Anatomie du fait divers au MAC VAL

Au Musée d’Art Contemporain du Val-de-Marne, 80 artistes contemporains se rencontrent et plongent ensemble dans la représentation de ce qui fait un bon fait divers. Aussi dérangeant que fascinant.

Au Mac Val, une sensation d'immensité nous submerge. Les sœurs Papin ont assassiné leur patronne. Elles sont représentées et décortiquées par l'artiste Nicolas Daubanes. Photo : Léo Jean Joachim

Une exposition sur la brutalité. Au Musée d’art contemporain du Val-de-Marne (Mac Val), des portraits de serial killers cannibales conçus comme des portrait-robots habillent les murs. Cette frontalité fait froid dans le dos. On doit ces portraits à l’artiste Claire Dantzer. Elle est l’une des 80 artistes de l’exposition “Faits Divers. Une hypothèse en 26 lettres, 5 équations et aucune réponse.”

Une sensation d’immensité nous submerge. Plongés dans la pénombre, les visiteurs accompagnent les artistes dans leur dissection du fait divers. Un grand nombre d’œuvres d’art pour nous inviter à creuser, interroger, comprendre l’être humain et peut-être même, exorciser ses crimes.

L'alphabet du fait divers

Le parcours est segmenté en cinq parties, ces fameuses cinq équations du mystérieux intitulé. Et ces 26 lettres ? Un abécédaire du fait divers, en référence à l’œuvre de La Brodeuse Masquée, mystérieuse femme artiste active sur les réseaux sociaux. Chacune des lettres représentent un crime, “a” pour assassinat, “e” pour enquête ou encore “t” pour témoins, et un récemment intégré au jargon, “f” pour féminicide.

Le spectateur n’est pas invité, à proprement parler, à mener l’enquête, mais plutôt à suivre celle des artistes. Une dissection raisonnée et intelligente de ce que constitue le fait divers à travers plusieurs affaires. À l’aide d’archives, de reconstitutions, certains des travaux se présentent comme des installations restituant le programme de recherche mené par les détectives. “Cela permet aux visiteurs d’être, eux aussi, dans une posture d’interrogation”, complète Vincent Lavoie, co-commissaire de l’exposition.

Les portraits de "serial killers" cannibales conçus comme des portrait-robots par l’artiste Claire Dantzer. Photo : Léo Jean Joachim

"Une pathologie des objets"

L’exposition est dense mais soutenue par une grande agilité pour rendre le propos moins frontal, moins effrayant. “Quelque chose était lié à l’objet, explique Nicolas Surlapierre, commissaire d’exposition et directeur du Mac Val. Je n’avais pas du tout pensé que j’allais aller vers cette pathologie des objets, qui sont aussi des objets témoins, des pièces à conviction, presque des indices, qui nous guident dans l’exposition en créant un univers cohérent”.

Les œuvres comme témoins servent à ancrer le propos artistique dans l’atrocité. Non pas pour l’accepter, mais pour entrer dans les coulisses et le décor de ces actualités du fait divers.  L’affaire Grégory (1984) est dépeinte par l’artiste Joël Brisse, vision glaciale en triptyque d’un enfant dont le corps flotte sur l’eau.

Celle des sœurs Papin (1933) est représentée par Nicolas Daubanes. Dans une technique saisissante de matériaux magnétiques fixés au mur, l’artiste dont on connaît la passion pour le monde de la prison, s’est penché sur le portrait de ces deux domestiques modèles. Elles ont assassiné leur patronne.

Dans l'exposition, la charge accordée aux objets est intense. Vue de l'exposition, avec l'œuvre de Philippe Ramette, Le suicide des objets : le fauteuil, 2001. Photo : Léo Jean Joachim

Crash d'avion et noeuds de cravate

Les œuvres nous immergent dans ce processus macabre. L’exposition s’interroge sur ce qui fait un bon fait divers. Peut-être les sueurs froides qui accompagnent ces histoires ? De l’accident à la catastrophe, du meurtre au suicide. L’installation vidéo du duo d’artistes Brognon & Rollin met en scène le temps de réaction dont disposent les pilotes d’avion au moment du crash pour s’éjecter de l’appareil. 

Aussi vite qu’il faut pour nouer une cravate, la réaction des pilotes se compte en quelques secondes et la panique n’est jamais loin. Sur des écrans, les hommes qui ont déjà été confrontés à cette situation. Certains ont survécu à plusieurs crashs.

On entre aussi dans le très contemporain, avec Mohammed Bourouissa qui nous place au plus proche de ce que vivent les pompiers. En photographie, une vision de deux corps anonymes après un accident sur le périphérique.

L’installation vidéo du duo d’artistes Brognon & Rollin met en scène le temps de réaction dont disposent les pilotes d’avion au moment du crash. Photo : Léo Jean Joachim

Cette exposition collective inaugure l’anniversaire des 20 ans du MAC VAL. Elle tenait aussi à cœur à Nicolas Surlapierre. Le commissaire tient l’idée de cette exposition du musée de Besançon qu’il dirigeait auparavant, où sont conservés les dessins d’un maître du fait divers : l’artiste Théodore Géricault (1791-1824).

Le peintre connu pour avoir peint le naufrage du Radeau de la Méduse  a aussi retracé l’enlèvement d’un certain Fualdès. Ce procureur, assassiné et jeté dans l’Aveyron avait marqué les esprits de l’époque.  Pourquoi un telle cruauté ? Crime crapuleux ? Meurtre politique ? Dans un fait divers, tous les mystères restent permis. 

Charles Gaucher

La Perle

Exposition « Faits Divers. Une hypothèse en 26 lettres,
5 equations
et aucune réponse »

Du 15 novembre 2024 au 13 avril 2025

MAC VAL – Musée d’Art Contemporain du Val-de-Marne
Pl. de la Libération, 94400 Vitry-sur-Seine

www.macval.fr
Instagram : @macval.musee