Cocorico et Boshra Coste ! L’art français s’invite aux Jeux Olympiques de Tokyo

À l’occasion des Jeux Olympiques de Tokyo, l’artiste Boshra Coste signe Gallus , une œuvre sur planches réalisée en collaboration avec Boris Darlet et la Fédération Française de Roller et de Skateboard ( FFRS ). Elle vient sceller l’amitié franco-japonaise et soutenir les athlètes en compétition.

Deux planches ont été transféré à Kasama au Japon tandis que la troisième est au siège parisien de la FFRS. Crédit photo : Boshra Coste.

Coq en pâte, chant du coq et coq sportif, l’animal à crête fait corps avec l’imaginaire français. En ville, on ne le croise que rarement. Mais c’est le skateboard, une pratique des plus urbaines qui s’apprête pourtant à porter son symbole aux Jeux Olympiques de Tokyo. Petite nouvelle de la compétition, la discipline skate compte cinq athlètes dont trois dans la catégorie street : le 14 juillet dernier, jour de fête nationale, Aurélien Giraud, Charlotte Hym et Vincent Milou s’envolent pour Kasama – camp de base et d’entraînement – avec dans leurs valises Gallus – en latin, coq et Gaulois – l’œuvre à trois planches – de skate – de Boshra Coste

ŒUVRE À DEUX VOIX

« Je suis une conteuse d’histoire » affirme-t-elle, tout sourire. Et pour cause son œuvre en raconte mille. Artiste-peintre, slameuse et attachée d’administration au Ministère des Sports, Boshra trempe son pinceau à la couleur et la sueur de son front. Pour elle, la synergie entre arts et sports ne fait aucun doute. Un esprit sain dans un corps sain et une perche que Boris Darlet, Président de la Fédération Française de Roller et de Skate (FFRS) a su saisir. Pour signifier l’amitié franco-japonaise, sa collaboration avec Boshra a permis l’envoi de l’œuvre à Kasama où deux des planches on trouvé foyer tandis que la troisième demeure en France, au siège de la FFRS : « Aujourd’hui la Fédération a quelque chose à dire de l’ordre de l’âme. Pour que le skateboard français devienne plus audible, je souhaitais qu’il soit traduit différemment » 

Oeuvre à deux voies. Paris et Kasama. Oeuvre à deux voix. Boris et Boshra. Dans une démarche complice, ils ont œuvré pour faire naître Gallus. Dans le brouhaha du Flore, café des artistes, ils se donnent la réplique : « Boshra a eu l’idée. J’ai simplement donné l’impulsion… – Mais pas seulement ! reprend l’artiste, Boris m’a offert l’expression la plus favorable possible pour créer l’œuvre que j’avais en tête. Sa bienveillance – qui a accompagné l’exercice – m’a beaucoup aidée. Je sais reconnaître les gens qui se connectent. Alors, quand nous avons décidé de travailler ensemble, je me suis dis : “c’est génial, je vais pouvoir voyager dans le monde du skate et lui dans le monde de l’art !” ».

“LES ATHLÈTES SONT DES ARTISTES : ILS CRÉENT DE LA STABILITÉ DANS L’INSTABILITÉ.”

De gauche à droite : Boris Darl et Vincent Milou, Aurélien Giraud, Charlotte Hym et Boshra Coste. Crédit photo : Léna Naouri.

COQ EN COMPÉTITION

Art et skateboard ? En dépit de l’enthousiasme de l’artiste, on sourit, le sourcil froncé. Son évidence ne fait pas autorité. On creuse. Dans ce foisonnement de symboles et de couleurs, que représente vraiment ce triptyque ? En quoi, au-delà de sa destination olympique, s’incarne-t-il dans la discipline sportive ? Il y a le coq, d’abord. A la fois titre et motif de l’œuvre, l’animal sert à « représenter l’union du Japon et de la France, de l’Orient et de l’Occident. Au pays du Soleil Levant, c’est l’oiseau qui chante le premier et accueille la lumière avant les autres. En France, c’est l’animal emblème » explique Boshra. Peint à l’envers, il se laisse tomber. « C’est comme la glisse, précise Boris. En skate, il y a une forme d’addiction, de recherche de vertige qu’on vient récupérer de justesse. On se laisse tomber pour se rééquilibrer. Une sensation de lâcher prise que le coq, représenté ainsi, reflète très bien ».

Le coq, la tête de mort, la carpe, le dragon, le pouce de César… Dans l’abstraction ambiante de son œuvre, Boshra cache pléthore de symboles à déchiffrer. À la contemplation s’ajoute alors une quête de sens dont Boris Darlet reconnaît l’utilité existentielle : « Je suis fasciné par le sens. Je trouve qu’il n’y a rien de plus important. Dans une société où l’on a délégué notre cerveau aux machines, la quête de sens reste. Interroger le non évident, percer les messages cachés c’est s’ouvrir au monde. Et c’est tout le projet de la Fédération : libérer notre plein potentiel. »

LES ATHLÈTES : ARTISTES EN PUISSANCE ? 

Très sensible à l’art, le président de la Fédération ne s’en cache pas. Pour lui, le skate est – au même titre que les autres sports – une forme d’art. Une esthétique du geste. Pour Boshra, la corrélation est évidente. Presque inconsciente : « Quand je parlais des œuvres avec Boris, je n’arrêtais pas de dire qu’il fallait « remettre les œuvres aux artistes » et non aux athlètes ! Lapsus ! Les athlètes sont des artistes : ils créent de la stabilité dans l’instabilité. Lorsque je peins, je mets en forme tout en perdant pied dans ma création. C’est exactement pareil » 

« Mais c’est selon, précise Boris Darlet. Certains ne voient le skate que comme une performance, un moyen de se dépasser ; d’autres comme un style de vie. Charlotte Hym dit par exemple qu’elle prend son skate tous les jours pour faire ses courses, se déplacer sans forcément l’intégrer à sa pratique sportive ». Pour Aurélien Giraud que nous avons rencontré, « le skate a d’abord été une passion, un moyen de faire comme les grands avant de devenir une compétition ». 

En ouvrant la discipline à la création artistique, la Fédération souhaite déployer une liberté sportive et, en cela, encourager la jeunesse : « l’œuvre dit “Va, vis, deviens”. Elle incite les jeunes à passer à l’action, à devenir qui ils sont. Même si les pentes sont difficiles, même si l’époque prête aux confusions, les choses peuvent s’incarner et sortir de l’obscurité. Comme le coq appelle le pays du Soleil Levant ».

Et après ? « L’œuvre va vivre sans nous. Maintenant qu’elle existe, elle ne nous appartient plus » Séparée entre Paris et Kasama, le triptyque évoque une tradition chamane dont Boris Darlet nous fait part : « certaine sociétés traditionnelles pensent que les objets ont une âme et que c’est aux hommes de tout mettre en œuvre pour les réunir. Si cette œuvre a quelque chose à dire au monde, elle s’en sortira sans nous. On a simplement créé un lien d’esprit. » Pour réunir Gallus, Boris et Boshra envisagent notamment de la retranscrire sous forme virtuelle. Pour toucher la jeunesse, la vogue NFT n’est pas loin. 

Cette année, pour des raisons sanitaires, les Jeux Olympiques se dérouleront sans spectateurs. Un situation unique dans l’Histoire de la compétition sportive. « L’athlète va devoir se porter à lui-même. Sans l’énergie du spectateur. Mais je pense qu’il y aura de belles surprises. Cela va chambouler l’exercice. Peut-être que certains se sentiront mieux dans le silence et pourront ainsi mieux se révéler » C’est le pari de Boshra mais également d’Aurélien Giraud : « J’essaye de ne pas trop y penser, de vivre le moment comme il faut le vivre et de profiter de l’instant. C’est déjà une chance de participer aux JO. On fera en sorte que le public soit dans notre esprit ».

Perla Msika

La Perle

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