Quand on ne connaît pas l’art contemporain, l’installation est le meilleur moyen de faire connaissance. Fini l’habituel mépris dégagé par de sombres sculptures conceptuelles. Chaleureuse et accueillante, l’installation vous fait comprendre qu’elle ne peut tout simplement pas exister sans vous, le spectateur.
C’est de cette manière en tout cas, que m’est apparue le travail de Mareo Rodriguez. Artiste colombien basé à Barcelone, Rodriguez voit l’art en grand. Pour lui, architecte repenti, l’espace n’est ni un problème, ni une contrainte. C’est un appel à la création. Son œuvre, faite de matière, faite de lumière, agit pour nous, spectateurs, comme un retour à l’essentiel. La nature dans ce qu’elle a de plus élémentaire. De Madrid à Paris, la rencontre à distance n’en demeure pas moins captivante.
Comment êtes-vous devenu artiste ?
J’ai toujours été fasciné par la création et par la conception de l’art comme moyen de communication. Dès mon plus jeune âge, ma mère m’ inscrit à différents cours d’arts plastiques : sculpture, peinture à l’aquarelle, à l’huile. Mais mon premier contact avec le travail de l’installation a eu lieu lors de mes études d’architecte et de designer d’intérieur. Après douze ans de carrière d’architecte, je suis finalement devenu ce que j’ai toujours souhaité être.
Vous semblez très inspiré par l’art minimaliste…
Depuis mes études d’architecte, le minimalisme a toujours accompagné mon travail. J’y ai appris le moyen de synthétiser, de réduire au minimum l’aspect d’une œuvre. En faire le plus avec le moins possible. C’est vraiment cette idée qui , pendant toutes ces années, a porté ma pratique artistique. Pourtant, je ne cherche pas à m’inscrire dans un mouvement ou une tendance stylistique spécifiques. Je préfère utiliser l’art comme langage universel et intemporel, en faire un témoin de l’époque dans laquelle nous vivons.
Étirée, compressée, froissée, suspendue… Votre travail met la matière à l’épreuve. Pourquoi ?
L’ensemble de mon œuvre est un hommage à la nature, une sorte de synthèse du paysage au travers de l’abstraction. C’est aussi une quête spirituelle permanente : travailler « la matière » sur son plan purement physique, « la lumière » dans son aspect le plus sacré. Les concepts d’expansion, de fréquences, de gravité, le mouvement des vagues et des enveloppes… Tout cela participe à ma manière d’appréhender le royaume minéral et ma connexion avec le cosmos.
Cette réflexion sur la matière se fait d’autant plus perceptible dans le cadre de vos installations. Est-ce une manière de confronter le matériau à l’espace ?
Mon approche de l’art est intimement liée à la manière dont j’appréhende un projet d’architecture. Chaque recherche étant différente, j’essaie de réfléchir à la manière d’inclure l’art à l’espace de façon à les faire dialoguer, communiquer. La matière appartient aussi à un processus d’inclusion au contexte, à l’histoire de l’espace d’exposition, aux ressources associées au projet. De la même manière qu’un matériau constitue une petite partie d’un univers tout entier, la combinaison de plusieurs facteurs détermine la conception générale de mes installations.
Parlons du spectateur. Quel rôle tient-il devant vos installations ?
Le regard du spectateur complète l’œuvre dans la mesure où l’interaction ajoute une notion d’échelle et de proportion à l’installation. Le spectateur peut ressentir l’œuvre. Plus il déploie d’interprétations et de sentiments vis-à-vis de l’œuvre, plus celle-ci est, à mon sens, réussie. Pour moi, l’art n’a pas besoin d’être expliqué ; par contre, il se doit d’être transmis et communiqué.
Comment appréhendez-vous l’espace du musée ou de la galerie ? Sert-il à enfermer ou au contraire, à mettre en valeur votre travail ?
Avant de réaliser une œuvre, je m’efforce de bien étudier l’espace d’exposition. Les caractéristiques du musée ou de la galerie – l’éclairage, les proportions, les matériaux – sont décisives à une bonne réalisation puisque l’œuvre doit respirer et dialoguer avec l’espace.
Nombreux sont les artistes qui utilisent la couleur comme puissant moyen d’expression artistique. Ce n’est pas votre cas. La lumière, très prégnante dans votre travail, est-elle un moyen de compenser cette absence de couleur ?
J’utilise une palette de couleur très restreinte. Quand j’utilise la couleur, c’est uniquement dans le but de transmettre quelque chose mais jamais par souci décoratif. C’est plutôt un moyen de renforcer le concept créatif. Le noir et le blanc sont d’ailleurs mes couleurs préférés car elles ne peuvent plus être décomposées ; elles contiennent l’essentiel.
La Perle traite majoritairement de l’actualité culturelle française. Quels sont les artistes français qui vous inspirent ?
La France a toujours été un des épicentres majeurs de l’Histoire de l’art. D’ailleurs, l’un de mes artistes préférés, Pierre Soulages, est français . C’est lui qui a prononcé une phrase que j’adore : « le Noir est une couleur lumineuse. »
Pour vous, comment l’art contemporain est-il perçu par l’opinion publique ?
Je pense que de plus en plus de personnes ont un meilleur rapport avec l’art contemporain, notamment grâce aux installations avec lesquelles elles peuvent interagir. D’autant que l’utilisation du smartphone et des réseaux sociaux rendent l’art plus démocratique et plus accessible au public… même si ce n’est pas le biais d’un écran.
Quels sont vos projets pour 2020 ?
Une de mes expositions vient de s’achever à Mexico City et j’ai participé au Festival d’Arts Islamiques au Sharjah Museum (Emirats Arabes Unis). J’ai aussi participé en janvier à 2 foires : l’Art Palm Beach (USA) et l’Artefiera (Italie). En ce moment, je travaille sur plusieurs projets pour des collectionneurs privés et me concentre sur une nouvelle série intitulée « Noir sur noir ».