Parlons peu, parlons bien : la solitude nous ferait-elle du bien ? Il est vrai que l’existence entre quatre murs – que depuis un an ou presque, nous côtoyons – plaiderait pour le « Non ». Mais à la réflexion, la solitude – croyez en Hernan Bas – a du bon.
SEUL DANS SA TÊTE
Actuellement exposé à la Galerie Perrotin, l’artiste a, semble-t-il, misé sur l’isolement performatif, car il est à la fois son cadre de travail et le thème explicite de ses nouvelles peintures. Dès le premier confinement, Bas s’est emparé du mois de Mars en réalisant d’étranges toiles englobées et apprivoisées par une exposition intitulée « Creature Comforts » : le nez en l’air, mélancoliques et solitaires, de jeunes hommes tentent de se frayer un chemin parmi oniriques décors.
Contraints de se débrouiller, les dandys d’Hernan Bas – empreints à une masculinité plus vulnérable – ne sont pas sans rappeler les états d’âmes adolescents, les rites de passage existentiels que seul notre esprit, en quête d’un nouvel équilibre, d’une maturité en devenir, s’efforce cahin caha de retrouver. C’est comme 2020, voyez-vous : on ne cesse de la dénigrer, de crier à « l’année terrible », mais tout compte fait : ne nous aurait-elle pas – même rien qu’un peu – tiré les vers du nez ? Aidés à sa façon ? Comme l’inattendu, le nécessaire, le bon vieux coup de pied aux fesses ? Bref.
PAYS IMAGINAIRES
Revenons à nos bonhommes. Plus seuls que jamais, la Galerie Perrotin les isole. Dans le silence des salles blanches, l’artiste ravive la triste mine de la vie culturelle via une couleur plus tourmentée mais plus désirable que jamais. Opaque, étouffante tel le serpent grimpant au cou d’un éphèbe dans Hot Seat ; transparente, acidulée tels les fruits perfusés de l’arbre Nectar, la couleur peut tout aussi bien jouer la carte du contraste que de l’uni-teinte. Comme si l’on avait colorié les décors. Comme si, bien loin des filtres Instagram banalisants à souhait, l’on retrouvait – enfin – les atmosphères et les subtilités de ce monde.
Et quel(s) monde(s) ! Hostiles ou familiers ? C’est là toute la question. Peut-être même la plus élémentaire, dès lors que nous entrons en société, dès lors que l’homme, avide d’aventures et de milieux, se risque à l’inconnu. Ici c’est autre chose: faute de vie sociale, les garçons d’Hernan Bas s’inventent de nouveaux espaces. Laissant opérer la magie de l’imaginaire, ils rêvent au ludique, aux manèges, aux ballades inventées, aux fleurs et saveurs retrouvées. Alors pour les accompagner, et en attendant le déconfinement – le vrai ! – courons à la Galerie Perrotin avant le 30 janvier 2021.
… Mais loin d’être suffisant. Et de l’art de grande surface à l’art en surface, il n’y a donc qu’un pas. Si l’on ne dit pas non à la Galleria Continua, on l’attend au tournant. Elle qui prévoit d’agrémenter son site d’un café, d’une boutique et d’une salle dédiée aux conférences, doit maintenant jouer quitte ou double : perdre la création dans une série de services et de condiments ou mettre son divertissement au service des œuvres d’art. Affaire à suivre.