Angèle Mac : la peur comme moteur

L’actrice tient le premier rôle dans le dernier film du réalisateur Guillaume Nicloux, La Tour. Présenté au Festival du cinéma américain de Deauville dans la catégorie “Fenêtre sur le cinéma français”, celui-ci s’inscrit dans une atmosphère terrifiante et fantastique où des personnages confinés dans une tour de cité, doivent survivre face à une mystérieuse menace venue du dehors. Un registre inattendu pour le tout premier long-métrage de la jeune femme… mais, finalement, assez proche de ses goûts cinématographiques.

Angèle Mac joue le rôle d’Assitan, une jeune femme réservée qui va devoir survivre face à la menace qui guette les habitants de la tour. Crédits photo : Angele Mac.

Se faire peur pour anticiper le désastre. C’est le jeu auquel se prête Angèle Mac. Films d’épouvante et scénarios catastrophe : avant même d’être comédienne, elle se plaisait déjà à visionner le pire et en affronter toutes les dérives. Drôle de cinéphile…

Mais à force de savourer le terrifiant, on y prend goût : Dans le rôle d’Assitan, héroïne du dernier film Guillaume Nicloux, La Tour (prochainement au cinéma), l’actrice joue une jeune femme décidée à survivre et protéger sa famille face à la mystérieuse menace qui encercle les habitants d’une tour de cité. 

À l’occasion du Festival du cinéma américain de Deauville (du 2 au 11 septembre 2022) pour lequel La Tour a été retenu dans la catégorie “Fenêtre sur le cinéma français”, Angèle Mac revient sur son parcours et son goût prononcé pour le malaise et les sueurs froides.

Comment es-tu devenue actrice ? 

J’ai commencé le théâtre un peu par hasard, à l’âge de 9 ans. On jouait une pièce à l’école dont j’avais appris le premier rôle par coeur. Et comme l’élève qui devait le jouer ne parvenait pas à retenir le texte, je l’ai remplacée. J’ai adoré ça. Mais j’ai commencé à prendre de vrais cours au théâtre du Grand Bleu de Lille, et ce, pendant toute ma jeunesse. Après le lycée, je me suis tournée vers des études d’audiovisuels. Je voulais être comédienne, bien sûr mais pour ma famille, dont mon père qui est militaire, il fallait d’abord que je fasse des études plus conventionnelles qui m’assurent la sureté de l’emploi. Ce que j’ai fait. À l’issue de mon cursus, je me suis dit que c’était le moment ou jamais pour se lancer. Et puis, c’était au moment du covid : On le dit souvent mais quand le monde semble te tomber dessus, c’est peut-être le signe qu’il faut prendre d’autres chemins. J’ai donc intégré l’Ecole de théâtre des Enfants Terribles. Deux mois plus tard, je rencontrais mon agent. Quelques semaines après, je décrochais le rôle d’Assitan dans La Tour.

Tu es passée par une école de théâtre. Pourtant, tu as toujours été plus branchée cinéma…

Disons que c’est de famille. Mon père est un gros cinéphile. Il tient cette passion de sa mère et me l’a transmise à son tour. J’ai donc davantage pris l’habitude d’aller voir des films que des pièces de théâtre. Avec mon père, on se fait des week-end entier au cinéma. Parfois, on va même voir deux films d’affilée. De mon côté, tous les jours, je regarde au moins un film ou une série différente. J’essaie d’intégrer le théâtre à mon quotidien, mais en ce qui concerne ma carrière, je privilégie toujours le cinéma. 

Tu as fait tes armes en école mais aussi dans plusieurs clips comme celui de Clara Luciani ou dans la série Skam sur France TV Slash. Aujourd’hui, tu campes le rôle d’Assitan dans La Tour de Guillaume Nicloux. Un premier rôle pour ton premier long-métrage. Peux-tu me parler de ton personnage ? 

Assitan est l’une des habitantes de la tour. Elle y vit avec son petit frère et sa mère. Sur le papier je la croyais assez proche de moi : frontale, téméraire. Mais en réalité, elle est plus réservée, plus observatrice. Face à la mystérieuse menace qui confine les habitants de la Tour, elle va essayer de faire face et de s’organiser avec les autres pour survivre. 

Le film oscille entre le fantastique et l’épouvante. Un registre pas vraiment emblématique du cinéma français. Pourtant, La Tour est présenté au Festival du cinéma américain de Deauville dans la catégorie « Fenêtre sur le cinéma français ». Qu’est-ce qui, selon toi, a attiré le jury ? 

Dans la sélection de cette année, le réalisateur, Guillaume Nicloux, est celui qui s’est le plus éloigné de ce dans quoi on a l’habitude de le retrouver. Je pense que c’est cette prise de risque qui a suscité de l’intérêt. Et puis la période du confinement a certainement joué : au lendemain de la crise sanitaire, j’ai l’impression que de nombreux réalisateurs ont préféré faire du cinéma une forme d’échappatoire de vivre des choses différentes de ce que l’on a vécu. Dans La Tour, on a affaire à des habitants qui sont confinés dans une tour ! C’était aussi risqué de défendre et de produire une histoire comme celle-là, même si, pour en avoir discuté avec Guillaume Nicloux, ce n’est pas la crise sanitaire qui l’a inspiré : c’est la peur du noir.

On croise aussi de nouveaux visages…

Le film devait s’appeler La Tour d’Assitan en référence au personnage principal, et finalement ça sera juste La Tour. Tout le monde est mis en avant. Un peu comme un film chorale. Tu peux t’identifier à des personnages différents. Et puis, on a à la fois de nouveaux visages et des visages connus du milieu artistique : c’est le cas d’Hatik qui est rappeur ou d’Ahmed Abdel Laoui qui a joué dans le film Hors Normes

“JE SUIS FAN DES FILMS POST-APOCALYPTIQUES. JE ME SUIS DONC TOUJOURS PROJETÉE À JOUER CE GENRE DE REGISTRE TERRIFIANT.”

Angèle Mac

Le film d’épouvante, c’est inédit pour un premier saut dans le cinéma… 

Personnellement, je suis fan des films d’anticipation, post apocalyptiques ou futuristes. J’ai dévoré et adoré la série Black Mirror ! Je me suis donc toujours projeté à jouer ce genre de registre un peu terrifiant. Et puis, en tant que comédienne, j’ai toujours envie de sortir du quotidien : j’aime arriver sur le plateau et vivre des situations improbables !

Le film a lieu dans la tour d’une cité de banlieue française. As-tu été sensible à ce choix de décor ? 

La première question que je me suis posée, c’est la légitimité : celle de jouer une fille qui a grandi dans une cité alors que ce n’est pas mon cas. Le contexte actuel pousse à s’interroger sur notre capacité à interpréter des communautés auxquelles on n’appartient pas. Un personnage transgenre ou homosexuel, par exemple. Dans le cas de La Tour, j’ai posé la question à des amis qui ont grandi en cité. Mais dans la mesure où c’était de la fiction, il n’y a pas eu de problème. Et puis la dimension sociale n’est pas ce qui domine dans le film. En revanche, je me suis interrogée sur ce qu’apporte le contexte et le décor. Est-ce que le film aurait été le même s’il se passait dans un appartement du XVIème arrondissement de Paris ? Je ne pense pas. 

La question de la légitimité semble essentielle à tes yeux. Est-ce que cela te freine dans les choix de casting ? 

Ça ne me freine pas mais je me la pose tout le temps. Par exemple, dans Skam, j’ai joué une jeune activiste écolo lesbienne. Je ne suis pas particulièrement écolo, j’admire les activistes mais je ne le suis pas, et je ne suis pas lesbienne non plus. En un sens, quand tu portes un rôle qui représente des personnes, tu es aussi porte parole. Il faut que tes mots soient justes, au plus près de ce que ces personnes vivent. Par exemple, sur La Tour, j’aurai aimé faire plus de recherches, plus d’imprégnation dans ce contexte là. Quand j’ai rencontré Guillaume Nicloux, je suis arrivée avec un carnet entier de questions, tandis que lui travaille plus à l’instinct et l’intuition des personnages. De mon côté, j’ai vraiment besoin de ce travail de recherches. Quand j’ai joué pour Skam, j’ai regardé toutes les interviews de l’activiste écologiste Camille Etienne : comment elle pense et agit ? Quel est son quotidien ? Ça ne m’a pas forcément servie mais c’est aussi rassurant de baliser le registre auquel on s’attaque. 

Tu t’apprêtes à assister au festival du cinéma américain de Deauville. Quelles sont, justement, tes références en matière de cinéma américain ? 

J’agace mes amis avec deux films incroyables : Captain Fantastic de Matt Ross (2016) raconte l’histoire d’un père qui vit de manière alternative dans la forêt avec ses enfants. J’ai vu ce film à une période où je me demandais justement si je voulais avoir des enfants ou non. Ça a été révélateur non seulement pour ma vie personnelle mais aussi pour mes attentes professionnelles. J’ai adoré ce film. Et puis, il y a Coraline de Henry Selick, un film d’animation en stop motion qui raconte la vie d’une petite fille qui emménage dans une grande maison rose. Et alors qu’elle explore la maison, elle tombe sur une porte condamnée qui la mène dans un monde étrange… J’ai adoré ce film. Pour moi, il a tous les codes du film d’horreur.

Quels sont tes projets pour la suite ? 

Je viens d’achever le tournage de La dernière colonie, quelque jours après avoir achevé celui de La Tour. Il s’agit d’un téléfilm de Sofia Alaoui, actuellement en compétition au Festival de la fiction. Il raconte l’histoire d’enfants qui, partis en colonies de vacances, se retrouvent coincés dans la montagne par la montée des eaux. Là encore, ils vont devoir apprendre à vivre ensemble et à s’organiser pour survivre. Je suis passée de l’enfermement de La Tour aux grands espaces de La dernière colonie. Une vraie expérience. 

Propos recueillis par Perla Msika

La Perle

La Tour de Guillaume Nicloux
Prochainement au cinéma
Avec : Angèle Mac, Hatik, Jules Houplain
En ce moment au Festival de Deauville
Du 2 au 11 septembre 2022
Présenté dans la catégorie “Fenêtre sur le cinéma français”