paris
www.museedelhomme.fr
Instagram : @museedelhomme