Connue sous le nom de « LaSaintGlinGlin » sur Instagram, où elle a popularisé les enchères, Chloë Collin franchit un nouveau cap en lançant sa propre maison de ventes, Saint Auction. Rencontre avec cette commissaire-priseur qui s’attache à dépoussiérer la vente d’œuvres d’art.
Autrefois lieu de découvertes médicales, ce bâtiment du XVIIe siècle résonne désormais au son du marteau de Chloë Collin, qui fut un temps la plus jeune commissaire-priseur de France. Elle lance aujourd’hui sa propre maison de ventes, Saint Auction, et c’est au Philanthro Lab, un hôtel particulier dédié à la philanthropie et installé dans une ancienne faculté de médecine à Paris, que Chloë Collin a marqué de son marteau en galuchat rose, le 23 octobre dernier, cette nouvelle étape de sa carrière.
Formée chez Fauve Paris et Pierre Bergé & Associés, la commissaire-priseur inaugure son aventure avec la mise aux enchères de la collection d’Emmanuel Moyne, avocat passionné de street-art, rassemblant 170 œuvres de grands noms de ce mouvement qui passionne la jeune femme.
Vous avez été, pendant un temps, la plus jeune commissaire-priseur de France. Aujourd’hui, vous vous lancez, à 28 ans à peine, votre propre maison de vente. Qu’est-ce qui vous anime ?
C’est cette passion de raconter des histoire qui m’a poussée à créer Saint Auction. Pour transmettre les œuvres d’art et leurs récits différemment. En 2024, il est possible d’offrir une lecture différente de l’Histoire de l’art tout en respectant les codes stricts du métier de commissaire-priseur.
C’était aussi une volonté de devenir cheffe d’entreprise. Être jeune dans ce milieu n’est pas toujours évident, et je n’ai pas le même bagage que ceux qui ont des années d’expériences, mais j’avais envie de me mesurer au défi d’aller à la rencontre des collectionneurs. Avec mon compte @lasaintglinglin, j’ai pu démocratiser les enchères. Avec Saint Auction, j’espère imprimer ma touche personnelle sur le milieu.
C’est vrai que votre compte Instagram raconte déjà le monde des enchères via une touche très personnelle….
J’ai un côté créatif depuis que je suis petite. J’ai toujours fait du théâtre, j’étais au Conservatoire d’art dramatique de Bretagne au lycée. Et quelques années plus tard, alors que les études de commissaire-priseur sont très rigoureuses, ma façon d’exprimer ma créativité passait par les vêtements et le dessin. J’en réalisais énormément ! Il fallait que je compense la rigueur du métier par quelque chose d’artistique. C’est ainsi que j’ai créé mon univers.
Et puis, j’étais très liée à la jeune création. En évoluant dans ce milieu, j’ai remarqué qu’il n’y avait pas de vidéos sur les ventes aux enchères. J’ai été très heureuse de voir la curiosité que cela a suscité. Je voulais quelque chose d’un peu mystérieux, enchanté, fantastique, et comme toujours, raconter des histoires.
Le lancement de votre maison de vente s’inscrit-il aussi dans cet univers ?
J’essaye toujours de faire le pont entre le monde sérieux des enchères et ma créativité. Mon objectif est de créer une maison de ventes qui transmette les objets et les œuvres d’art autrement : en présentant les objets avec plus de modernité, en proposant aux artistes de venir raconter leur oeuvres ou via des expériences gratuites. L’objectif est aussi d’attirer un public plus jeune, et de nouveaux collectionneurs. Beaucoup m’envoient déjà des photos directement sur Instagram. C’est plus facile.
Comment se démarquer des très nombreuses maisons de ventes qui existent déjà en France ?
Ce qui me passionne, c’est de tisser des liens entre différents univers : le premier et le second marché, les institutions, les enchères, les galeries. J’aime aussi intégrer dans mon travail les domaines qui m’inspirent personnellement. C’est pour cela que nous organisons des ventes dans des lieux atypiques. Notre première vente a lieu au Philanthro Lab, un espace dédié à la philanthropie qui a traversé le temps : autrefois une bûcherie, puis une faculté de médecine où l’on pratiquait des dissections ! Bien sûr, il y aura des ventes traditionnelles à l’Hôtel Drouot (ndlr, QG parisiens des ventes aux enchères), mais aussi dans des lieux singuliers, des lieux avec une âme, capables de sublimer les œuvres d’art.
La vente inaugurale est dédiée aux oeuvres d’un avocat qui est aussi collectionneur… Qui est-il et quelles sont les particularités de ses oeuvres ?
Maître Emmanuel Moyne a défendu beaucoup d’artistes d’art urbain. Au fil de sa carrière, il a défendu des graffeurs dans des procès face à la RATP et la SNCF, tout en collectionnant leurs œuvres bien avant que le street art ne gagne en légitimité. Depuis les années 2000, il a soutenu ces créateurs souvent autodidactes, en dehors des circuits classiques des beaux-arts. Cette collection, qui reflète trente ans de dévouement, rassemble des œuvres de figures incontournables comme OBEY, David Choe, Futura 2000, et JonOne.
« Je veux attirer un public plus jeune, de nouveaux collectionneurs. »
Vous aussi vous vous intéressez au street art…
J’y ai été initiée dès mon enfance, et elle a laissé une empreinte durable en moi. Ce marché s’est développé depuis maintenant 50 ans et possède aujourd’hui une histoire reconnue dans le monde de l’art. Il incarne toute une génération née dans les années 1980, en même temps que le Hip-Hop. J’ai eu la chance de voir ce mouvement gagner en ampleur, et je l’ai vécu comme une chance d’en être témoin. Je me suis dit que si je ne pouvais pas créer moi-même, alors je mettrais toute mon énergie à soutenir ces artistes.
Sibylle Aoudjhane
La Perle