À Fontainebleau, le sens de la fête d’une reine de France

La fête bat son plein au Château de Fontainebleau. Une exposition sur les divertissements de la Cour des Valois revient sur le rôle de Catherine de Médicis. Au XVIème siècle, cette reine de France fait de la fête le lieu de toutes les décisions politiques et diplomatiques.

En retraçant les cérémonies et pratiques éphémères festives des Valois, l’exposition nous conduit rapidement à la politique du divertissement de Catherine de Médicis. Photo : Tenture La Baleine. Crédit photo : Alexandra Beraldin.

Au XVIème siècle, la fête servait à marquer les moments exceptionnels qui rythment le quotidien des rois et reines de France : fête religieuse, rituel souverain, mariage, etc. Elle mettait en scène les divertissements qui réjouissent l’époque : mascarades, musiques, tournois athlétiques. Dès lors, une question s’impose : pourquoi les rois et reines faisaient-ils la fête ? Pour y répondre, le château de Fontainebleau se plonge dans l’époque de la cour des Valois du règne de François Ier à celui d’Henri III. Des prêts exceptionnels venus d’ailleurs alimentent une ambiance festive qui capte l’expression artistique de l’époque et les enjeux politiques à la Cour du roi.

FAIRE LA FÊTE COMME UN VALOIS

« La magnificence et la galanterie n’ont jamais paru en France avec tant d’éclat que dans les dernières années du règne de Henri second », écrit alors Madame de La Fayette dans La Princesse de Clèves, à propos du règne d’Henri II ( 1536-1559 ) et de son épouse, Catherine de Médicis. Les objets, dessins et tapisseries de l’exposition illustrent ce faste tant apprécié par la Cour et par l’écrivain. Les somptueux banquets cèdent ensuite la place à des fêtes dansantes accompagnées de musiciens. Des mascarades sont organisées, et les costumes mythologiques sont de rigueur : ils nous sont connus grâce à des esquisses inédites.

Danser, c’est aussi l’art du courtisan. A cette époque, les gentilshommes avaient une réputation à tenir :« Le soir on dansa à la Gaillarde et il ne saurait leur plaire de danser autrement. Ces gentilshommes français dansent comme des diables et ne veulent jamais faire autre chose », écrit un invité ambassadeur en 1545. Sous les bijoux et les costumes, deux personnes se murmurent confidences et stratégies, le temps d’une danse.

“ LE GOÛT DE LA GUERRE TIENT UNE LARGE PLACE : DES JEUX DE COMBAT SONT ORGANISÉS AFIN D’HONORER LES EXPLOITS MILITAIRES DU ROYAUME. ”

Photo : Fragment de décor. Crédit photo : Alexandra Beraldin.

CATHERINE DE MÉDICIS : BOUTE EN TRAIN DE LA DIPLOMATIE 

En retraçant les cérémonies et pratiques éphémères festives des Valois, l’exposition nous conduit rapidement à la politique du divertissement de Catherine de Médicis ( 1547 – 1559 ). La reine de France était alors à l’initiative d’une diplomatie reposant sur l’organisation de fêtes opulentes pour entretenir les relations diplomatiques de l’époque ainsi que son héritage dynastique.

Facile de se perdre dans les farandoles de musiques et des costumes. Pourtant, le goût de la guerre y tient aussi une large place : des jeux de combat, telle la joute, sont organisés afin de prouver sa bravoure et d’honorer les exploits militaires du royaume. Catherine de Médicis les mêlent aux exercices intellectuels : les combattants doivent aussi réciter de la poésie ou défendre des idées philosophiques telles l’Amour et la Vertu. 

À cet effet, la reine voit aussi l’occasion de transformer le carnaval en une arme diplomatique. Elle souhaite imposer, dès leur jeune âge, la présence de ses fils, les futurs rois de France. La fête est l’occasion de tempérer des conflits et des guerres – à une époque où la France est déchirée par des conflits d’ordre religieux entre catholiques et protestants. La fête se veut une manière de détourner l’attention en tenant la cour occupée.

“Le testament de Catherine de Médicis est tissé à même une œuvre exceptionnelle, celle de la série des trois tentures : « Tenture des Fêtes des Valois ». Les trois tapisseries démontrent tout l’arsenal de fête de Catherine de Médicis” .
Photo : Tenture La Baleine. Crédit photo : Alexandra Beraldin.

TESTAMENT ET TAPISSERIE : LA REINE MARQUE LE COUP 

Le testament de Catherine de Médicis est tissé à même une œuvre, celle de la série des trois tentures : Tenture des Fêtes des Valois. Les trois tapisseries en prêt grâce au partenariat avec la ville de Florence, démontrent tout l’arsenal de fête de Catherine de Médicis : architectures éphémères, scènes issues de la mythologie, musiciens, danseurs, parades et bataille navale. Elle exerce une influence sur les cours européennes, et lorsque son pouvoir fane, notamment après la mort de son époux en 1559, elle consacre son énergie au tissage de mariages politiques, étalant en Europe la majesté de son influence.

Mais il se cache bien des choses derrière la tapisserie. Elle recèle la note grinçante au sein d’une famille dans laquelle chaque événement peut se transformer en pomme de la discorde. Durant les célébrations, on négocie, à la fois, son propre destin, et celui d’un peuple entier.

Le testament de Catherine de Médicis, un héritage de la fête qui voulait sauvegarder le pouvoir et l’influence des Valois : en faisant cela, la reine – florentine de naissance – s’inscrit, elle aussi, dans la lignée des roi de France. Ironie du sort, elle meurt en 1589, année qui marque la fin de règne de la dynastie des Valois au profit des Bourbons. Elle manque aussi à l’appel de son ultime sauterie : un mariage arrangé entre Christine de Lorraine, sa petite fille, et Ferdinand Ier, son cousin et prince héritier de Florence.

La Perle

Exposition “ L’art de la fête à la cour des Valois”
Du 10 avril au 4 juillet 2022
Château de Fontainebleau
77300 Fontainebleau
Commissariat : Oriane Beaufils
Instagram : @chateaufontainebleau